Chapitre 82

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Je ne dis mot, mais l'adrénaline s'intensifia d'un coup. Je jouais vraiment avec le feu, j'espérais seulement ne pas me brûler.

— Les cellules sont aux sous-sols. Je vais d'abord y aller pour vérifier si la voix et libre. Si c'est le cas, je vous ferai un signe.

— Vous ne voulez pas me dire quel signe ce sera, imaginez que je ne le comprenne pas.

— Ayez confiance en vous ! Vous avez réussi à convaincre l'ennemi de vous rendre un homme très précieux. Vous avez un pouvoir sur nous.

Je souris, mal à l'aise par cette déclaration. Voyant mon air déstabilisé, il se reprit et s'en alla. Pour assurer nos arrières, je regardai à droite et à gauche pour m'assurer qu'aucune visite incongrue ne nous importunerait. Trois minutes plus tard, j'étendis un léger sifflement. J'hésitai, puis me lançai vers le bruit, priant pour que ce soit bien le signe. Par chance, je ne m'étais pas trompée. 

Le commandant me lança un sourire victorieux et continua sa recherche. Après avoir regardé les quinzaines de portes, on tomba enfin sur celle recherchée. On ouvrit la porte prêt à sauter sur Benoît pour le prendre et se sauver. Mais, on s'arrêta sous le choc. Benoît était vraiment dans un sale état. Du sang lui coulait le long de la joue, des ecchymoses parsemaient son visage, ses yeux étaient gonflés par les coups, même ses vêtements étaient tachés de sang, à moitié séché et même encore vif. d'ailleurs, tout le couloir sentait cette sève métallique. Ayant fait un peu de bruit, il souleva difficilement sa tête et nous dévisagea.

— Lucile ? Que fais-tu là ?

— On est venu te sortir de cet enfer. C'est terminé. On rentre chez nous.

— Mais ce n'est pas...

— Économisez vous, la traversée sera longue, ordonna le commandant.

Chacun prit un bras de Benoît pour l'aider à se mettre debout et à marcher. Son corps était tellement à bout que tout son poids reposait sur nos épaules. Je masquai la douleur et m'accordai au rythme de mon voisin.

Benoît n'osait même pas marcher, ses pieds traînèrent tout du long.

— Je crois avoir entendu du bruit dans le couloir d'à côté, il faut partir, avertit le commandant

On accéléra le pas, bien que mon épaule commençait à bien souffrir. Pour continuer et éviter de lâcher, je pensais à toutes les horreurs que Benoît avait pu endurer et me répétai que celle que je ressentais n'était rien, ce qui marchait plutôt bien car je persévérais.

— Les hommes que nous avons vus dans les cellules peuvent nous dénoncer, déclarai-je.

— Je suis désolé de vous dire ça, mais les hommes qui se trouvent là-bas, ne sortirons pas vivants. Leur mort est programmée pour demain. Ils n'ont aucun intérêt à nous dénoncer. Quand vous êtes enfermés ici, c'est chacun pour soi. Si vous arrivez à sortir, bravo pour vous, mais il faut partir sans se retourner car sinon, on est bon pour le retour à la case départ. C'est impossible de tous s'échapper, annonça le commandant.

Je me sentis un peu mal de les laisser à leur sort, mais en même temps, j'avais compris que c'était soit Benoît soit personne, dans mon cas.

— La porte de sortie est dans quelques mètres, on y presque, notifia-t-il.

Pour seule réponse, Benoît gémit de douleur et d'inconfort. Les côtes avaient dû être touchées aussi par les sévices.

À peine après avoir poussé la porte que des voix graves se rapprochèrent de nous. Le commandant me lança un regard et s'excusa.

— C'est à vous de continuer. Je dois vous laisser. Mes hommes vont arriver, je ne peux plus rien, disait-il en lâchant Benoît.

Il partit dans le sens opposé à pas de loup me laissant sur le parvis avec le corps gisant de Benoît à moitié conscient.

La peur s'empara de moi sans ménagement. Je me retrouvais à présent seule, bientôt face à l'ennemi. J'essayai de traîner son corps sans grande réussite. J'étais bien trop faible pour le porter seule. N'ayant aucune autre possibilité, je tentai d'appeler le nom d'un de mes compatriotes pour qu'il me vienne à l'aide. Seulement, ils ne semblèrent pas assez proches pour l'entendre. Je fus donc contrainte d'élever la voix, prenant ainsi le risque de me faire découvrir. 

Par chance, au bout du quatrième appel, les portes de la voiture s'ouvrirent à grande vitesse. Deux hommes arrivèrent vers moi et prirent le relais. La suite aurait pu se passer parfaitement bien si les allemands n'avaient pas entendu mes cris. 

Maintenant, ils nous couraient après nous hurlant de nous rendre. Nous nous élançâmes encore plus vite vers la voiture, entendant les balles nous frôler. Nous déposâmes le corps de Benoît sans ménagement dans une des voitures, ce qui le fit encore plus gémir de douleur et démarrâmes à toute vitesse, slalomant le plus possible pour échapper aux tirs. La crevaison était le plus redoutée. 

Heureusement, l'absence de lune visible et de lampadaire plongèrent la route dans l'obscurité de la nuit la plus totale, ce qui faisait bien défaut aux allemands. Ils n'arrivaient pas à nous viser. Nous réussîmes à prendre de la distance et à les semer. 

Mais la réjouissance n'était pas encore au rendez-vous, il fallait quitter la ville et réussir à passer tous les contrôles. Rien n'était encore gagné. Nous ne pourrions souffler seulement lorsque nous serions enfin arrivés à notre village.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now