Chapitre 53

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Le médecin aux côtés de Benoît se démenait comme un fou. Clémentine me prit par les épaules en me chuchotant des mots doux. J'étais trop choquée pour sortir un son. Jean, à sa gauche, essayait d'aider au maximum le médecin mais sa présence avait l'air de plus le gêner qu'autre chose.

— Jean, je sais que vous essayez d'aider mais s'il vous plaît, décaler vous, ordonna-t-il après quelques minute.

Sur ses ordres, il le leva et m'aperçut. Il vint à ma rencontre, le visage fermé, aucune émotion n'en ressortait.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'il a ? demandai-je.

— Il s'est prit 3 balles, une dans la jambe, une dans le flanc gauche et l'autre dans le bras.

— Comme ça s'est produit ?

— Il a essayé de faire sauter des voitures allemandes, mais rien ne s'est passé comme prévu. La bombe n'a pas explosé. Benoît a voulu y aller pour crever la roue. Les allemands se sont retournés et l'ont vu. Il a réussi à se sauver mais il s'est fait tirer de dessus. On a essayé de stopper l'hémorragie comme on a pu, lâcha Jean, le regard dans le vide.

Je n'insistai pas plus. Je n'y voyais pas l'intérêt. Je voulais donner au médecin toutes les conditions nécessaires pour sauver Benoît mais je ne pouvais me résoudre à sortir. De ce fait, l'intervention se passa dans le plus grand des calmes. Puis, une vingtaine de minutes plus tard, le docteur vint vers nous, le visage grave.

— J'ai réussi à stopper l'hémorragie, mais votre ami a perdu de nombreuses fois connaissance. Pour l'instant, son état est stationnaire mais il n'est pas sauvé pour autant. Les prochaines 48 heures seront décisives. S'il se réveille, donnez lui de l'eau, de la soupe, mais rien de solide. Son corps a beaucoup souffert. Si la fièvre monte, appelez-moi en urgence, expliqua-t-il la blouse en sang.

Nous acquiesçâmes en silence.

— Il faut se relayer pour veiller sur lui jour et nuit. Je prends les prochaines heures jusqu'au repas, s'impliqua Jean.

J'allais riposter lorsque la main de Clémentine se posa sur mon bras. Elle me fit un signe de tête et je compris qu'il ne fallait pas que je m'y oppose. Elle m'incita à me retirer avec elle. On se dirigea vers la cuisine de la ferme, le cœur lourd. Elle, comme moi, appréciait fortement Benoît malgré son caractère de cochon.

— Jean s'en veut vous savez. Cette opération devait se dérouler sous ses ordres mais il a été retenu par un vêlage compliqué. Benoît s'est porté volontaire pour le remplacer. S'il ne s'en sort pas, Jean culpabilisera toute sa vie, prononça-t-elle.

— Il ne peut pas mourir. Il a tellement de monde qui a besoin de lui, sa femme, ses enfants, nous, tout le village. Je n'ose imaginer la réaction de Madeleine.

— Ne lui dites rien pour l'instant. Elle est à des centaines de kilomètres, elle va se faire un sang d'encre. Ne lui faites pas ça, pas encore. Le médecin a été clair, les prochaines 48 heures seront déterminantes. Au bout de celle-ci, prévenez la mais pas avant, me conseilla-t-elle.

— Mais...

— Vous savez, il n'y a rien de pire que de savoir que l'homme qu'on aime est au bord du précipice. C'est une douleur insupportable. Tôt au tard, elle apprendra la vérité et pour l'instant ça ne sert à rien.

J'acquiesçai convaincue.

****

Les heures défilèrent à une lenteur extrême. Jean était toujours avec Benoît à veiller sur lui. J'avais envoyé un des enfants de Clémentine prévenir Juliette pour qu'elle annonce une vérité édulcorée à Maryse pour l'inquiéter le moins possible. De mon côté, j'aidais de mieux que je pouvais Clémentine. J'épluchais les pommes de terre pour la soupe mais j'étais dans mes pensées. Le couteau était plus en train de me disséquer qu'autre chose, mais la douleur était mon seul remède pour me ramener à la réalité.

— Je sais que vous vous inquiétez pour Benoît, c'est compréhensible. Mais ne vous en faites pas, c'est un battant, il s'en sortira, tenta Clémentine.

— J'aimerais tellement y croire. Je suis perdue. C'est mon repère, ici, j'ai tout quitté pour une nouvelle vie à ses côtés. Il ne peut pas mourir. Et puis, Maryse, qu'est-ce qu'elle deviendrait et Madeleine et ses autres enfants, non..., m'emportais-je.

— Ne faites pas de spéculations pour l'instant. Repensez au médecin, il a dit que son état était stable. Il y a encore des chances. Ce n'est pas terminé, nous avons 48 heures. Elles ne viennent que de commencer, vous verrons le moment venu, d'accord ?

J'acquiesçai en silence, peu convaincue. Je n'arrêtais pas de penser à toutes les possibilités. Plus rien n'avait de l'importance à ce moment-ci. Toutes mes pensées étaient pour lui.

— Vous avez les mains en sang. Lâchez ces pommes de terre. Si vous continuez, vous allez vous videz de votre sang. Ne bougez pas, je vais chercher de quoi désinfecter, m'ordonna-t-elle l'air dur.

Je me laissai faire sans protestations. De toute façon, je doutais que cela aurait marché. Elle avait cet air déterminé qui ferait frémir n'importe qui.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now