.LVI. Origines

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 Après des heures interminables de vol, je peux enfin descendre de l'avion. Je ne sens plus mes fesses. L'air est clairement différent de d'où je viens. J'ai quitté un lieu ensoleillé au climat relativement agréable pour atterrir ici, de nuit, sous un vent glacial qui projette de minuscules gouttelettes de pluie sur mon visage. Je fronce les sourcils et rentre la tête dans mes épaules, comme si cela me rendait intouchable.

Malgré ce temps pourri et les gens qui me bousculent pour entrer avant moi dans le hall de l'aéroport où il fait chaud et sec, je suis obligé de me retenir de ne pas sourire. J'ai hâte de serrer de nouveau ma mère et mon père dans mes bras, ainsi que, bien sûr, Sandy. Je vais retrouver ma maison d'enfance, mon lit et puis mon petit quartier. J'imagine déjà les décorations de Noël remplir les maisons, les rues, à l'image de ce qui se trouve ici, à l'aéroport.

Des centaines de lumières d'un blanc chaud scintillent sur un immense sapin artificiel, dans le hall. Autour, une petite scène est installée avec de la fausse neige et de faux animaux polaires. Mes bagages à la main, je suis tellement happé par cette magie que je ne fais pas tout de suite attention à ces gens qui m'appellent.

Ce n'est que bien après que je reconnais mes parents.

Sans plus attendre, je cours vers eux, et j'aperçois aussitôt ma mère sauter sur place avant de s'élancer également vers moi. Je la serre dans mes bras et elle fait de même. Je réalise que son parfum m'avait manqué. Je la sens sangloter légèrement, et quand je me recule pour regarder son visage, des larmes coulent de ses yeux.

— Oh là là, tu m'as manqué, petit enfoiré ! s'exclame-t-elle en me frappant doucement sur le torse. Tu ne te rends pas compte de ce que c'est que d'avoir un enfant à l'autre bout du monde.

Mon père arrive, plus beau que jamais, un sourire radieux sur le visage, et me prend également dans ses bras. Plus pudique, il ne lâche pas de larmes. En revanche, chez moi, les robinets sont ouverts !

C'est Sandy qui est la dernière à me serrer dans ses bras, et même si je l'ai déjà vu il y a quelques semaines, cela fait toujours un bien fou.

— Comment va l'américain ? plaisante mon père en prenant mes deux valises.

— Je dois avoir un milliard de trucs à vous raconter, fellas ! Vous avez vu l'émission d'Aiden ? demandé-je.

— Elle n'est pas diffusée en France ! se plaint ma mère. Mais Sandy nous a installé un VNP, ou je ne sais pas trop quoi, pour qu'on puisse la regarder en rediffusion sur Internet !

— Un VPN, maman ! la corrige Sandy. Bref, franchement, c'est de la balle cette émission. Elle est bientôt finie, non ?

— Non, réponds-je, elle terminera en Janvier, elle est étalée sur douze semaines. Bon sinon, on mange où ? Et pitié, pas un fast-food !

Ce matin, j'ouvre les yeux dans une chambre étonnamment sombre, comparée à ce dont je me suis habitué aux États-Unis. Je redécouvre un matelas aussi vieux que mon adolescence, sur un lit qui me rappelle déjà des souvenirs. Je reste affalé dans mon lit, dans le noir, quelques minutes pour apprécier ce rare moment. C'est bon de se retrouver ici, avec ma famille. J'ai tout de même un petit pincement au coeur quand je pense à Aiden.

Une petite odeur parvient à se frayer un chemin jusqu'à mes narines. Je sens les crêpes. Ni une ni deux, je sors de mon lit et enfile un de mes vieux pantalons de jogging, ainsi qu'un gros pull. Je sursaute légèrement lorsque mes pieds nus touchent le verre froid de l'escalier. Adèle est devant la cuisinière, en train de faire cuire des crêpes qu'elle pose dans une assiette qui en contient déjà pas mal. Damien, mon père, est assis au comptoir, le journal dans la main, devant une crêpe roulée avec de la pâte à tartiner au chocolat dedans et un café fumant. Ils sont tous les deux en congé. Sandy quant à elle est au lycée, ensuite, ce sera aussi les vacances pour elle.

JoOnde histórias criam vida. Descubra agora