.VI. Tatouages et secrets

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Je tremble maintenant. La nervosité me donne froid. Il n'y a pratiquement personne dehors, ça n'a pas encore sonné. Mon professeur de chimie nous a laissé sortir à l'avance, à mon groupe et moi. Alors je suis seul dehors car Sandy est dans l'autre groupe, en sciences de la vie et de la Terre. Il est 14 h 51. Mes mains me font souffrir, elles sont rougies, voire violacées par le froid, et je ne sens plus mes doigts. Je peine à amener la flamme de mon briquet sur ma cigarette tant ma main tremble. Le brouillard s'est épaissi, tout ça me donne envie de m'attacher une corde autour du cou.

    -Hé, p'tit merdeux !

    Je me retourne et vois Sandy sortir du lycée, tout en enfilant son écharpe presque jusqu'au yeux.

    -La prof vous a laissé sortir en avance ? je lui demande.

    -Ouais. T'as du feu ? Merci.

    -Je stresse.

    Elle me regarde, d'abord perplexe, puis ses yeux s'illuminent.

    -Oh c'est vrai, t'as un rancard !

    -Arrête c'est pas un rencard...

    -Ta gueule, bien sûr que c'est un rancard, le mec t'invite prendre une glace, c'est un rencard, point barre.

    -C'était un pari !

    En avalant sa fumée, elle me fait un signe de la tête me faisant comprendre qu'il fallait que j'arrête de me défendre. Alors elle laisse tomber une des anses de son sac ce qui a pour effet de l'ouvrir, et fouille, pendant un petit moment en grommelant pour finir pas sortir un petit bonnet gris et bleu, assorti à son écharpe. Elle l'enfile sur sa tête, écrasant son imposante masse de cheveux. Une véritable touffe.

    -Putain de froid à la con ! J'te jure, on se gèle le cul dans ce pays, dit-elle.

    -Ça te dirait de te comporter comme une fille ? je la taquine.

    Elle rit, m'insulte et me frappe l'épaule, tout en même temps.

    -Je crois que je vais rentrer, moi, me dit-elle. Il en a pour longtemps, ton mec ?

    -Sandy !

    -Vas-y tu m'saoule. Je me barre, okay ? À ce soir, bébé.

    Elle plante ses lèvres sur ma joue et s'en va, littéralement, me laissant en plan devant le lycée, à attendre quelqu'un qui neviendra peut-être pas. J'ai connu des jours où j'étais un peu plus à l'aise quand même. J'aimerais m'asseoir sur un banc, mais il ne reste que deux minutes avant la sonnerie, et généralement les surveillants sortent un peu avant. Mais comme par hasard, aujourd'hui ce n'est pas le cas.

    Petit à petit je vois les élèves sortir au compte goutte, mais ça n'a pas encore sonné. Alors je vois Mélanie, la pionne la moins appréciée sur le marché. Je tends le cou, je ressemble à un suricate, et j'aperçois mon surveillant. Il a une veste noire avec une capuche rabattue sur sa tête, et il marche tranquillement en discutant tout sourire avec un collègue. Il sort de l'enceinte du lycée, il est à quelques mètres de moi, mais continue de parler, sans m'avoir vu. La sonnerie retentit. C'est le moment. En fait non, je vais encore attendre, un tout petit peu. Finalement, quelque chose me dit qu'il ne m'a pas totalement oublié. Il me tourne le dos, ce qui me donne une grande facilité pour l'observer. Pendant qu'il roule sa cigarette, il n'arrête pas de jeter de petits coups d'œil furtifs à la sortie, et une petite partie de moi s'ose à dire qu'il est en train de me chercher.

    Je décide finalement de prendre mon courage à deux mains, et je m'avance vers lui. Comme il me tourne le dos, une fois à sa hauteur,je lui donne une légère frappe sur l'épaule.

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