Chapitre 25

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Une fois son explication terminée, elle referma sa boite et alla la cacher rapidement à sa place. Elle revint vers moi et me prit à nouveau la main.

On s'installa dans la cuisine avec le reste des enfants déjà occupés à dessiner et à colorier des formes abstraites.

Le temps passa, emportant nos éclats de rire. Des dizaines de dessins avaient été réaliser avec plus ou moins de couleurs et d'acharnement. Les enfants m'avaient mis au défi de réussir à réaliser des croquis, des paysages et autres représentations. Bien évidemment, les autres avaient participé pour gagner. Le résultat était assez catastrophique pour moi, j'avais perdu toutes mes manches. Le dessin ne faisait apparemment pas parti de mes talents, loin de là.

Madeleine arriva quelques instants plus tard, le dos labouré par toutes ces heures de travail acharné. J'en profitai donc pour prendre congé. Je m'étais promis d'aller à un endroit qui me hantait profondément, du fait des moments passés allaient me poursuive encore longtemps.

Après une dizaine de kilomètres parcourus, je me dirigeai vers une allée somptueuse, entrée d'une grande maison bourgeoise. Je montai les marches, sentant mon coeur se serrer. Je n'aurais jamais penser remonter ces marches après ces derniers événements, mais il le fallait pour tout le monde.

Je frappai trois petits coups à la porte d'entrée, la gorge elle aussi bloquée. Agnès, la servante, ouvrit la porte les yeux écarquillés, ne s'attendant sûrement pas à ma visite. 

— Lucile, que faîtes-vous là ? m'interrogea-t-elle.

J'avais toujours revendiqué le fait qu'elle doive m'appeler par mon prénom. Je trouvais cela tellement ridicule de m'appeler par mon nom après toutes ces années. Nous n'étions plus des connaissances, nous vivions dans la même maison. Bien sûr, je m'étais fait tourner en ridicule de nombreuses fois par ma belle-mère trouvant mes manières peu conventionnelles. J'avais donc trouvé la solution de me faire appeler par mon prénom quand la marâtre n'était pas là.

— Madame Angellier est-elle là ?

— Non, elle est partie mais elle devrait rentrer dans peu de temps. Ne restez pas sur le perron, entrer donc, c'est aussi votre maison.

C'était ma maison

Je m'étais tellement sentie étrangère à cette bâtisse que la peur m'avait envahi quand j'avais franchi la porte.

À l'intérieur rien n'avait changé ou presque, la même horloge toujours en place.

Un souvenir revint à ma mémoire. Le premier jour de Bruno ici, se dirigeant dès le début vers celle-ci pour la mettre à l'heure allemande.

J'avais l'impression de revenir des années en arrière.

Mon regard se perdit sur les différents meubles, la table à manger, là où tous les repas silencieux avaient été consommés, les fauteuils où j'avais passé des heures à tricoter ou à lire pour m'occuper l'esprit mais aussi mon temps. Mais un petit meuble retenait mon attention plus longuement.

Il s'agissait d'un morceau de bois qui avait été sculpté par mon beau-père. Je l'avais toujours trouvé magnifique. Néanmoins ce n'est pas mon admiration pour ce meuble qui maintenait ma contemplation.

Non, loin de là. C'était sur ce meuble, que moi et Bruno avons fait l'amour pour la première fois. Cela avait été tellement magique et charnel que mes joues rougirent d'un trait.

Je tentai de chasser ces pensées peu chastes d'un revers de la main.

Je m'installai sur un fauteuil, à l'opposé de ce meuble, bien décidée à entretenir une discussion avec ma belle-mère.

L'attente fut de courte durée. Au moins, elle avait cette qualité d'être toujours très ponctuelle.

Elle cria le nom d'Agnès avec aussi peu de gentillesse qu'elle pouvait. Celle-ci arriva en courant, le visage crispé par une crainte d'une énième crise sur le fait qu'elle ne soit pas arrivée avant. J'avais tant de fois été spectatrice que ça ne me surprenait même plus. Elle finit par lui jeter sa veste au visage d'un air dédaigneux. Elle s'approcha du salon, retirant en même temps son chapeau.

Ma belle-mère alla vers un meuble le déposer mais mon raclement de gorge l'arrêta. Elle se retourna, les yeux écarquillés, sûrement surprise de ma venue.

— Lucile, mais qu'est ce que vous faites ici ? Qui vous a laissé entrer ?

— C'est aussi ma maison, vous savez. Je reste, après tout, la femme de votre cher fils.

— Vous avez perdu cette chance quand vous avez déserté. Vous ne méritez même plus que je vous adresse la parole, me grimaça t-elle.

— Ecoutez, je ne suis pas venue pour me disputer avec vous pendant des heures, je suis venue vous parler de Madeleine Labarie.

— Oh, vous voulez faire la conversation, sachez que je me désintéresse de tout ce qui vous entoure.

— Je ne veux pas vous parler de la pluie et du beau temps, mais de sa ferme, qui se situe sur vos terres. Je voudrais que vous arrêtiez de prélever le loyer. Madeleine a beaucoup de mal à faire face à tout ça. Je veux lui enlever un problème, qu'elle est plus d'argent pour se faire plaisir ainsi qu'à ses enfants.

— Vous voulez que j'arrête de demander ce qu'il me revient de droit ? Vous plaisantez j'espère. Il n'en est pas question, cracha-t-elle avec hargne.

— Dois-je vous rappelez que je reste la femme de Gaston et que par conséquent, ces terres m'appartiennent tout autant. Vous gérez peut-être ses comptes, mais j'ai mon mot à dire la dessus.

— Vous êtes partie depuis bien longtemps, vous avez sans doute oublié qui commande dans cette maison.

— Henriette, lançai-je la voyant écarquiller les yeux par ma soudaine impulsion, vous savez ce qui est arrivée à Madeleine, pourquoi ne pas lui apporter du soutien. Elle doit se battre seule sans relâche pour pouvoir garder sa ferme alors qu'elle a subi la prise agression ?

SUITE ALLEMANDEOnde histórias criam vida. Descubra agora