Chapitre 64

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Je levai les yeux vers Juliette pour voir sa réaction. Pendant tout mon monologue j'avais baissé le regard. Quand je revivais cet événement, je ne pouvais pas regarder la personne en face, sinon j'allais, une fois de plus, me mettre à pleurer. Juliette me prit le bras, signe de son soutien. Elle avait les larmes aux yeux.

— C'est toi qui as découvert le corps de ta sœur. Ma pauvre enfant, je suis tellement désolée.

— Lorsque j'ai hurlé, des voisins m'ont entendu. Ils ont cru que je me faisais attaquer parce que c'était des cris à glacer le sang. Peut-être qu'ils auraient préféré que je me fasse agresser, ou alors était-ce moi qui l'aurais préféré. J'aurais pu garder ma sœur.

Je fis une pause dans mon récit pour reprendre mes esprits et surtout pour me calmer. Une fois chose faite, je pus continuer.

— Des hommes l'ont décrochée en vitesse. Ils devaient se dire qu'il y a avait peut-être une chance de la sauver. Hélas, non, tout son corps s'était éteint. Son âme l'avait quittée. On m'a forcé à changer de pièce pour ne plus que je vois le cadavre sauf que l'image était gravée dans ma tête et l'est encore aujourd'hui.

— Tes parents sont arrivés quand ?

— Une trentaine de minutes plus tard. Ces mêmes hommes sont allés les prévenir aussitôt. Mais le temps de faire la route et de leur faire assimiler que leur fille s'était donnée la mort, il a fallu du temps. Qu'ils soient arrivés en dix minutes ou en une heure, c'était pareil. Rien n'y personne ne pouvait changer ce qu'il s'était passé.

— Je ne sais pas quoi te dire, c'est si violent. Toi une gamine de quinze ans qui découvre une telle scène, c'est invraisemblable.

— Dans tous les cas, le départ de ma sœur a brisé tout le monde, mes parents, nos voisins et moi. Jamais notre famille n'a retrouvé un équilibre ou un semblant de bonheur.

— Je peux bien le comprendre, on ne peut pas s'imaginer la douleur de la perte d'un membre de sa famille.

— Ma mère est décédée quelques années après. Elle était devenue une vraie loque par la suite. Elle ne s'alimentait pas bien, prenait beaucoup de médicaments pour calmer ses nerfs. Mon père a bien essayé de la consoler comme il le pouvait, mais rien n'y faisait, elle était dans sa bulle. Elle n'en est d'ailleurs jamais ressortie.

— C'était aussi un suicide ? Demanda Juliette

— Non, une mort naturelle. Enfin, causée par les nombreux médicaments. Ils l'ont tuée à petit feu. On a toujours su qu'elle n'allait jamais s'en remettre alors si ce n'était pas ça qui allait la tuer, ça aurait été autre chose.

Sur le point de craquer, Juliette s'approcha de moi et m'encercla de ses bras réconfortants. On pleurait toutes les deux en silence, touchées par ce récit.

— Je comprends mieux pourquoi tu avais tant ce besoin d'aller voir Madeleine.

— Je ne pouvais pas concevoir qu'elle fasse pareil. Dans ce genre de situation, il faut se sentir soutenue, entourée des êtres qu'on aime le plus pour se remettre et aller à nouveau de l'avant. Même si je pense qu'elle aurait préféré avoir Benoît.

— Benoît n'aurait rien pu faire. C'est un homme un peu bourru qui n'aurait pas su trouver les bons mots. Tu as malheureusement une expérience, tu l'as aidée bien plus que tu ne le penses. Si aujourd'hui, elle s'est remise, c'est grâce à toi. Tu as une force incroyable Lucile. Ne doutes jamais de toi.

Je la remerciai du regard et vint me blottir dans ses bras en pleurant de plus belle. Juliette incarnait la figure maternelle qui me manquait tant.

— Ça doit faire beaucoup d'émotions en un rien de temps, alors on reprendra cette discussion plus tard, et puis, moi aussi, il faut que je m'en remette, me sourit-elle affectueusement

— Merci.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now