Chapitre 50

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Je racontai à ma mère tout ce que je savais. Je commençais moi aussi à avoir peur pour elle. J'aurais pu me taire ou ne lâcher que des bribes de paroles mais j'étais inquiète. Je ne voulais pas apprendre dans une heure, qu'elle s'était faite égorger dans les bois par un fou. Plus j'avançais dans mon récit, plus ma mère lâchait des « Ho », « Ce n'est pas vrai », « La bourrique », « Je vais tellement la punir, qu'elle va regretter d'être venu au monde », « Dire que j'ai souffert le martyre pour la mettre au monde et voilà ce que je récolte », et d'autres phrase de ce style.

— Bon, je ne vais pas pouvoir attendre une seconde de plus, je vais partir à sa recherche. Tu dois rester ici au cas où elle reviendrait et pour accueillir ton père. S'il arrive avant moi, tu lui expliques tout dès son entrée. Il partira forcément à sa recherche. Je pars une heure, dit-elle rapidement, attrapant au passage son manteau.

Elle sortit de la maison en courant, attrapant son vélo au passage. Elle sauta dessus et s'éloigna, pédalant comme si sa vie en dépendait. Je restai donc dans la maison, vide, presque froide. D'habitude, elle était toujours remplie de cris, de rires ou autres signes distinctifs. Mais, là, rien, juste un vide glaçant.

Je m'assis sur un petit tabouret et attendis. Je ne pouvais rien faire d'autre. Lire ? Pas question, je n'arrivais pas à faire partir ma sœur de ma tête, alors me plonger dans une histoire ? Sûrement pas. Mettre de la musique ? Encore moins, je n'allais pas me mettre à danser alors que l'heure était grave. Allumer un feu ? J'allais sûrement brûler toute la maisonnée, étant peu adroite avec des allumettes. Je ne pouvais donc que rester dans le salon à attendre. Les minutes passent très lentement, encore plus lorsque vous est incertaine. Finalement, un bruit de moteur, me sortit de mon ennui. Mon père. Il sortit comme à son habitude en sifflotant un air de Chopin. Dès qu'il avait un instant, il écoutait ses mélodies qui remplissaient la maison. Je redoutais encore plus notre discussion. Dès qu'il s'agissait de nous, notre père se mettait dans tous ses états, nous étions ses petites princesses. Il ouvrit la porte, sûr de retrouver sa petite famille au complet comme chaque soir depuis une vingtaine d'année, seulement, ce soir allait être une exception bien douloureuse.

— Lucile, pourquoi fais-tu cette tête ? Où sont ta mère et ta sœur‌ ? Tout est bien calme ici, dit-il avec son éternel sourire.

— Il faut que je te parle. Non n'enlève pas ton manteau, tu vas sans doute repartir très vite.

— Mais enfin, qu'est-ce qu'il se passe ?

— On ne sait pas où est Suzanne. Maman est partie à sa recherche. Elle a dit qu'elle partait pendant une heure. Ça doit faire 40 minutes maintenant, débitai-je rapidement.

— Très bien, je vais la chercher. Je reviens dans 40 minutes aussi. Reste bien ici !

Il partit lui aussi promptement. Il me laissa à nouveau seule à ressasser. Mais quelle idiote ! J'aurai dû l'en empêcher. J'aurai dû savoir qu'un à moment donné, un problème arriverait. Finalement, des pas marchèrent sur le gravillon devant la maison. Je me précipitai à la fenêtre. Suzanne marcha, trempée par la pluie qui commençait à battre. Elle avait la tête baissée, cachant une grande partie de son visage. J'ouvris la porte et courus la retrouver. Je me collai à elle pour l'enlacer mais au moment où con corps toucha le sien, elle s'écarta brutalement. Elle continua son chemin jusqu'à la maison, m'ignorant totalement. Je la suivis, surprise de son comportement ne disait mot. Suzanne s'installa à la table de la cuisine avec un verre d'eau. La lumière de la lampe éclairait suffisamment de façon à ce que je pus enfin la regarder promptement. Quelle horreur ! Sa figure si jolie, ses traits si fins et si féminins étaient rendus en cendre. Je ne vis que des bleus, des ecchymoses et des coupures. Mon regard descendit sur ses bras nus et là encore des griffures, des marques de lutte. Je la regardai à nouveau dans les yeux. Ses prunelles, elles aussi tournées vers moi, me firent comprendre l'impensable. Ma sœur avait été violentée. Elle buvait son verre d'eau dans un silence de mort. Je la laissai tranquille, de peur de l'effrayer davantage. Je voyais dans ses yeux qu'elle était apeurée et qu'un rien pouvait la faire sursauter.

— Où sont les parents ? finit-elle par dire, brisant le silence.

— Ils sont partis à ta recherche. Ils ne doivent plus tarder.

— D'accord.

Je me sentais tellement impuissante à ce moment-là Je sentais la souffrance de ma sœur, mais je ne trouvais aucun moyen pour l'apaiser.

— Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? m'enquis-je.

— Tu peux remonter le temps ?

— Non, dis-je en baissant les yeux.

— Alors tu ne peux rien, continua-t-elle les yeux dans le vague.

Suzanne se leva, débarrassa son verre dans l'évier, me contourna et partit vers l'étage.

— Je sais que tu n'as pas envie de parler et je respecterai ça, mais papa et maman ne vont pas tarder. Ils sont très inquiets. Dès qu'ils sauront que tu es là, ils vont vouloir te voir et te poser des questions. Qu'est-ce que je leur dis ?

— Dis leur simplement que j'ai été retenue chez Marguerite et que je suis fatiguée. Empêche les d'aller dans ma chambre. Je parlerai demain, prononça-t-elle me tournant le dos.

— Si tu veux parler, je suis là. On n'est pas sœur pour rien, tentai-je de sourire.

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