Chapitre 13

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- Tout d'abord, ne me coupe pas, c'est assez difficile pour moi d'en parler, m'expliqua-t-elle en prenant une grande respiration. Bien, pour que tu comprennes, mes parents ont emménagé dans cette maison lorsque j'avais 10 ans, je venais de Paris. Tu peux comprendre que le changement a été plutôt brutal. Mais j'ai réussi à m'intégrer grâce à plusieurs personnes, notamment à Jean. J'étais plus âgée que lui mais il avait une maturité à couper le souffle pour son âge. Nous nous entendions tellement bien. Notre relation a commencé par une simple amitié puis des sentiments plus forts sont apparus de part et d'autre. Nous nous sommes promis de nous marier à l'âge venu.

Ses yeux brillaient rien qu'à ce souvenir que je savais violent et douloureux.

- Quand il fut arrivé, beaucoup de choses ont fait que c'était tout le temps repoussé. Un jour, ma mère m'a annoncé que sa sœur était mourante et qu'il fallait aller au plus vite à son chevet. Jean m'avait promis de m'attendre et qu'à mon retour, on pourrait enfin s'unir. Malheureusement mon absence fut plus longue que prévu. Ma mère était très proche de ma tante, alors on est resté jusqu'à son envol. Plusieurs mois se sont écoulés pendant ce temps mais mon amour ardent était toujours porté vers Jean. Chaque jour je pensais à nos retrouvailles. Le jour de l'enterrement de ma tante, j'étais partagée entre la tristesse de perdre un être cher et la joie de retrouver enfin mon âme soeur. Je me sentais coupable de ressentir ça dans un moment pareil. Enfin, l'aube de mon arrivée, dans la voiture, je me sentais bizarre. Je l'avais tant de fois imaginé que rien ne se produisait dans mon être, aucun papillon, aucune joie intense, aucune vague de bonheur. Je me sentais vide mais surtout, je sentais un malheur arriver.

Elle s'arrêta une seconde pour reprendre son souffle. Elle avait un tel débit de parole qu'il m'était difficile de la suivre mais je n'osais l'interrompre de peur que ça ne la bloque.

- Lorsque je suis descendue de voiture, les habitants sont venus me saluer mais je sentais de la tristesse, de la compassion dans leurs regards. Certes j'avais perdu un membre de ma famille mais de là à me regarder comme si j'avais enduré les pires souffrances du monde, c'était exagéré. Je me tus jusqu'à ce que j'entende des gens me dirent « je suis profondément désolée, je suis de tout cœur avec toi, c'est une épreuve à surmonter, ne te laisser pas abattre, le premier amour n'est jamais le bon... ». Tu te doutes bien que là, il n'y avait aucun lien avec ma tante et que je me suis dit que c'était au sujet de Jean. Je leur ai posé la question et j'ai vu dans leurs yeux la panique. Ils avaient compris que Jean s'était comporté comme la pire espèce de lâche.

Une larme puis deux et enfin un torrent inondèrent son si doux visage. Les souvenirs étaient d'une profondeur extrème. Plus elle parlait et plus ses épaules s'affaissaient. Une telle épreuve marque, elle en était la preuve vivante.

- Pendant mon absence, il avait rencontré une jeune femme, qui est aujourd'hui la sienne. Pendant ces quatre mois, il avait une autre relation et il avait trouvé le temps de se marier. Jamais je n'avais eu le moindre doute sur sa fidélité. Certes, au début on s'envoyait régulièrement des lettres mais rapidement, il a dû reprendre la ferme de son père et nos moments d'écriture s'estompaient. J'ai vu leur amour toute ma vie, je n'ai pas pu partir de ce village. Mon commerce m'occupait et fonctionnait très bien, je ne voulais pas prendre le risque de tout perdre. J'ai fini par m'y faire.

Je voyais dans ses yeux qu'elle essayait de faire bonne figure, de ne pas se laisser submergée par cette rancoeur. Mon cœur saignait pour elle. J'avais appris à la connaître et savoir qu'une personne avait eu l'audace de la poignarder de cette manière si peu galante et humaine m'assommait.

- Mais maintenant que tu ne travailles plus, tu pourrais partir, voyager, faire des connaissances, il n'est pas trop tard pour recommencer ta vie, essayai-je de la convaincre.

- C'est vrai, certaines fois je me dis que je suis folle de rester mais j'ai vécu ici un grand nombre d'années. Ce village est devenu le mien. Partir n'est pas aussi simple, et puis voyager n'est pas quelque chose que j'aime contrairement à ma vie, ma maison et tout ce qui va avec.

- Tu es un exemple de courage pour moi. Tu n'as peut être pas eu la volonté de lui faire regretter son comportement d'infâme scélérat mais tu as endossé toute cette vie sans jamais te plaindre à qui que ce soit. Par conséquent, tu mérites toute mon admiration. Et je ne dis pas ca pour te faire plaisir, je le pense vraiment, souris-je

- Restes ici, ta présence me fait plaisir. Il y a bien longtemps que ma maison n'a pas accueilli une autre personne que moi.

Une autre nouvelle vie commençait pour moi. Je vivais donc avec Juliette et nous avions pris nos habitudes, tout se passait bien. Je n'avais eu aucune nouvelle de Jean, je m'étais faite à l'idée que notre relation était terminée.

Étant donné que Juliette était une toute jeune retraitée, elle s'occupait comme elle pouvait avant mon emménagement chez elle. Tricot, garde d'enfants, couture rimaient ses journées. Mais quand elle eut appris les raisons de mon arrivée dans ce village, elle aussi voulait se rendre utile. Bien sûr, redevenir résistante parmi Jean et les autres était pour moi impossible alors nous avions décidé d'être marraines de guerre et d'aider également les blessés en cours de rétablissement.

SUITE ALLEMANDEDove le storie prendono vita. Scoprilo ora