.XIX. Skype

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La nuit est tombée sur La Ville Rose. Plus tôt, Sandy est allée rejoindre Lia, sous son invitation, que j'ai gentiment décliné pour ma part. Sortir n'était pas ma priorité, en ce moment. Aiden est parti vers 20 h 00, peu avant que mes parents ne rentrent. En effet, Damien a reçu un appel d'urgence de l'hôpital. Il a donc ramené Adèle et va sûrement passer la nuit là-bas. Je me retrouve donc seul avec ma maman chérie. Ma vraie maman.

On est tous les deux assis devant la télévision, en train de dévorer les sushis que ma mère à commandé pour ce soir. Je suis de bonne humeur, et on rit tous les deux, devant le programme de décérébrés qui est diffusé en ce moment. Cette lettre m'a fait ressasser un moment, mais m'a aussi permis d'ouvrir les yeux. Je suis avec des gens que j'aime, et qui m'aiment. Jamais ils n'auraient pu m'abandonner. Les autres l'ont fait.

Ma mère pouffe, retenant tant bien que mal le maki qui veut sortir de sa bouche :

—Ils sont vraiment cons, articule-t-elle en désignant la télévision.

—Maman, pourquoi vous avez voulu m'adopter ? Vous aviez déjà Sandy.

Son sourire disparaît, sans pour autant laisser place à un visage triste. Au contraire, elle apparaît comme songeuse. Elle se retourne finalement vers moi :

—Oui c'est vrai, on venait tout juste d'avoir Sandy. Mais comme tu le sais, on n'a jamais prévu d'adopter un enfant, ton père et moi. Et encore moins avec Sandy, qui avait six ans à l'époque. Comme toi, d'ailleurs.

—Pourquoi vous l'avez fait, alors ?

Ma mère regarde un instant dans le vide, comme se remémorant le passé.

—La sœur de Damien, Lisa, reprend-elle, travaillait dans le centre d'adoption, je te l'avais déjà dit. En fait, un jour, alors qu'elle passait à la maison pour nous rendre visite, elle nous a raconté que c'était la première fois qu'une mère amenait son enfant de six ans. Ils ne voyaient que des bébés, d'habitude. Ton père et moi, on était surpris, et désolés. Je ne sais plus trop pourquoi on s'est rendu dans le centre un peu plus tard, je crois que c'était l'époque ou ton père était encore médecin. Il me semble que Lisa l'a appelé d'urgence parce qu'un des orphelins s'était blessé. Quand ton père m'a appelé, j'ai accouru. Et quand j'ai vu ce pauvre enfant, qui baignait dans son sang, j'étais bouleversée. Une vitre avait éclaté, à cause d'une bouteille de gaz dans leur cuisine qui n'était pas fermée. Ton père et moi, on était d'accord sur une chose : il était pourtant si beau, on était obligés de l'adopter.

De chaudes larmes coulent sur mes joues. Tous les souvenirs reviennent à la surface, si subitement que c'en est presque douloureux.

—C'était... elle continue. J'avais comme l'impression, et ce sentiment s'est confirmé au fil des années, que c'était le destin, tu vois. Ce jour là, il y a eu 5 blessés, dont deux enfants ; toi et un bébé. Et c'est toi que j'ai voulu prendre, comme si unepetite voix me disait de le faire. (Elle sèche ses larmes, mais d'autres viennent ruiner son travail.) Tu sais à quel point je suis spirituelle. J'avais l'impression... j'ai l'impression que tu es une étoile, ma bonne étoile, et que je l'ai toujours su.

Je prends Adèle dans mes bras, tous deux se couvrant mutuellement des larmes de l'autre. Je repense alors à tout. À mon abandon, à mon accident ce jour-là, à mon adoption, mon enfance anormale...

—Jamais je ne pourrais faire ne serait-ce qu'un centième de ce qu'ils t'ont fait, mon amour, annonce ma mère en luttant contre ses pleurs. On t'aime, plus que tout. Vous êtes, Sandy et toi, ce que l'on a deplus cher au monde. Je vous donnerais tout ce que je possède, jusqu'à mon dernier cil. Vous êtes notre chair. Tu es mon fils.

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