Chapitre 37

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Je m'approchai doucement, encore surprise par son regard porté sur moi. Il finit par me sourire dévoilant de magnifiques dents blanches.


— Vous devez être Lucile, Juliette m'a beaucoup parlé de vous. J'ai hâte de faire votre connaissance. Ne soyez pas aussi timide, approchez-vous, m'ordonne t-il gentiment en tendant sa main à mon égard.

— Je vois que vous me connaissez déjà, en l'occurence ce n'est pas mon cas, mentais-je

— C'est mieux, je vais pouvoir vous faire découvrir pleins de choses. Alors comme ça vous venez de Bussy, j'ai hâte de connaitre ce village. Je n'y suis jamais allé. A vrai dire, en ce moment, je ne connais que les tranchées boueuses infestées de rats et de maladies, ce n'est pas très présentable dit comme ça, mille excuses, déballa t-il à une vitesse folle.


Juliette ne m'avait pas menti, il avait débit de parole assez important. Je ne suis pas sure de pouvoir le suivre tous les jours. Mais je m'assis quand même, désireuse d'apprendre à le connaitre. Je savais que la plupart du temps, les personnes se comportant de cette manière, cachaient un mal être.


— Vous avez perdu votre langue ma jolie?

— Je préfère que vous m'appeliez Lucile. Que voulez-vous que je vous dise?

— Si on est réduit à ce genre conversation, on ne va pas aller très loin. Vous devez savoir que lorsqu'on rencontre quelqu'un, on se présente, on parle de soi.

— Je croyais que vous connaissiez tout de moi, disais-je avec un rictus

— Vous avez du charme, je dois l'avouer mais je ne peux m'attacher à un être que je ne connais que grâce aux autres, ce n'est pas très légitime.

Je finis par capituler et lui racontai une partie de ma vie, celle que je pensais interessante.

— Vous donc une bourgeoise, je dois vous baiser la main, m'incliner en vous saluant?, ria -t-il

— Pour votre savoir, vous ne pouvez pas me saluer, vous ne pouvez pas tenir de bout, ce serait malheureux de vous casser quelque chose lors d'un chute malencontreuse, tentais-je de le faire rire


Il me regarda ahuri incapable de se remettre de ma pique. Moi qui voulait le faire rire, je crois que j'y était allée un peu fort. Je m'apprêtai à m'excuser mais il finit par exploser de rire, un doux rire cristallin qui vient du coeur.


— Je dois avouer que je ne m'y attendais pas du tout, vous cachez bien votre jeu. Personne ne m'avait ainsi parler depuis ma blessure. Chacun essaye de prendre des gants pour me parler et pour ne pas me vexer mais ce qu'ils ne savent pas c'est que c'est ça qui me vexe le plus. Je vous aime bien Lucile, vous avez donc l'immense honneur d'être accepté pour être ma dame de compagnie, s'amusa -t-il

— Votre dame de compagnie? Vous vous êtes pris pour Marie Stuart?

— Pardon? Qui est-ce? S'étonna t-il

— Je peux vous dire que vous manquez cruellement de culture. Marie Stuart était une reine écossaise qui a épouser en première noce le roi Francois II. Devant se comporter comme une personne de haut rang, elle devait être suivie par ses dames de compagnies, des sortes d'amies, d'assistantes.

— Je m'endormirai moins bête ce soir, je vous remercie. Vous pouvez passer n'importe quand pour me faire l'école, madame, se moqua -t-il

— Assez parler de moi ou de ma culture, parlez moi de vous. Je vous connais à peine.

— Très bien alors asseyez vous sur mon lit au lieu de rester debout comme une potiche.

Je leva les yeux au ciel, désabusée par son franc parler et son honnêteté assumée. Ne voulant pas jouer à son jeu de provocation, je finis par trouver une chaise libre. Je la pris et l'installa proche du lit, souriant de ma provocation.

— Je vois que vous avez votre caractère, vous êtes indépendante.

— Allons-nous parlez de moi toute la journée ou allez vous enfin vous présentez?, le narguais-je

— Vos désirs sont des ordres Comtesse. Je m'appelle Antoine Boisières. J'ai l'âge très honorable de 26 ans. J'étais musicien avant la guerre, enfin à mes heures perdues, car officiellement je travaillais chez un tapissier. Je ne me suis jamais marié, je ne peux pas me contenir à une seule femme, bon nombre d'entre elle ont essayé mais se sont découragé en voyant mon gout prononcé pour la séduction. Voir une femme seule, me déchire le coeur, je préfère lui tenir compagnie, le temps qu'elle retrouve un sourire correct. Comme vous l'avez devinez, je suppose, je suis un homme à femme, je m'en amuse toujours autant. Découvrir les femmes, leurs corps, leurs silhouettes découvertes de tout artifices m'exalte. Mes parents ont essayé de me faire changer mais je suis un étalon sauvage, je suis libre et compte bien rester comme cela. Vous ai-je dit que j'étais un pianiste grandiose, je les fait succomber avec un morceau de Chopin et lorsque ça ne marche pas, je me limite à un vulgaire morceaux musicalement jolie mais sans plus. C'est surtout pour les femmes peu sensible à la beauté, je dois l'avouer.

— Vous êtes donc un Don Juan. Assez parler de votre gout peu chrétien pour la chair, racontez moi votre vie maintenant.

— Je ne crois pas que vous soyez prête à entendre ce genre de discours, enfin, je veux dire, je veux vous préserver, me dit -il redevenant tout à coup sérieux

— Regardez autour de vous, vous croyez que je ne suis pas un minimum préparée à entendre des histoires affreuses, indiquais-je en montrant de la main ce qui nous entourait. 

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now