.VIII. Seul

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Lorsque je revois Aiden au lycée le lundi suivant, cela me fait immédiatement rappeler que je n'ai pas pensé à lui du week-end, ce qui n'était pas arrivé depuis un bon moment. Cela faisait depuis le milieu du mois de Septembre que le voyais au lycée, deux ou trois jours par semaine, et il m'a fallut attendre Janvier pour qu'il m'adresse réellement la parole. Cela ne paraît pas si bizarre, vu comme ça, mais quand je pense qu'il y a douze surveillants au lycée, et que je leur parle tous comme à des amis, sauf à lui, c'est qu'il y a définitivement quelque chose.

    Ce matin, 8 h 00, il est tout seul, comme moi puisque Sandy est tombée malade dans la nuit. Il est adossé contre la grille, une jambe au sol et l'autre repliée sur le grillage. Il met une main dans sa poche, et sa seconde lui sert a amener sa cigarette artisanale à sa bouche. Mes amis ne sont pas là non plus, et le devant du lycée est assez vide, comparé à d'habitude. Sûrement à cause de la température, très froide. Seul devant le lycée, avec le mec que je convoite à quelques mètres, je me sens un peu con, alors je m'allume une cigarette, histoire de faire quelque chose de mes dix doigts et surtout d'avoir une raison de rester dehors - bien que la vraie raison se tient contre la grille.

    Au bout d'un moment, Aiden tourne sa tête et m'aperçoit. Bien sûr, il me voit au moment où j'étais en train de le regarder, ce n'est pas gênant du tout. Mais il me sourit et me fait un signe de tête pour me saluer. En retour, je lui souris aussi et le salue de la main. Il se décroche alors de son grillage, tire une dernière taffe et jette le filtre par terre tout en se dirigeant vers moi. Je flippe.

    -Ça va, petit Jo ?

    Il se rappelle de mon prénom ? Il me pose la question avec un entrain déconcertant, et un large sourire accompagne son aisance. Ce cocktail est plus que séduisant.

    -Nickel, et toi ? réponds-je.

    -Bof, j'ai pas trop aimé le Mcflurry vendredi. (Mon esprit se gèle. Il reprend.) Il faudrait donc qu'on y retourne, pour que tu m'aides à en choisir un de meilleur.

    Je suis absolument, réellement, complètement, définitivement, déconcerté.

    -Oh, euh... à vrai dire, je pense que si tu veux manger une bonne glace, c'est pas chez Mcdo que tu vas trouver, lui dis-je.

    -Ah oui ? Il faudrait qu'on aille où alors ? (Il vient de dire « on », là ? ) De toute façon, je crois qu'on ne peut pas vraiment apprécier une glace en plein mois de Janvier, par ce temps, non ?

    -Euh, oui, oui, c'est vrai. C'est vrai. Donc du coup, ne mange pas de glace !

    Sans vouloir me vanter, j'ai de la répartie, d'habitude. Mais là, si je pouvais me dédoubler, je me tuerais lentement et avec douleur.

    -Ouais, fait-il. Alors, ça te dirait d'aller manger quelque part toute à l'heure ? Ou de prendre un café ? À quelle heure tu finis ?

    -Seize heures.

    -Parfait ! Pile à l'heure du goûter !

    J'imite le son du rire, parce que je n'ai pas envie de rire tant je suis gêné, et je n'ai pas envie de laisser un blanc non plus. Alors c'est ma seule option, si je veux avoir l'air sociable.

    -Ça te dit ? reprend-il. Si tu veux pas dis-le moi hein, il n'y a pas de soucis. C'est moi qui t'invites.

    -Non, non, bien sûr, ça me dit, oui. Enfin, oui, 'fin je pense que ça pourrait être sympa.

    Un très large sourire se dessine sur son visage. Vraiment craquant.

    -Cool, dit-il. On se rejoint ici alors ? Je dois aller bosser, là.

    -Oui, oui, ici, à seize heures.

    -Ça marche, tarde pas trop non plus, je te surveille, plaisante-t-il. Allez, à toute à l'heure, bisous !

    Bisous ? Bordel mais au lieu de me les évoquer, fais-les moi !

    À la seconde où il passe le portail, je dégaine mon portable pour tout raconter par message à Sandy.

    « Je dors, bouffon ! » me répond-elle.

    Elle renvoie : « Fin je dormais. Sinon c'est cool. Il finira parte mettre dans son lit, c'est sûr ! »


Sa réponse me fait sourire, mais je ne préfère pas penser comme elle. Et j'ai peut-être raison.

JoWhere stories live. Discover now