Chapitre 79

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Il m'envoya un sourire désolé, puis se re-concentra sur la route. D'un côté, j'étais fière et heureuse de pouvoir les aider, mais d'un autre, je redoutais le moment de la confrontation avec les allemands. On ne pouvait pas dire qu'ils étaient accueillants lorsqu'il s'agissait d'acte de résistance à leur égard. Après des heures interminables de voiture, de contrôles d'identités et tout autre péripétie, nous voilà enfin arrivés à bon port. C'était une ville bien différente de toutes celles que j'avais pu connaître . 

 Celle-ci était toute incendiée, des impacts de balles avaient détruit de magnifiques façades, certains immeubles s'étaient, d'ailleurs, effondrés. Bon sang, jamais je ne me serais imaginé une telle ville. C'était si abominable. À ma stupéfaction, l'odeur y jouait un grand rôle. En effet, on sentait le sang, les cadavres déchiquetés, les corps calcinés, puis celle, poussiéreuse, du plomb. Cela me donna presque la nausée. Nous marchâmes, essayant de n'écraser aucun débris et surtout aucun bout de chair humaine. 

Je me rendis compte de la réalité de cette guerre qui ravageait de jour en jour la France. Cette ville ne devait être qu'un exemple parmi tant d'autres. Depuis le début de ce conflit, j'avais toujours été protégée. Le seul moment où j'avais l'impression qu'elle me frôlait, c'était lorsque des proches ou des connaissances tombaient sous les balles ennemies. J'avais vraiment de la chance de vivre loin de tout ça, d'être autant protégée. Je vivais dans une sorte de bulle pendant des années et là d'un coup, je venais de descendre de mon piédestal pour revenir dans la vraie vie, celle qui avait détruit des milliers de gens.

— Je sais que c'est une ambiance qui nous retourne le cœur, mais c'est là que nous nous sommes cachés. Personne n'est venu ici depuis qu'on est là. En même temps, on dirait une ville fantôme, m'expliqua Sébastien.

— On est encore loin ? demandai-je, sentant les nausées arrivées

— Je vous emmène vers une route moins traumatisante que celle que nous prenions d'habitude.

— Qu'il y a t il de si choquant ?

— Les corps sont empilés, déchiquetés, démembrés, décapités parfois aussi. Disons que ce que vous voyez là, ce n'est qu'un avant-goût du raccourci. Si vous vous sentez prête à y aller, on pourra toujours couper par cette rue.

— Non, ça va aller, je préfère ne pas vomir mes tripes avant d'avoir vu tout le monde.

Je ne me gênais pas pour évoquer très clairement mon état, chose que je n'aurai probablement jamais fait en règle générale, mais avec tout ce qu'on voyait, il n'y avait plus aucune retenue entre nous. Puis, finalement, après une dizaine de fois où je m'étais tordue la cheville pour éviter des pierres ou des trous, nous arrivâmes enfin devant l'entrée de la petite maison, qui ne payait pas de mine, mais qui avait l'avantage d'être encore debout. Une fois passé la porte d'entrée, enfin ce qu'il en restait, les autres résistants vinrent à notre rencontre, me félicitant pour la plupart de mon acte.

— Lucile, nous sommes si contents que vous soyez ici. On avait peur que vous refusiez, ce qui aurait été compréhensible d'un côté, m'enlaça Édouard.

— C'était pour moi, une évidence, je ne suis pas du genre à abandonner mes amis lorsqu'ils ont besoin de moi.

Ils ne me laissèrent pratiquement pas le temps d'enlever mon manteau, qu'ils me dirigèrent gentiment vers la « salle de réunion ». Ils m'exposèrent le plan à plusieurs reprises pour que tous les points de ma mission soit les plus clairs possible.

— Vous avez compris Lucile, si vous êtes face à une vraie armoire, vous incitez un peu, mais s'il se borne à refuser, vous faites demi-tour le plus vite possible, le but n'est pas de vous faire tuer, dit Emmanuel.

— Oui.

— Si vous n'y arrivez pas, ce n'est pas grave, on trouvera un autre moyen pour le faire, sans vous transformer en kamikaze, me rassura Sébastien.

J'acquiesçai à leurs dires pour les convaincre que j'allais docilement écouter leurs ordres, mais je savais, au plus profond de mon être, qu'à la moindre complication, je n'allais évidemment pas me désister comme une faible. J'allais mener à bien ma mission pour Benoît, pour sa femme, pour Maryse, et tous les autres résistants qui avaient risqué leur vie et qui l'avaient même perdu.

— Bien, je crois qu'on a tout vu. Sébastien, Lucile allez vous reposer pour être d'attaque dans quelques heures, nous ordonna Jean.

Je m'exécutai, cherchant un endroit où me poser, sans que je ne gêne les autres. Je montai les escaliers, retraçant de mes doigts les endroits ou la tapisserie était abîmée, certainement par des ongles. Dieu seul sait quelles horreurs cette maison avait vu se passer. Je continuai mon chemin, enjambant les objets tombés à terre. Des tableaux ornaient le mur par dizaines, les anciens habitants avaient dû être des passionnés d'art.

SUITE ALLEMANDETempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang