Chapitre 21

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J'avançai dans la cour et m'approchai de Madeleine.

— Voulez-vous de l'aide ?

— Avec tout le respect que je vous dois, je doute que vous arriviez à porter seule la botte de foin jusqu'à la grange.

— Et bien à moi de vous prouver le contraire. Donnez la moi. À deux ça ira plus vite.

Je pris la botte et la portai jusqu'à la grange, non sans mal. Nous continuâmes cette tâche jusqu'à l'heure de midi. Puis nous nous posâmes dans la cuisine, le temps de faire à manger.

— Où avez vous appris à porter les bottes. D'habitude cela demande un peu de pratique. La dernière fois que nous nous sommes vues, vous ressembliez à votre belle-mère et maintenant vous êtes tout le contraire. Vous étiez si...

— .... précieuse ?

— Oui, ne le prenez pas mal

- Je ne peux pas, c'était la stricte vérité. Ma belle-mère voulait me transformer et me faire devenir une parfaite maîtresse de maison, tout comme elle. Mais je pense que la guerre nous a tous transformés.

— Comme vous le dites. Parlez moi de votre village, Mensle ?

— Oui, c'est un petit village en zone libre. Avec Benoît nous sommes partis vers cette destination mais en cours de route, l'état de Benoît m'inquiétait alors nous nous sommes arrêté dans un autre village où il a été soigné et c'est là que j'ai pris la décision de rentrer dans la résistance. Je ne supportais pas la vie que tous ces hommes et toutes ces femmes devaient vivre alors je me suis dit que comme je n'étais plus sous la coupe de ma belle-mère, je pouvais y entrer. Puis nous avons repris la route pour aller voir un ami résistant de Benoît. Hélas quand nous nous sommes arrivés, le pauvre était déjà mort, capturé par les allemands. Sa femme nous a redirigé vers Jean, un fermier résistant. Nous avons rejoint tous deux ses troupes. Nous avons habité chez lui et puis un jour, nous avons dû faire un mission qui s'est déroulée de manière étrange. Nous avons dû prendre un otage allemand pour lui soutirer des informations et à la fin, les hommes l'ont abattu. Je m'y étais opposé car je ne voulais en aucun cas ressembler à ces barbares et en un tir, nous nous étions rabaissé à leur niveau. Je sais que ça peut paraître fou mais c'est le sentiment que j'ai ressenti. Après ça, je suis partie. Une amie m'a accueillie et depuis ce jour, je vis avec elle. Nous nous sommes portées volontaires pour devenir marraines de guerre, je parle avec un jeune homme qui n'a plus de famille et j'ose espérer que grâce à nos conversations, il se maintient coûte que coûte à la vie. Parallèlement, je suis bénévole à l'hôpital, je discute avec les blessés. J'ai là aussi mes habitués si je puis dire. Voilà vous connaissez ma vie. Et la votre ?

— Et bien elle n'est pas aussi riche. Quand Benoît est parti, j'ai dû me relever pour moi mais surtout pour mes enfants. Je n'ai pas baissé les bras. J'ai continué ma vie et j'ai trouvé un certain équilibre. Les plus grands vont à l'école et les plus petits restent avec moi à jouer. Comme ça, je peux continuer à les surveiller tout en travaillant. Et quand cela devient trop compliqué, une amie à la retraite vient prendre la relève avec eux. Mais je dois vous dire que l'absence de Benoît se fait ressentir tous les jours. On s'envoie quelques lettres mais pas régulièrement. Il peut facilement y avoir un mois sans nouvelles. Mais nous devons faire ainsi.

Des jours passèrent où j'aidai Madeleine à la ferme, où je m'occupais des enfants pour l'alléger. Je m'étais plutôt bien habituée à cette nouvelle vie, encore une fois.

Je partis tôt ce matin pour aller en ville. Je devais acheter quelques produits pour Madeleine. J'arrivai dans la pharmacie et fis ma commission. La pharmacienne me regarda étrangement, elle avait du me reconnaitre mais ne dit rien. Je payai mes achats, prête à repartir quand je me fis arrêter par une voix bien familière, trop familière.

— Lucille, quelle étrange surprise. Vous revoilà donc parmi nous.

Ma belle mère se tenait là, avec son éternel regard froid et dépourvu de sentiments. Elle n'avait changé ou du moins, ses traits avaient peut être durcis.

Je pris donc mon sourire le plus hypocrite et sarcastique et lui répondis.

— Oui, je suis de passage.

— Quel honneur vous nous faites là.

— Tout le plaisir est pour moi madame.

— Et dites moi, Benoît Labarie est lui aussi avec vous ? Ou ce sauvage a été finalement tué ?

— Je ne vous permets pas madame de parler de lui en ces termes, Menaçais-je

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now