Chapitre 52

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J'arrivai enfin devant la maison, l'esprit embrouillé.

— Ah Lucile te voilà. Je viens de recevoir une lettre. C'est de ta belle-mère. Tu sais, celle que tu attendais, me prévint Juliette.

Génial, il ne manquait plus qu'elle. J'ouvris l'enveloppe et découvris cette écriture fine et penchée, distinction que j'avais appris à reconnaître parmi toutes.

Chère Lucile,

Vous avez sans doute attendu cette lettre depuis bien longtemps, vu que vous n'avez rien d'autre à faire. Je n'ai pas pu vous l'écrire avant. J'étais bien occupée.

Comme je vous l'ai dit, j'ai reçu des nouvelles de Gaston. Je sais où il se trouve, ou du moins approximativement. Gaston ne va pas bien, sa détention est fort difficile. Il a été victime d'expérimentations. Ses camarades ne le reconnaissent plus vraiment. Des fermiers avoisinants sont spectateurs de ce triste acharnement, ils en ont parlé autour d'eux et la rumeur a bien circulé jusqu'à moi.

Il a subi tout un tas d'essai. Je n'ai pas les détails mais je pense que nous sommes capable de nous l'imaginer, même si la réalité doit être pire.

Je ne sais pas si cette annonce vous trouble comme une épouse devrait l'être, mais je pense qu'en ces temps de guerre, la moindre information est importante.

Si, grâce à Dieu, Gaston revenait, il exigerait des réponses sur votre compte, savoir pourquoi, vous n'êtes pas là pour le soutenir. Si ce jour arrive, je ne me priverai pas de lui raconter dans les moindres détails.

Je vous ferai parvenir d'autres nouvelles si j'en ai, mais ne vous attendez pas à ce que je vous écrive chaque matin. Je n'oublie pas votre affront.

À la fin de la guerre, si elle se finit, des comptes seront réglés, des décisions seront prises, ainsi que des mesures quant à votre cas.

Mme Angellier

Je reconnaissais bien la plume acerbe de ma belle-mère et je ne frémissais plus à ses projets. Je savais d'ores et déjà que rien n'était fini avec elle, bien au contraire. Elle allait s'acharner qu'importe que son fils revienne vivant ou non. En sa mémoire, cette femme me détruirait si elle pouvait.

— Encore une lettre remplie d'amour et de joie à ce que je vois, souffla Juliette, la tête au-dessus de mon épaule lisant les quelques lignes.

— Quand elle m'enverra une lettre de ce style, je commencerai à avoir peur, souris-je amusée.

Je me levai, bien décidée à ne pas me laisser prendre par les sentiments au sujet de Gaston. Je n'avais pas oublié qu'il m'avait trompé et qu'il avait une fille. Il avait osé avoir une relation avec une autre femme. Comment une femme pourrait-elle accepter un tel affront ? Comment pardonner ? Cela me semblait bien trop difficile.

— Ne t'en fais pas, c'est de l'histoire ancienne. Tu n'as plus aucun lien avec Gaston. Ça fait des années qu'il est parti. Ta belle-mère te fait peut-être un coup de pression pour que tu te rachètes une conduite ou que tu viennes sonner à sa porte à genoux implorant son pardon.

— Eh bien, qu'elle continue à gaspiller du papier et son énergie, elle ne me fera pas revenir à Bussy.

Je pris le paquet de lettres qui m'attendait depuis quelques jours et j'y répondis Dans celui-ci, j'essayai de trouver des anecdotes amusantes ou distrayantes qui pourraient intéresser les soldats. Mais, je devais bien avouer, qu'il était de plus en plus compliqué d'en trouver. Il y avait plusieurs rumeurs quant à la libération mais rien n'était encore formel. Je ne me voyais donc pas leur annoncer ce projet qui n'allait peut-être pas se réaliser. L'absence des soldats se faisait encore plus dure après toutes ses années. Certaines familles avaient d'ailleurs arrêté d'envoyer des lettres car elles ne supportaient plus d'attendre la réponse. Parfois, je me demandais la vie que tous ses gens menaient. Les confessions d'Antoine me faisaient encore froid dans le dos. J'avais l'impression que l'homme n'avait plus une once d'humanité.

— Lucile ! Lucile ! Juliette ! cria Maryse affolée.

— Qu'est-ce qu'il y a ma puce ? s'approcha Juliette

— Papa, il.. il est revenu de sa mission. Il... a perdu... beaucoup de sang. C'est grave, raconta-t-elle en larme.

Je lançai un coup d'oeil à Juliette. Elle compris mon idée et d'un hochement de tête elle prit Maryse par le bras en la dirigeant vers la cuisine malgré les protestations de la petite. Mon sang ne fit qu'un tour, j'ouvris la porte à la volée et m'engouffrai vers la sortie. Je marchais d'un pas rapide vers la ferme de Jean, soucieuse de l'état de mon ami. Non, il ne pouvait pas mourir. Pas maintenant, pas avant de voir la victoire de la France ! J'ouvris la porte du logement de Benoît le cherchant du regard lorsque je le vis, le corps en sang et le visage livide.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now