Chapitre 42

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Point de vue de Benoît :

Je pris ma fille par la main et l'emmenai vers la ferme des Luchaut. Elle regardait le village en détaillant chaque recoin. Son petit corps frêle défiait le vent brusque sans jamais vaciller. Elle détenait une force impressionnante.

Le chemin se fit dans le plus grand des calmes. Je n'osais rompre ce silence. Je n'avais pas les mots. Comment lui parler ? Que pouvais-je lui raconter ?

Lui raconter ma vie, celle que je menais depuis tous ces mois ? Il n'en n'était pas question. Je vivais dans une ambiance de violence, de mort, de sang. Ce n'était vraiment pas un monde pour une fillette.

— Je vais voir Lucile aujourd'hui ? demanda-t-elle.

— Oui, tu vas dormir chez elle. Je me suis dis que ce serait mieux pour toi, expliquai-je.

Elle ne broncha pas et continua son chemin. Bientôt, nous arrivâmes dans l'allée de l'immense ferme. Un chien aboya brusquement, la faisant sursauter et se rapprocher de moi. Je la regardais surpris, ne sachant pas trop comment me comporter mais finit par me rapprocher, l'éloignant du chien, signe que je la protégeais. Elle me suivit sans tressaillir.

Cela me faisait plaisir d'avoir toujours ce rôle de protecteur envers elle, qu'elle ait assez confiance en moi pour se coller.

Le porte s'ouvrit à la volée sur une Clémentine souriant de toutes ses dents.

— Maryse, je suis impatiente de te connaître. Ton papa m'a beaucoup parlé de toi.

Maryse la regarda, surprise par cet élan de gentillesse, puis s'arrêta. Elle me regarda, fronçant les sourcils. Elle lâcha ma main soudainement, me fuyant.

— Qui êtes-vous? Vous ne remplacerez pas ma maman, même si papa vous l'a dit, s'écria-t-elle hargneuse.

Clémentine, ahurie, perdit son sourire, et moi, ma bonne humeur. Puis, finalement, elle se reprit et s'accroupit à la hauteur de Maryse.

— Mais non, voyons, je ne suis pas avec ton père. Je ne remplacerai jamais ta maman. Je suis la femme de Jean, le propriétaire de la femme, la rassura-t-elle.

Maryse, suspicieuse, ne se laissa pas démonter et entra tout naturellement dans la maison, nullement impressionnée par la révélation.

Cette gamine était incompréhensible. Je comprenais mieux pourquoi, Lucile m'avait dit qu'elle avait changé. Une gosse de son âge aurait dû pleurer, donner des coups de pieds ou même être mal à l'aise, mais elle, non, elle était imperturbable.

Clémentine me prit par le bras et me sourit pour me rassurer.

— Ce n'est qu'une enfant, elle a perdu ses repères, elle a quitté le seul endroit qu'elle connaissait. Ne t'en fais pas, elle découvre juste un nouveau monde.

J'hochai la tête, peu convaincu. Je contournai la maison pour rejoindre la dépendance lorsque Jean fit son entrée.

— Tu devrais la retrouver, ne la fuis pas. Certes deux ans vous sépare, mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras. Tu le regretteras si tu ne le fais pas.

Je fis marche arrière, et me dirigea vers Maryse, assise par terre dans le salon avec les enfants Luchaut. Je m'approchai doucement, voulant écouter ses paroles. Elle parlait de la vie qu'elle menait, des animaux dont elle s'occupait fièrement, de ses frères et soeurs, mais surtout de sa mère. Je fus surpris, de la flamme qui ornait ses yeux quand elle conversa sur son sujet préféré, Madeleine. Je me rendis compte de tout l'amour qu'elle lui portait, c'était magnifique. Les garçons étaient subjugués par son débit de paroles et ses explications si réalistes. Ils écoutaient, les yeux grands ouverts, n'osant la couper. Alors qu'elle était occupée, à raconter des anecdotes sur la famille, je vis du coin de l'oeil, Hubert, se rapprocher lentement d'elle et lui prit la main. Oh non, mon garçon, tu ne toucheras pas à ma fille, personne dans cette maison ne la touchera. Je me raclai la gorge, signe de ma présence et fit les gros yeux à ce gosse. Maryse tourna la tête dans ma direction et sourit. Elle se leva et me mit à mes côtés, toute fière.

— Je vous préviens, interdiction de m'embêter. Je sais comment se comporte les garçons, j'ai plusieurs frères. Si vous le faites, je n'hésiterai pas à aller chercher mon père, pour qu'il vous donne une bonne rouste. C'est compris ? les sermonna-t-elle.

Ils inclinèrent leur tête en signe de défaite et partirent pour jouer dans le jardin.

— Et bien, je vois que tu peux te montrer menaçante, jamais mes fils ne s'étaient comporter de cette manière, même avec moi. C'est quoi ton secret ? demanda Jean.

— Il faut les prévenir et agir avant que le problème ne commence. Il faut serrer bien fort l'écrou avant que celui-ci ne tombe ou qu'il ne serve à rien. C'est maman qui me l'a appris pour gérer mes frères et me faire respecter. Comme maman travaille beaucoup, elle ne pouvait les gérer en permanence. Donc elle m'a montré comment faire.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now