Chapitre 78

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Nous nous installâmes sans dire un mot, pressées d'entendre cette nouvelle a priori si difficile à dire.

— Je suis parti aussi vite que j'ai pu pour vous avertir. Notre mission pour le débarquement a bien commencé. On maîtrisait la situation parfaitement. Mais au bout d'un moment, on a fait trop de bruit. Les allemands nous ont entendu. On a fui comme on a pu. On a réussi à se cacher pour éviter leurs balles, mais Benoît à cause de sa jambe n'arrivait pas à courir assez vite, alors il s'est fait prendre, conclut-il.

Un grand silence s'empara de nous. Personne n'osait bouger ou parler. On en revenait pas.

Benoît, prisonnier ? C'était de la folie, mais horriblement réaliste.

— Où est-il en ce moment ? S'enquiert Juliette

— Il a été amené à la base des allemands, à un quart d'heure de la plage où a eu lieu le débarquement.

— Que va-t-il lui arriver ?

— Si on a un peu de chance, il ne sera pas tué tout de suite. Normalement, il devra être soumis à toute une suite de sévices pour qu'il recrache le plus d'information sur la résistance et sur nous. S'il parle, ils finiront par venir ici et je ne donnerais pas cher de ma peau.

— Que pouvons-nous faire pour lui ? demanda Clémentine.

— On a réfléchi avec les gars et on a pu trouver qu'une seule solution qui n'était pas trop risquée.

— Oui ?

— Benoît avait ses papiers sur lui, ils vont donc faire des recherches et savoir sans doute qu'il est marié. Le programme c'est que sa femme vienne voir le dirigeant de la base pour négocier avec lui une sortie.

— Mais êtes-vous fous ? Sa femme habite à des heures d'ici. Elle n'arrivera jamais à temps là bas, qui plus est pour ce genre de chose. Ils vont la renvoyer bouler.

— Justement, on a pensé que Lucile pourrait jouer le rôle de sa femme. Vous savez ce que c'est d'aller sur le terrain contrairement aux autres. Vous êtes assez maligne pour trouver un arrangement. De toute façon, on n'a pas d'autre solution.

— Mais, c'est de la pure folie ! Elle va carrément se jeter dans la gueule du loup, si elle tombe sur une brute, elle va rejoindre Benoît dans la salle de torture ! Vous rendez vous compte ? C'est une mission suicide, cria Juliette.

— On en est conscient mais c'est le seul moyen pour le faire partir. On manque cruellement de temps pour trouver autre chose. Lucile, si vous êtes d'accord, vous partez avec moi dans une vingtaine de minutes, m'informa-t-il.

Une fois sa dernière phrase lâchée à mon égard, tous les regards étaient tournés vers moi. Je sentais que Juliette m'implorait de ne pas y aller, Clémentine se retenir de pleurer et Sébastien qui priait pour que j'accepte. Il ne me fallut pas plus d'une demi seconde pour donner ma réponse.

— Je prépare mes affaires et je vous rejoins, affirmai-je d'une voix décidée.

Malgré les protestations des deux femmes, je montai à la vitesse de l'éclair pour sortir ma valise et y mettre deux ou trois robes. Je ne savais pas combien de temps, j'allais devoir mettre pour faire sortir mon ami. Mais ce qui était sûr, c'est que Benoît allait réellement sortir, que le gardien le veuille ou non.

— Lucile, réfléchis un peu, tu vas dans la gueule du loup. Ce n'est pas une bonne idée. Laisse les hommes de Jean gérer ça, m'implora Juliette.

— Mais tu les as entendus comme moi, ils ne peuvent rien faire. Je ne vais certainement pas le laisser mourir dans une cellule alors que son seul crime c'est de vouloir nous redonner notre liberté, explosai-je.

— Juliette n'a pas tort. Tu vas y laisser ta peau, ce n'est pas judicieux. Tous les résistants savent ce qui les attendent lorsqu'ils se font prendre. C'est une conséquence qu'ils ne méconnaissent pas. D'ailleurs, Benoît ne serait pas d'accord s'il apprenait ce que tu veux faire, renchérit Clémentine.

— Et tu penses à Maryse ? Si tu ne reviens pas qui s'occupera d'elle. Elle aura perdu son père et probablement sa tutrice, qu'elle considère plus comme une deuxième maman, brandit-elle.

— Certes, ce serait malheureux pour elle, mais elle aura Clémentine et Juliette. Je suis sûre que vous vous en occuperez comme si c'était votre fille, ou alors, elle retournera chez sa mère. Ma décision est prise, arrêtez de vouloir me donner tous les arguments du monde, j'irai, que vous le vouliez ou non, conclus-je.

Je sortis de ma chambre, ma valise à la main, prête à partir. Sébastien m'attendait dehors, accoudé à la voiture.

Quand il me vit, il jeta sa cigarette au sol et monta dans l'auto.

— Si je ne reviens pas, n'oubliez jamais que je vous aime du plus profond de mon cœur. Juliette s'il te plaît, tu pourras écrire une lettre à Bruno pour l'en informer ? demandai-je.

— Oui bien sûr tout ce que tu voudras, pleura-t-elle à chaudes larmes.

— Merci, répondis-je avant de m'installer à mon tour.

Sébastien démarra d'un coup sec et s'enfonça vers l'obscurité de la nuit, laissant Clémentine et Juliette s'estomper peu à peu sur le perron de la porte.

Nous voilà enfin partis vers un lieu qui ne m'enchantait guère, je devais bien l'avouer, mais il le fallait. La route promettait d'être longue, mais je ne pouvais me résoudre à m'endormir. Ma tête le refusait de toute manière.

— Je suis vraiment désolée de vous avoir demandé une telle chose. C'était une décision par défaut. D'ailleurs, on tous été contre au début, mais on s'est aperçu que vous étiez notre dernier espoir, s'excusa-t-il.

— Je suis heureuse de pouvoir me rendre utile, même si c'est au péril de ma vie, le rassurai-je.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now