Chapitre 33

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Le lendemain, je me levai, encore épuisée par mon cauchemar de la veille. Je n'avais qu'une envie, aller me recoucher pour dormir des heures et des heures.

Néanmoins, ce n'était pas possible alors je pris mon mal en patience et priai intérieurement pour que la journée passe vite.

— Et bien Lucile, tu as une mine affreuse, tu as mal dormi ? Est-ce à cause de l'arrangement de la chambre ? Tu sais maintenant, c'est la tienne alors tu peux la re-décorer pour qu'elle soit à ton goût, ça ne me dérange pas.

— Non ce n'est pas ça, c'est un mauvais rêve que j'ai fait qui m'a...

— Oh, tu veux me le raconter ? J'ai lu dans le journal, que parfois ça aidait de parler pour... ah ! Je sais plus. Dans tous les cas, je suis là, déballa Juliette rapidement.

— Merci mais je préfère ne plus y repenser, je dois retourner à l'hôpital pour mes visites.

— Lucile, tu dois savoir quelque chose à ce propos. J'ai pensé qu'il valait mieux me taire quand tu es rentrée, mais maintenant, tu dois le savoir, me dit-elle mal-à-l'aise.

Je me rassis, désireuse de comprendre la raison de ce changement soudain de comportement.

— Quand tu es partie pour aller voir la femme de Benoît, je t'ai remplacée à l'hôpital. Bien sûr ce n'était pas pareil pour les patients et pour moi, tu leur as beaucoup manqué, surtout à Erich. J'ai essayé de lui tenir compagnie et de lui parler mais quelque chose m'a bloqué, j'avais sans doute peur qu'on nous entende et qu'il soit dénoncé. Enfin, bref, j'allais quand même lui rendre visite pour lui montrer qu'il n'était pas mis à l'écart. Mais un jour, je suis arrivée plus tard que prévu, j'ai croisé une ancienne voisine sur le chemin et ça m'a retardé d'une bonne vingtaine de minutes.

— Juliette, vas droit au but, ris-je.

— Bien sûr, je ...heu... quand je suis arrivée, j'ai croisé un troupeau de médecin et des voix portantes d'hommes en colère. Au début, je ne comprenais pas leur engouement, surtout qu'à notre arrivée, ils prônaient le silence comme si c'était le traitement du siècle. Ce que je veux dire, c'est que lorsque je me suis approchée dans l'allée du lit d'Erich, j'ai compris que quelque chose de grave s'était passé.

J'ouvris grand les yeux, de peur de connaître la suite.

Non, c'était impossible, pas lui.

Juliette vit mon regard embué de larmes. Elle s'arrêta dans son long monologue et vint près de moi dans le but de me réconforter.

Je la repoussai brusquement, l'air menaçant.

— Dis moi juste la suite, que lui est-il arrivé ?

— Je ne suis pas sûre que ce soit nécessaire, tu as bien compris.

— S'il-te-plaît, criai-je à son encontre

— Erich s'est entichée d'une infirmière, il me l'a dit quelque peu après ton départ. Je l'ai mis en garde mais il m'a juré qu'il faisait attention et que sa couverture était blindée. Je ne me suis pas plus posée de question, je l'ai laissée à ses fantasmes. Au début, il se maîtrisait, il ne parlait pas, ne faisait rien d'anormal qui puisse être suspect. Au fil des jours, son attirance pour elle, s'est transformée en véritable amour pour elle. Il n'a pas pu s'en empêcher, il lui a parler. Elle a vite compris qu'il était allemand avec son accent et s'en empressée d'aller le dénoncer aux médecin. Il a été fusillé.

— Par qui ? Demandai-je la voix rauque.

— Ne te fais pas plus de mal...

— Juliette ! ordonnai-je.

— Par les hommes de Jean, m'avoua-t-elle la tête baissée.

Je me levai, le corps tremblant par ces révélations. Je posai mes mains à plat sur le torse, essayant d'éteindre le feu présent à l'intérieur de moi.

Comment avaient-ils pu le tuer de sang froid ?

— Qui était cette infirmière? aboyai-je

— Claude Villenoy, mais je t'en prie, tu sais tout comme moi qu'elle aurait fait la même chose pour n'importe quel homme. Ce n'était pas contre toi. Elle est odieuse et acerbe naturellement.

— Oh ! Alors pour cette raison, elle a le droit de se comporter comme un être cruel ?

— Écoute, toi, tu as eu la chance ou la malchance, je ne sais pas, de tomber sur un homme qui a prouvé qu'il n'était pas un ennemi dans son coeur, mais sache que pour la plupart des gens, les allemands sont des opposants cruels qui sont responsables de la mort de leurs proches. As-tu oublié, l'avis de Benoît envers eux. As-tu oublié, qu'il est dans la résistance pour combattre à son échelle.

— Que veux tu dire ?

— Tu as rencontré des personnes qui ont été bonnes envers toi. Tu penses sérieusement qu'ils sont tous comme ça ? Non, c'est juste une infime minorité. La rage que tu ressens envers ceux qui ont tué ton ami est la même qu'ils ressentent pour les allemands car ils détruisent nos vies, me rétorqua Juliette, elle aussi énervée.

Elle me regardait dans les yeux, cherchant le moindre indice de sa victoire sur moi.

Hélas, je ne l'avais écouté que d'une oreille.

Elle avait oublié que l'ancienne Lucile se serait contentée de pleurer le sort de son ami sur son oreiller. Or, j'étais maintenant bien décidée de faire payer les actes de ceux qui me faisaient du mal.

Cette femme allait subir ma colère, tout comme ces hommes.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now