Chapitre 18

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Je faisais parti d'une organisation des marraines de guerre. Il s'agissait de se répartir des soldats sans famille et de leur répondre. Bien sûr nous avions toujours les mêmes correspondants pour créer une sorte de relation épistolaire régulière. 

Aujourd'hui, je devais envoyer une lettre à un certain Joseph né d'une mère morte en couche et d'un père décédé à la guerre. Étant fils unique, il n'avait donc plus de famille. Il était âgé d'une vingtaine d'année et pour lui être soldat était un réel honneur car il pouvait servir loyalement son pays. Je pensais que c'était surtout un devoir de mémoire, suivre les mêmes traces de son père et le rendre fier en participant à la libération. Cela faisait déjà 2 ans qu'il servait notre pays et son moral était bien atteint. Un bon nombre de ses camarades étaient décédés ou mourants. J'avais donc pris mon travail très à coeur pour le soutenir au mieux.

Cher Joseph,

J'espère que vous allez bien, je vous envoie en plus de cette lettre un colis contenant de quoi vous revigorer et vous procurer, je l'espère, un peu de satisfaction. Ici, rien n'a changé ou presque. Je fais toujours des visites à l'hôpital, d'ailleurs il y a un homme prénommé Hubert qui devait être dans votre régiment. Il m'a raconté un peu le quotidien. Mon amie Juliette a insisté pour que je vous mette un pâté de campagne, c'est une nouvelle création. Vous m'en direz des nouvelles. Personnellement je n'aime pas trop mais comme vous le savez, je suis très difficile. Si vous n'aimez, ce n'est pas grave, ne vous forcez pas. Cela même m'épargnera d'autres pots.

Restez en vie

À bientôt

Lucile A.

Après une énième relecture, je décidais qu'il était temps de faire à manger. Juliette n'était pas rentrée et cela me conforta dans l'idée qu'il était de mon devoir de l'aider. C'était bien normal. 

Je sortis dans le jardin quand je vis l'ombre d'un homme derrière le peuplier dans le fond. Je m'approchai doucement, sans bruit, de peur de le faire fuir, quand soudain, je marcha sur une branche et la fit craquer sous mon poids, faisant sursauter l'homme. Il se retourna et je pu voir son visage. 

C'était Jean.

— Que faites-vous là ? Dis-je en réduisant la distance entre lui et moi.

— Je suis venu vous parler.

— Pourquoi ne pas avoir sonné ? L'arrière du jardin n'est pas un lieu répandu très pour discuter.

—Je voulais vous voir seule, sans Juliette.

C'était la première fois que je l'entendais dire son prénom. Je vis ses yeux s'assombrir lorsqu'il évoqua son prénom. Le souvenir de son histoire ou de sa trahison, qui sait, devait lui être revenu en mémoire.

— Bien et que voulez vous maintenant?

— Je sais que je ne vous ai pas soutenu même s'il est vrai que je partageai votre avis, mais je ne pouvais rien faire. Risquer la vie de tous ces gens pour un allemand était pour moi insupportable et surtout inacceptable.

— Je le comprends mais aviez-vous réellement besoin de vous déplacer pour me dire ça. Et puis je ne comprends pas pourquoi Juliette ne devait pas être la si c'est pour me dire ça. Sachez qu'elle est au courant de vos activités. Elle est loin d'être bête et aveugle.

— C'est Benoit le sujet de ma venue.

L'image de Madeleine me revint à l'esprit. Benoit mort n'était pas une possibilité. Il devait à tout prix vivre. Je me fis des milliers de scénarios.

— Quoi ? Qu'il y a t-il ? Est-il blessé ? Quel est le problème ? Pour l'amour de Dieu répondez-moi, ordonnai-je.

— Il a reçu une lettre d'un membre du village, à propos de Madeleine. Il en est devenu fou .

— Comment va t-elle ?

— Et bien j'ai bien peur d'avoir le mauvais rôle et de vous annoncer une bien triste nouvelle. Il y a peu un nouveau régiment a posé leur campement pour quelques semaines. Comme pour vous, il y a de cela 2 ans. Madeleine a dû recevoir un officier ou un lieutenant, enfin je ne sais plus mais bref, dans tous les cas un allemand. La croyant veuve, il a essayé de tenter quelque chose avec elle. Elle bien sûr a refusé mais elle ne pouvait pas constamment assurer ses arrières entre la ferme et les enfants. L'allemand en a profité et... comment vous le dire correctement sans vous choquer. Il a... abusé d'elle.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now