Chapitre 43

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Point de vue Benoit:

J'avais passé l'après midi à montrer à Maryse la ferme, à lui faire découvrir l'endroit dans lequel je vivais depuis que je les avais abandonnés. Elle m'avait écouté sans brancher, m'avait suivi sans faire d'histoire. Je la trouvais bien silencieuse depuis qu'elle était arrivée. Je ne la reconnaissais pas dans le tableau que m'avait peint Lucile. Je devais dire que même pendant qu'elle parlait avec les gosses Luchaut, elle était plus entreprenante, mais là rien. On aurait dit une mioche que je trimballais sans réel intérêt.

J'étais une fois de plus perdu. J'avais oublié à quel point c'était compliqué de s'occuper d'enfants, qui plus est quand ils sont à nous.

Après nous être arrêtés aux cages à lapin, je finis par en avoir marre et décidai de lui parler franchement.

— Bon, Maryse, j'ai bien compris que tu t'ennuyais avec moi, alors dis moi ce que tu veux faire ? m'énervais-je.

— Je ne m'ennuie pas, déclare-t-elle sur le même ton.

— Maryse, ne joue pas à la forte tête avec moi, je suis ton père. Nous avons une après midi à nous tous seul, autant faire quelque chose qui te plaise réellement, plutôt que de subir ta vie, comme si je t'emmenais à un enterrement.

— C'est juste que je ne comprends pas pourquoi tu t'entêtes à me présenter tous les animaux de la ferme alors que je vis moi-même dans une ferme. Traire les vaches, chercher les oeufs, tondre les moutons, je sais faire ça. Depuis, que tu es parti, j'aide maman dans toutes les tâches possibles alors, oui, c'est une perte de temps pour moi. C'est peut être une ferme différente en terme d'agencement mais ça reste une ferme avec ces installations et sa puanteur, déballait-elle à grande vitesse.

Elle me laissa sans voix, surpris par cet élan d'agacement si soudain.

— De plus, le véritable problème est dans ta phrase. C'est un moment de retrouvaille, on doit donc faire quelque chose qui nous intéresse tous les deux et non moi seule. Depuis, que je suis arrivée, tu ne me dis que des banalités, que des inconnus pourraient dire. Tu es censé être mon père, raconte moi ta vie, ce que tu fais de tes journées plutôt que d'essayer de jouer un rôle qui ne te va pas, lâcha-t-elle avant de partir vers la maison.

Je restai là, planté dans le jardin, comme un con, n'en revenant pas de ses attaques.

Ma fille de huit ans...venait-elle de me parler comme si elle en avait vingt ?

J'ai raté bien plus de choses que je ne croyais. J'avais perdu deux ans de sa vie, deux ans où elle s'était métamorphosée beaucoup trop vite.

Jean me sortit d'un coup de ma torpeur en me donnant un coup amical sur l'épaule.

— T'en fais pas, les enfants à cet âge change d'une vitesse. Avec mes fils, tu leur dis bonjour un matin et tu te retrouves avec des jeunes hommes le soir. Tu rattraperas vite le temps perdu. N'oublie ce que t'as dit Lucile, elle lui a parlé de toi en bon terme et a gardé une mèche de cheveu. Tu comptes pour elle, c'est juste dur de se retrouver ici avec des inconnus. Sa mère lui manque sans doute. Ça ira mieux quand elle verra une autre tête connue. Tu n'as qu'à inviter Lucile à venir. C'est une femme, elle saura trouver les mots pour la réconforter, tenta-il me de convaincre.

— Je crois qu'il serait préférable, que je l'amène plutôt directement. Je la verrai demain. Elle aura du temps pour réfléchir. Et puis, Juliette l'aidera à se sentir mieux.

Quand je prononçai le nom de Juliette, Jean se tendit en un rien de temps. Cet effet se produisait à chaque fois, qu'il entendait ou voyait cette femme. Je n'avais pas osé lui poser la question. Il respectait bon nombre de mes silences qui pouvaient être bien pensants, je lui rendais donc la pareille.

Je le laissai à ses pensées, bien décidé à amener Maryse à Lucile. La situation était bien assez compliquée, rien ne servait de la laisser ici à vagabonder sans but.

Une fois, trouvée, je la pris par la main, ses affaires dans l'autre, et me dirigerai vers la maison de Juliette sans perdre de temps.

Le chemin se fit aussi dans le plus grand des silences. Je devais bien avouer qu'il en devenait pesant. La hâte de la laisser à Lucile se faisait profondément sentir en moi. J'étais mal à l'aise et cela se ressentait. Je marchais d'un pas rapide, faisant trottiner ma fille qui avait bien compris la situation car elle n'osait protester.

Quelques minutes, plus tard, je frappai fortement à la porte, voulant abréger tout cela au plus vite. Mes mains devinrent moites et doucement Maryse enleva la sienne pour s'essuyer sur sa robe.

La porte s'ouvrit sur une Lucile surprise. Maryse en profita pour se jeter dans ses bras et la serra de toutes ses forces. Leurs retrouvailles étaient bien plus chaleureuses pour les leurs que pour les nôtres.

— Benoit ? Je ne t'attendais pas avant au moins sept heures. Il y a un problème ?

— Maryse avait hâte de te voir, je me suis dis que toi aussi. Se trouver dans une aussi grande maison a du être trop brusque pour elle. Elle n'a pas beaucoup parlé depuis qu'elle est arrivée.

— Oh ! Et bien bienvenue dans ce petit village, ma puce. Je suis si contente de te revoir, sourit Lucile.

Je les saluai de la main et partis sans attendre mon reste.

Quel lâche ! Je me dégoûtais moi-même.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now