Chapitre 35

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Je sentais ma vie m'échapper de plus en plus. L'atmosphère qui m'entourait était pesante. Les habitants du bourg me regardaient avec mépris, ils avaient dû tous entendre ma conversation plus que houleuse avec Claude. Le retour de Bruno dans ma vie me faisait tourner la tête. Je ne répondais plus de moi même.

Je ne pouvais même pas reposer la faute sur la guerre, ce n'était même pas la fautive. Avant, j'arrivais à me contenir, je croyais d'ailleurs l'avoir fait avec brio depuis toutes ces années.

Je pris ma tête entre les mains, détestant cette situation. Je n'osais pas sortir de ma chambre de peur de croiser les yeux de Juliette juger mon comportement.

La porte s'ouvrit doucement laissant place à Juliette toute timide, ne sachant comment me parler. Je lui lançai un sourire amical, la rassurant.

— Cela fait une bonne heure que je me demande si je dois venir te voir. Je ne t'ai pas vue ce matin au petit déjeuner. Je pensais d'ailleurs te voir descendre mais il n'en est rien. Je venais juste m'assurer que tu vas bien et que tu ne manques de rien, me sourit-elle mal à l'aise.

— Ma Juliette, tu n'as pas à te sentir gênée. Je ruminais dans mon coin. Je suis désolée de ne pas t'avoir accompagnée ce matin pour la visite de l'hôpital. C'est juste que je ne me sentais pas prête à faire face au lit vide d'Erich.

— Il n'est pas vide, un nouveau soldat est arrivé, il s'appelle Antoine. Il est très joyeux pour un homme qui vient de perdre sa jambe. Il est aussi très séducteur ainsi... Pardon, je dois t'ennuyer avec des détails.

— Non, je suis contente qu'il puisse servir à un malade. C'est normal. Parle moi de lui s'il-te-plaît.

— Alors, c'est un très bel homme d'une trentaine d'année, il s'est engagé pour rendre fier sa famille et gagner la guerre. Il fait preuve d'un humour propre à lui mais qui fait parti de son charme. Avant, il était musicien, je crois qu'il avait une préférence pour le piano. Quand il me l'a dit, j'ai pensé à toi directement, tu pourrais peut être composer des musiques pour les lui montrer et que son rétablissement se passe mieux ?

Je fus troublée par cet intérêt pour le piano. Je n'avais connu peu d'hommes sensibles à cet art. Je sentis mon esprit partir vers un certain homme en uniforme mais avant d'avoir son visage ancré, je fis chasser ces pensées.

— Oui pourquoi pas, ça me ferait plaisir de partager cette passion.

— J'étais sûre que tu allais dire oui. De toute façon, je ne t'aurais pas laisser le choix, je lui ai déjà dit que tu étais d'accord, sourit-elle de toutes ses dents.

Je ris en secouant la tête. Je n'étais pas surprise par cet élan venant de sa part. C'était tout à fait son genre.

— Aujourd'hui, on peut rester à la maison en jouant simplement aux cartes si tu veux et demain, je te le ferai rencontrer. Tu verras il est charmant. Toutes les infirmières ont succombé à sa beauté.

— Oh ! Très bien, allons jouer aux cartes sinon je connaîtrai tout de lui grâce à toi et non à lui, me moquai-je.

Je me donnai un coup au bras, me grondant gentiment.

Les heures passèrent rapidement, nous jouâmes plusieurs parties et je devais avouer qu'elle me battait à plate couture. Elle maniait les cartes avec une telle détermination que j'avais eu envie d'arrêter plusieurs fois, agacée de perdre sans cesse. Mais elle me promettait de me laisser gagner, chose qu'elle oubliait à chaque partie.

Toutefois, avec son sourire en coin, je comprenais que c'était juste une stratégie pour me faire continuer et non me faire des traitements de faveur.

— Tu sais, on peut t'accuser de toutes les fautes concernant ton comportement de la vieille mais il prouve bien une chose, m'annonça-t-elle.

— Que je suis folle ?

— Non, loin de là. Ca prouve que lorsque tu aimes quelqu'un, tu ferais tout pour lui. Même en sachant Erich mort, tu as voulu le venger. Tu as voulu demander des comptes à Claude. Tu as un côté impulsif qui n'est pas complètement négatif. Quand tu aimes quelqu'un, tu veux qu'il soit le plus heureux possible et bien sûr s'il lui arrive quelque chose, tu veux faire perdurer sa mémoire en quelque sorte, me rassure-t-elle en prenant mes mains dans les siennes.

Je me levai pour la prendre dans mes bras. Elle arrivait à faire ressortir le bien même lorsque tout était sombre.

Je lui murmurai un "merci" et la serrai bien fort dans mes bras. J'humai son parfum si délicieux, il me faisait penser à celui de ma mère. Délictueux

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now