Chapitre 77

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Je tournai en rond dans le salon. Je n'arrivais pas à me poser plus de quelques secondes à un endroit. Mes jambes fourmillaient à chaque arrêt. Mon cœur, lui, était prêt à lâcher à tout moment. Ce que je détestais les attentes de ce genre. Clémentine était assise sur un fauteuil à tricoter, toujours impassible à la situation. Quant à Juliette, elle écrivait des lettres depuis des heures à ses soldats. 

On s'occupait comme on pouvait. Hélas, moi, je n'arrivais pas à me concentrer sur une tâche. Maryse était sur la place du village pour jouer avec les enfants de Jean et ceux des autres habitants. Depuis qu'elle était ici, elle prenait beaucoup de libertés, elle partait à droite à gauche, et vaquait à ses occupations comme elle l'entendait. Mais tout en étant très concentrée et méticuleuse lors des leçons que je lui donnais. Elle m'étonnait de jour en jour, son caractère s'affirmait de plus en plus, à tel point que tous les petits garçons n'osaient lui tenir tête. Au contraire, ils tournoyaient tous autour d'elle. Si un avait le malheur de se rebeller, gare à lui. Au moins, elle savait bien se défendre. Je ne m'en faisais pas pour elle. 

Elle allait bien gérer sa vie si elle continuait sur cette lancée. Dotée d'une grande personnalité, elle savait que ce qui était bon pour elle et ce qui ne l'était pas. D'ailleurs, elle ne nous faisait pratiquement aucune bêtise, à part quelques petites farces de temps à autres, pour nous rappeler qu'elle n'était encore qu'une enfant et qu'il valait mieux la traiter comme telle plutôt que d'essayer de la faire grandir trop vite. En revanche, elle détestait vraiment la couture, le tricot ou tout autre activité avec des aiguilles ou des épingles. Avec Juliette, on s'était battu corps et âmes pour lui montrer que ce n'était pas si terrible que ça, mais rien n'y avait fait, elle s'entêtait. Dans ces situations-ci, elle me rappelait drôlement son père, une vraie tête de mule.

— Lucile, ne voudrais tu pas nous faire du thé ? Je commence à avoir la gorge sèche, me demanda Juliette.

— Oui bien sûr, Clémentine ? proposai-je.

— Oui pourquoi pas, s'arrêta-t-elle.

Je fis chauffer la bouilloire et invita Clémentine à nous rejoindre à la table de cuisine.

— Pensez vous qu'ils vont tous revenir? m'inquiétai-je

— Il faut le penser, le prier pour que cela se réalise, mais en toute honnêteté, je ne sais pas. C'était une mission tellement importante que le risque de se faire prendre a décuplé. S'ils ne reviennent pas dans quelques jours, on sera fixée, répondit Juliette

— Ils sont tellement braves, mais aussi si inconscients du danger, dit Clémentine la tête baissée.

— Je crois que c'est la principale qualité d'un bon résistant. S'il était trop à s'inquiéter des conséquences, il ne partirait jamais.

— S'ils ne reviennent pas, on aura au moins eu la chance de connaître des hommes qui ont donné toute leur vie pour la libération de la France. On devra chérir leur mémoire et continuer en essayant de nous battre nous-même pour continuer ce qu'ils ont commencé, déclarai-je d'une voix solennelle.

Nous buvions notre thé dans le silence, plus occupées à se triturer le cerveau plutôt qu'à se délecter d'une bonne tasse de thé à la framboise.

Les heures passèrent sans qu'il ne se passe le moindre événement. Physiquement, on répondait à tous nos besoins, ainsi qu'à ceux des enfants mais mentalement, nous étions plus occupées à penser au pire. On essayait de s'occuper comme on pouvait, tantôt coudre, tantôt jouer avec les enfants. On ne pouvait même pas se regarder dans les yeux, car si l'une défaillait, l'autre allait sûrement la rejoindre dans ce tourbillon infernal. On était toutes attaches de près ou de loin à ces hommes. On ne pouvait pas se résoudre à les abandonner avec si peu d'intérêt. Ils ne le méritaient pas. Ils nous sauvaient au péril de leur vie. Nous nous devions de les soutenir et dans le pire des cas, honorer leur mémoire.

Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit à la volée sur Sébastien, un homme de Jean, trempé par l'averse qui venait de tomber. Son visage trahissait l'inquiétude et une peur viscérale.

— Mesdames, vous feriez mieux de vous asseoir, j'ai des mauvaises nouvelles à vous annoncer, révéla-t-il.

SUITE ALLEMANDETempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang