Chapitre 68

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D'un coup, je sentis un coup de chaud monter en moi. Le pire avait fini par arriver. Sa mère était maintenant persuadée que j'allais devenir la femme de son fils.

— Vous savez, lorsqu'Antoine est parti pour la guerre, j'étais très inquiète bien sûr car il reste mon fils, mais j'étais en plus très mal parce qu'il me fait tellement penser à son père. Il est décédé il y a quelques années mais c'est comme s'il ne m'avait jamais quitté. Je l'attends encore parfois, j'attends qu'il finisse son journal ou son livre et qu'il vienne me retrouver dans le lit pour que nous nous endormions enlacés. Hélas, il ne revient pas et c'est à ce moment que je me rends compte qu'il est définitivement parti.

— Je suis désolée.

— Avant la guerre, Antoine était là pour me le rappeler. Il a son caractère de cochon, son humour particulier, ses yeux envoûtants, il a tout de lui. Il est revenu parfois, pour quelques jours de perme, et malheureusement, il avait perdu cette flamme si joyeuse. J'ai tout fait pour qu'elle revienne, mais je n'ai jamais réussi. Et là, quand je l'ai serré dans mes bras, j'ai senti qu'il était redevenu comme avant. Ça c'est confirmé lorsque j'ai vu ses yeux et quand il vous regardait. Son cœur brûle d'amour pour vous. Merci, mille merci de l'avoir fait revenir, dit-elle les larmes aux yeux.

Je tentai de lui sourire comme si de rien n'était, d'un côté soulagée que mes visites servent à quelque chose, mais également très mal car je me jouais d'elle.

— Vous savez, je n'ai rien fait de spécial, j'ai juste fait mon travail et puis, Antoine a fait la plus grosse partie du chemin.

— Peut-être, peut-être pas, dans tous les cas, je vous adore, lança-t-elle joyeusement.

Après ces déclarations endiablées, je la raccompagnai comme prévu à la sortie de l'hôpital. Quand elle fut enfin partie, je soufflai de soulagement. Je pouvais redevenir moi-même. Jouer la comédie n'était vraiment pas mon truc. Je remontai vers l'endroit où se reposait Antoine. J'avais indubitablement besoin de m'entretenir avec lui pour mettre les choses au clair et redéfinir certains points nécessaires à notre bonne entente.

— Oh Lucile, vous voilà déjà! Je suis désolée, ma mère peut se transformer en réelle pipelette. J'ai bien essayé de la faire taire ou du moins la faire moins parler, mais ma mère est intraitable sur ce sujet. À chaque fois, elle m'envoie sur les roses quand elle pense que je la retiens trop. Ma mère est un vrai phénomène. Comment l'avez-vous trouvé ?

— Très gentille, très polie et elle vous aime beaucoup.

— Tout comme vous. Lorsque vous êtes partie pour aller voir les femmes qui se chamaillaient, elle m'a glissé quelques mots sur vous. Elle vous a déjà adopté, sourit-il de toutes ses dents.

— Oui à ce sujet, je tenais à vous dire que je ne suis plus votre complice. Je vous ai aidé avec votre mère pour aujourd'hui, mais c'est tout ce que je peux faire. Je suis désolée, je dois partir, Juliette m'attends, déclarai-je vite pour partir.

— Attendez, je sais que vous n'avez pas été à l'aise, que mentir n'est pas dans vos habitudes, mais ne me rejetez pas. Vous m'avez beaucoup aidé, bien plus que vous ne l'imaginez. Certes, vos sentiments ne sont pas réciproques, mais restez à côté jusqu'à-ce que je sois de nouveau sur pieds s'il vous plaît. Vous êtes la seule qui puisse me donner tout ce que les médecins sont incapables de transmettre. Une fois remis entièrement, je partirai, je rentrerai chez ma mère et je lui dirai que nous avons rompu où quelque chose comme ça. Je vous en supplie, revenez demain et tous les autres jours, s'il vous plaît, me supplia-t-il.

Je le regardai, essayant de trouver un bon argument pour refuser, mais hélas, rien ne me vint. Saleté de cerveau trop lent. De plus, Antoine me jetait un regard lourd de sens. Un regard où rien ne peut être refusé.

— Bon très bien si vous le voulez. Mais à une condition, plus aucune obligation envers votre famille et plus aucun mensonge, sinon je ne reviens pas, tentai-je de le menacer.

Mais l'effet escompté n'était pas vraiment au rendez-vous puisqu'il s'était mis à rire. Je ne devais donc pas être très redoutée.

— Je promets pour le bien de tout le monde de ne pas abuser de votre gentillesse.

Cela aurait pu être très crédible s'il avait gardé son sérieux et une mine grave, mais sur le moment, ses commissures tremblaient, signe qu'il se retenait de rire. Je n'avais donc aucune autorité. Je le saluai, exténuée par cet après midi bien trop mouvementée pour moi. Sur le chemin, je croisai Michelle, la mine grave. D'un coup, je me sentis coupable. J'avais lancé un pique voulant embêter Claude sans penser aux représailles et aux conséquences. Michelle n'avait été qu'un dommage collatéral. Elle s'était tout prise de plein fouet, sa vie avait dû s'effondrer en l'espace d'un instant, par ma faute. Je la regardai, une fois de plus mal-à-l'aise, ne sachant pas comment me comporter. Très vite, sans doute à cause de mon regard insistant, elle se retourna vers moi et souffla l'air résolu.

— Ne faites pas cette tête, ce n'est pas vous qui êtes à ma place. Il fallait bien que je l'apprenne par quelqu'un. Ce genre de vérité ne se terre pas pour toujours. Même si la forme n'y était pas, je vous remercie de me l'avoir dit, même si votre attention était plus d'attirer des ennuis à cette folle.

Sur ces paroles, elle s'éloigna, les épaules voûtées par cette annonce qui avait remis toute sa vie en question. On ne se sort pas indemne après quand on apprend qu'un homme a osé nous trompé. J'en savais bien quelque chose à cause de Gaston.

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