.LXVI. Intérêts

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C'est le son de la douce alarme de mon réveil qui me fait sursauter. D'habitude, c'est la lumière du jour qui me réveille pour aller à l'école, mais aujourd'hui, en plus d'un temps grisâtre et maussade, ma nuit n'a pas été réparatrice, malgré la fatigue pesante. Quand je trouvais enfin le sommeil, j'étais réveillé pratiquement aussitôt par des paparazzis frauduleux ou par le rire diabolique de Stefania. Et c'est le cauchemar le plus terrifiant que l'on puisse faire.

J'éteins difficilement l'alarme de mon téléphone tout en me demandant si ça vaut vraiment la peine que j'aille en cours. Aiden grogne et se retourne dans le lit en recouvrant entièrement sa tête par la couverture.

Devoir se lever aussitôt, alors que lui peut dormir toute la journée, c'est une triste vie.

Après m'être douché et habillé, je m'installe au comptoir de la cuisine et me sers un bol de muesli, cet abominable étouffe chrétien. Seul avec moi-même, je prends mon téléphone pour regarder mes notifications, mes réseaux sociaux, ce genre de trucs. Je donne une importance à ce rituel surtout depuis que je vis ici, aux USA, car ça me permet d'être au courant de ce qui se passe en France, de ce que font mes amis. Mais de plus en plus, je le ressens comme une obligation. L'envie de savoir ce que les médias disent sur Aiden et l'émission, si la tempête se calme ou si de nouvelles révélations refont surface. C'est aussi le moment où je supprime les dizaines et dizaines de demandes d'ajout sur Facebook venant de gens que je ne connais pas. Et même si je pensais avoir pris l'habitude de ces choses là, aujourd'hui, je manque de m'étouffer avec mon avoine, voire même de le rendre.

À l'ouverture de l'application, je tombe directement sur l'aperçu de l'article qui manque de signer mon arrêt de mort. Il a été publié aux alentours de 09 h 00, heure française, c'est à dire pendant qu'Aiden et moi dormions. Je reste bloqué sur le titre, sur l'image, espérant me réveiller d'une seconde à l'autre. Déjà, un petit millier de commentaires pour des centaines de partages.

« Jo Coleman, le petit ami d'Aiden Harris, est un enfant adopté. Sa mère biologique témoigne. »

Sur la vignette de l'article, une photo de moi est opposée à une photo de ma soi-disante mère, visiblement prise à l'occasion de l'article. La page à l'origine de la publication s'est permise de rajouter une petite légende devant l'article, histoire de pousser les gens à cliquer : « Et il est pas très très aimable le petit Jo... »

Je n'arrive pas à y croire !

« Si vous connaissez Aiden Harris, vous avez probablement entendu parler de Jo Coleman, son petit ami — encore à l'école. Cette révélation a été une véritable bombe dans la peoplesphère, suivie de quelques excès de colère qui ont pu desservir au talentueux tatoueur qui exerce dans l'émission Worldwide Tattoo. En l'espace de quelques semaines, ils sont devenus l'un des couples les plus emblématiques de la télévision américaine, et la communauté LGBTQ+ a vu en eux de véritables sauveurs. Si les raisons d'un tel engouement restent encore un peu floues, Jo Coleman n'en est pas moins devenu une sorte d'idole pour certains adolescents qui rêvent un jour de rencontrer un célèbre artiste qui les emmènerait partout dans le monde. S'il a séduit les jeunes populations par son beau sourire candide, son regard de velours et — surtout — sa relation avec Aiden Harris, il est désormais réputé pour être un jeune garçon brillant, tolérant et empli d'une simplicité étonnante. En bref, c'est un ange tombé du ciel. Ah, vraiment ?

Hier, une femme est venue directement nous rencontrer à la rédaction, clamant connaître Jo très personnellement. Et personnellement, elle le connait, puisqu'il s'agit de sa propre mère. Ou plutôt, de sa mère biologique. C'est après avoir demandé des preuves et vérifié son récit que nous vous écrivons cet article.

JoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant