Chapitre 40

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Environ huit jours s'étaient écoulés depuis ma rencontre avec Antoine. (Depuis) Il ne cessait de me lancer de longs regards appuyés. Cela me faisait bien rire. Je lui avais pourtant expliqué que je n'étais pas réceptive à ses avances, mais il avait décider de n'entendre que ce qu'il voulait. Si ça lui permettait de l'aider dans son rétablissement, je n'allais pas me formaliser pour si peu, même si je devais bien avouer que cela me gênait. Jamais, on ne m'avait si longuement observée.

J'avais pris l'habitude d'aller à l'hôpital tous les matins pour lui tenir compagnie. J'avais compris que beaucoup de malades, blessés attendaient ces visites avec impatience et parfois c'était ce qui les faisait tenir, voire guérir.

Aujourd'hui, avec Juliette, on allait accueillir Maryse. J'avais tellement hâte de revoir son petit minois, son regard si vif, les étoiles qui l'illuminaient quand je parlais de quelque chose qui l'intéressait. Elle était si extraordinaire !

Son père devait aller la chercher à la gare. Nous avions conclus qu'ils devaient passer un certain temps ensemble, c'était des retrouvailles père/fille longuement attendues pour les deux je pense. Puis, ils viendraient ici pour qu'elle puisse s'installer à son aise.

Il y a peu, j'avais écrit une lettre à sa mère, pour la remercier comme il se devait de cet effort. Je savais que pour elle, ça allait être une sacrée épreuve. Je me devais de lui apporter tout le soutien possible.

Je lui avais également promis de bien m'occuper de Maryse, de sorte à ce que ce séjour ne serve pas à rien. En effet, si elle n'apprenait rien, cela aurait une perte de temps, et aurait fait du mal à Madeleine pour rien. Je m'interdisais cela. Madeleine avait suffisamment souffert. Mais connaissant l'esprit aiguisé de Maryse, je ne m'inquiétais pas.

D'après ce que j'avais pu entendre, des voisins étaient venus l'aider à la ferme. Je ne savais pas pourquoi pendant deux ans ils avaient fait les morts à seulement gérer leurs affaires mais, ils étaient pris d'une étrange bonté. Je n'allais pas chercher des problèmes ou les critiquer, c'était suffisamment gentil pour que je n'aille pas y fourrer mon nez.

— Lucile ! Lucile ! Mais où es-tu bon sang ? cria Juliette.

Je lui répondis, curieuse de cet élan soudain. Elle apparut peu de temps après, essoufflée, le visage rouge et les cheveux décoiffés. Je l'interrogeai du regard mais elle fit comme si je n'existais pas et alla se servir un grand verre d'eau. Elle but de grandes gorgées à une vitesse fulgurante. Je m'assis, le regard toujours porté sur mon amie. Elle m'imita quelques secondes après en se triturant les doigts, mal à l'aise.

— Bon vas-tu m'expliquer ce qu'il t'arrive ou vas-tu m'obliger à te supplier ? lançai-je les sourcils relevés.

— Je suis allée ramasser le courrier après ma course. Dans ce petit paquet, il y avait une lettre qui je pensais était pour moi. Je pensais que c'était celle de Bernard, un soldat dont je m'occupe. Alors j'ai ouvert, sans regarder l'expéditeur, persuadé que c'était pour moi. Mais, je me suis rendue compte que ça ne l'était quand j'ai vu cette si belle écriture tellement soignée. Par curiosité, j'ai lu les premiers mots et je me suis rendue qu'elle t'était destinée, termina-t-elle toujours aussi gênée.

— Oui et alors ?

— Cette lettre vient de... de..., hésita-t-elle.

— Allez Juliette, crache le morceau, j'ai une tonne de chose à faire. Maryse va bientôt arriver, râlai-je.

— Ta belle mère.

— Quoi ma belle-mère ? demandais-je curieuse.

— La lettre a été écrite par ta belle-mère, expliqua-t-elle en plongeant son regard dans le mien.

Je clignai plusieurs fois des yeux, comme si j'allais finir par me réveiller ou sortir de ma torpeur. Je n'aurais jamais pensé que ce jour puisse arriver.

Pourquoi m'aurait-elle envoyé une lettre alors qu'elle me haïssait au plus au point ?

— Je l'ai ouverte mais je ne l'ai lu que le début, enfin que les premiers mots, s'excusa-t-elle.

Elle me la donna doucement. La lettre était belle, d'un noble papier, légèrement écru. Je reconnu très facilement sa fine écriture penchée signe d'une bonne éducation et une volonté de faire comprendre son rang à son destinataire, enfin je l'ai toujours analysé comme ceci.

Je la dépliai, tremblante. Je n'étais vraiment pas prête à me prendre en pleine tête des insultes et autres remarques désobligeantes.

Lucile,

Si je vous envoie cette lettre, ce n'est pas pour vous dire bonjour ou vous demander des nouvelles. Depuis le jour où vous avez fuis lamentablement avec ce fermier, j'ai fait un deuil sur votre présence, votre existence, mais surtout sur l'union que vous partagiez avec mon cher fils. À mes yeux, vous n'êtes plus rien, qu'un souvenir, un odieux souvenir que j'aimerais balayer d'un geste de la main. Mais malheureusement, ce n'est pas possible. Vous devez comprendre que la promesse que j'ai fait à votre père ne tient plus. J'avais promis de garder un oeil sur vous, de vous protéger, de vous apprendre à être une bonne épouse et une bonne mère, mais cela ne servira à rien car vous n'avez plus la place de belle fille que vous aviez jadis.

Sachez, que je ne vous écris pas cette lettre pour vous insulter, même si l'envie est bien présente. Si je vous parle, c'est que j'ai de nouvelles de Gaston et ce depuis quelques mois. La situation ne s'est toujours pas arrangée.

Je dois vous laisser, je sais que ma lettre est à peine commencée mais je vais recevoir de la visite. Ce que j'ai à vous dire doit rester confidentiel. Je prends donc le soin de vous envoyer ce mot afin de vous préparer à la suite. Vous devriez recevoir la suite avec le véritable message dans quelques jours.

Madame Angellier

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now