Chapitre 65

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Les jours suivants se passèrent sans réelles embûches. J'avais finalement, sous les conseils de Juliette, accepté la demande d'Antoine. Il était d'ailleurs ravi et soulagé de m'avoir à ses côtés pendant que sa mère passerait des heures à lui ressasser des souvenirs qu'il préférerait oublier pour l'instant. Quant à Maryse, elle avait retrouvé un peu de stabilité. Elle était de nouveau à l'écoute et attentive aux cours que je lui donnais. Son père allait beaucoup mieux. Il se remettait de plus en plus. Le médecin était optimiste. Tout allait donc bien, si on oubliait qu'aujourd'hui était le fameux jour de la première rencontre entre la mère d'Antoine et moi. Chaque minute qui passait me faisait regretter d'avoir accepté. Je sentais la pression devenir de plus en plus intense. À cet instant, j'étais sur le chemin qui menait à l'hôpital. J'essayais de repasser en boucle tous les éléments que m'avaient transmis Antoine pour que l'histoire que nous avions construite soit la plus réelle possible. Je n'en menais vraiment pas large. Mes mains tremblaient, des gouttes de sueur perlaient au niveau de mon front. Je n'avais vraiment pas fière allure. Arrivée au niveau du lit d'Antoine, mes doutes se firent de plus en immenses à tel point que j'aurais fait demi-tour si je n'avais pas entendu la voix aiguë d'une femme criant le prénom de son fils.

Seigneur, le karma n'était vraiment pas de mon côté aujourd'hui.

—Respirez, on dirait que vous allez faire une syncope, dit-il pour atténuer mon angoisse

A la vue de mon visage toujours crispé, il comprit que sa petite phrase n'avait eu aucun impact sur mon état. Il me prit donc la main et me la serra comme signe de soutien.

— On est logé à la même enseigne, j'ai autant la trouille que vous. On va le faire ensemble, me rassura-t-il d'une voix apaisante.

Contre toute attente, sa peau chaude contre la mienne me fit beaucoup plus d'effet que prévu. Je relâchai mes muscles contractés depuis des siècles et lançai même un petit sourire vers cette femme qui se rapprochait de plus en plus de nous, le bonheur collé au visage. Tenant fermement la main d'Antoine, je tentais de rester zen.

— Mon titi, lança-t-elle d'une voix forte.

— Maman, râla-t-il.

— Ne fais pas ton grognon, je rêve de cet instant depuis longtemps, disait-elle en me poussant pour enlacer son fils.

Je me mis en retrait pour ne pas les gêner, me balançant d'un pied sur l'autre, ne sachant pas où me mettre. Puis, elle se retourna et me scruta en me jetant un long regard.

— Tu avais raison, elle est très jolie, dit-elle à son fils.

— Oui c'est vrai, très jolie, répétait-il lui aussi en me scrutant.

— Je suis Marie, la mère d'Antoine, se présenta-t-elle en me serrant la main.

— Lucile, répondis-je poliment.

— Je vais aller chercher une chaise pour être plus à l'aise et après, on pourra parler.

Toujours mal-à-l'aise, je regardai de droite à gauche, cherchant un point intéressant et ainsi éviter le regard du soldat.

— Bien, voilà qui est mieux, indiqua Marie, bien installée sur sa chaise.

Je m'assis au pied du lit d'Antoine et attendis patiemment qu'on me pose une question. J'avais accepté la demande du blessé, mais je n'allais tout de même pas lancer sur la conversation. D'ailleurs, je ne savais même pas quoi dire.

— Dites-moi, vous n'êtes pas très bavard. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour être en compagnie de tombes. Alors mon Antoine, raconte-moi un peu ta vie.

— Et bien, il n'y a pas beaucoup de choses à dire, je ne bouge pas presque de mon lit. J'ai de la visite régulièrement, je ne m'en plains pas, c'est une belle occupation que de parler à une belle femme, dit-il à mon égard.

— À ce propos, dites-moi un peu plus concernant votre relation, depuis quand dure-t-elle ? s'enquit-elle de demander.

— Depuis quelques jours seulement, on a voulu se laisser du temps pour se connaître davantage, histoire de ne pas précipiter les choses.

— Antoine, sois galant un peu, laisse donc ta dulcinée parler. Elle n'a encore rien dit. Alors Lucile, je suis très curieuse, j'ai tant de questions à vous poser. D'abord, qui êtes-vous ? me demanda-t-elle les yeux perçants.

— Oh, il n'y a pas grand-chose à dire sur moi, je n'ai pas une vie très palpitante.

— Tout le monde à des choses intéressantes à dire, ma chère. Bon, je dois vous avouer qu'il y a quelque chose qui me turlupine. Vous êtes une belle jeune femme, comment se fait-il que vous n'êtes pas mariée ?

— Je l'ai été, hélas, mon mari est mort pendant la première année de la guerre, mentis-je.

SUITE ALLEMANDEWhere stories live. Discover now