Chapitre 36

196 13 0
                                    

Le jour suivant, après de longues de réflexion, je pris mon courage et sonnai à la porte de la ferme Jean Luchaut. À cette heure, j'avais peu de risques de tomber sur le propriétaire. Je souhaitais intérieurement être accueilli par sa femme plutôt que par lui. Notre relation était encore tellement difficile aujourd'hui.

Je ne savais pas quand est-ce que nous allions se comporter comme des êtres matures l'un envers l'autre ou si nous allions briser la glace entre nous.

Nous jouions au chat et la souris, nous nous évitions la plupart du temps.

Pour en revenir à ce jour, la peur avait envahi tout mon être. Il fallait que je vois Benoit mais je redoutais notre entrevue. On ne s'était pas croisé depuis ses remontrances à mon égard. Peu de personne ne m'avait parler de la sorte. Pas que je lui en tenais rigueur, mais de la part d'un ami, on fait toujours plus attention que lorsque c'est une personne qui ne compte pas. C'est vrai, quand ma belle-mère me critiquait ou me remettait en place, je l'écoutais par obligation, rien d'autre.

La porte finit par s'ouvrir sur Clémentine couverte de farine.

— Oh Lucile, je ne pensais pas te voir. Je suis ravie. Excuse moi de mon apparence, je fais des gâteaux avec les enfants et je dois t'avouer qu'ils sont plus concentrés sur les batailles de farine plutôt que la cuisson. Enfin, je ne veux pas t'ennuyer avec ces détails, qu'est ce qui t'amène?

— Je suis venue voir Benoit, il est là?

— Je crois qu'il est dans sa chambre, tu peux y aller, tu connais le chemin, me sourit t'elle

Je pris congé et me dirigeai machinalement vers la petite dépendance de la grange. Je toquai doucement de peur de le déranger.

Après quelques minutes d'attente, il finit par m'ouvrir. Il me laissa entrer. Je le remerciai d'un signe de tête. Il installa deux chaises proches de la table où tout le nécessaire d'écriture était disposé.

— Oh! Je te dérange, je peux passer plus tard.

— Ne dis pas n'importe quoi, j'allais écrire une lettre à Madeleine, ça peut attendre. De toute façon, elle met plusieurs jours à la lire alors qu'elle arrive la semaine prochaine ou celle d'après, ce n'est pas un problème, me rassura-t-il

— Je viens pour m'excuser de mon comportement de l'autre jour. J'ai beaucoup réfléchi à tout ça et j'ai compris mon erreur. Aujourd'hui, j'en subi les conséquences, les gens me dévisagent et changent de trottoir.

— N'y prêtes pas attention, dans quelques semaines ce sera fini, tenta-t-il mais sans y croire véritablement

— Merci

— Mais, je dois t'avouer que je n'ai pas compris, je ne t'ai jamais vu comme ça auparavant. Je sais que Claude est une personne spéciale mais de là à venir lui demander des comptes, c'est assez fort chez elle.

— Il s'est passé beaucoup de choses dans ma vie. Erich, l'homme qui a été retrouvé à l'hôpital m'a permis de reprendre contact avec Bruno et on communique, on a une sorte de relation épistolaire. C'est grâce à Erich si je peux dorénavant me permettre de rêver. Je crois qu'on en a tous besoin en ce moment.

Il me regarda avec de grands yeux ronds. Lui même ne devait pas croire à notre histoire et à ce retour de flamme.

— Ecoute, je suis d'accord sur le fait que ce soit bien, que ça te rende heureuse mais je pense que pour l'instant ce n'est pas bon. Ne me vois pas comme quelqu'un qui te fait la morale, c'est juste que je te connais depuis longtemps et lorsque Bruno est arrivé dans ta vie, tu as complètement changée et pas forcément en bien.

— Tu crois qu'il a un mauvais effet sur moi, dis-je pensive

Il sera lui aussi mes mains dans les siennes comme signe de réconfort.

— Je suis venue aussi m'expliquer au sujet de de Maryse. j'ai décidé de reprendre ma vie en main et de faire comme si l'événement avec Claude n'avait jamais existé.

Benoit se leva, prit une feuille et me la tendit.

Je reconnu l'écriture penchée de Madeleine.

« Mon Benoit,

Je suis heureuse de te dire que je suis d'accord avec ta proposition. Je crois que c'est un mal pour un bien. Cela n'a pas été une décision facile mais je ferai tout pour ma petite Maryse. De plus, je fais confiance à Lucile, elle nous a aidé de nombreuses fois et je sais qu'elle fera attention à notre princesse.

Promets-moi de la surveiller et d'être présent pour elle.

Je pense que ça va être dur de quitter la ferme alors il faudra la soutenir et être présent pour elle. »

Je lisais ce passage avec une émotion toute particulière. Je levai les yeux vers mon interlocuteur les yeux brillants. Il me regarda avec un grand sourire et inclina la tête en m'informant qu'elle allait arriver la semaine d'après.

Je repartis donc le laissant à ses occupations, le sourire au lèvres. J'avais toujours eu envie de m'occuper d'enfant. Ceux qui naissaient dans les bonnes familles avaient déjà un avantage sur les autres. Je voulais leur donner une chance d'avoir une vie qu'il pourrait choisir et non pas qu'on leur imposerait. Sur cette bonne nouvelle, je me dirigeai vers l'hôpital, j'allais enfin rencontrer cet Antoine dont Juliette m'avait tant parlé.

J'arrivai timidement vers les alignements de lit cherchant le regard de cet homme. Après quelques minutes de recherche, mes yeux captèrent les siens brillant de malice. Je m'arrêtai perdue dans ce regard si perçant. 

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant