.LIX. Gossip

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Ces deux semaines passées en France étaient géniales, bénéfiques, ressourçantes et véritablement épanouissantes, mais putain qu'est ce qu'Aiden me manque ! La première semaine, ça allait plutôt bien. Mais la deuxième, je ne pensais plus qu'à lui. S'il n'y avait pas eu toutes ces fêtes, cet alcool et - surtout - tout ce chocolat, je n'aurais pas tenu cette seconde semaine. Je ris encore en repensant au visage de ma mère consternée quand elle m'a vu courir dans l'aéroport, impatient de reprendre l'avion. Bien entendu, j'aime énormément ma famille, mais là, je ne tiens plus. Mais je me donne seulement deux jours après mon retour avant que la France ne me manque de nouveau.

Mon vol se déroule principalement de nuit, je suis censé arriver aux États-Unis aux alentours de 6 h 00 du matin. J'ai menti à Aiden en lui disant que j'arrivais en soirée, afin de lui faire une petite surprise et de lui apporter le petit-déjeuner au lit. Et je ne parle pas de nourriture...

Je ne parviens pas réellement à dormir correctement. Je suis bien trop excité de le revoir, de revoir tout le monde en fait. Parfois, mes paupières se ferment d'elles-même et je manque de m'endormir, mais sentir ma tête tomber vers l'avant me réveille en sursaut à chaque fois. Je suis ridicule ainsi, mais de toute façon, la cabine est presque plongée dans le noir, et tout le monde dort.


Je ne sais pas si je parviendrais un jour à m'habituer à ces longs vols. Quand je me lève de mon siège pour descendre de l'avion, j'ai mal partout ; dans le dos, dans le cou, dans les jambes... j'ai l'impression d'avoir cinquante ans.

Dehors, le soleil se lève tout juste. Le ciel brille de cette couleur rose-orangée caractéristique d'un début de journée qui s'annonce splendide. L'air est frais, presque froid, même.

Dans l'aéroport, tout est calme. Peu de voyageurs, pas encore trop de musique... je ne l'avais jamais vu dans cet état. C'est presque déprimant, tout ça.

Mais en fait, moi je suis surtout en train de penser à Aiden, couché de tout son long dans notre lit, plongé dans un profond sommeil, la couverture qui ne recouvre ni ses bras, ni ses jambes, et le rayon de soleil quotidien qui va venir réchauffer d'abord ses pieds, puis remonter de ses jambes jusqu'à son torse et enfin arriver sur son visage, ce qui le réveillera. À son réveil il me trouvera dans le lit. Mais ça ne sera pas romantique comme dans les films. Non. Lui, en me voyant, il va sursauter, voire bondir hors du lit avec des yeux aussi gros que la lune en hurlant « Putain de merde tu m'as fait peur ! Kestufais là ?! »

En sortant de l'aéroport, bagages en main, je commande un Uber qui ne tarde pas à arriver. Le chauffeur, très beau brun en costume, sort de la voiture et me propose gentiment de rentrer mes bagages dans le coffre de sa voiture.

- Alors, on vient en vacances ? me demande-t-il quand il reprend la route. J'ai entendu un petit accent.

- Oh, non. Enfin, je suis français, mais j'habite ici désormais, depuis quelques mois déjà.

- Génial ! Dans quel coin ? Moi je viens du New-Jersey. Je vis ici depuis deux ans, maintenant.

- Ah, c'est bien, réponds-je maladroitement. Je vis sur Los Angeles même, à l'adresse que je vous ai donné, en fait.

- Mais c'est génial !

Il continue ainsi pendant tout le trajet, à dire « génial » à toutes les sauces. Et il finit même par me mettre à l'aise.

- Combien je vous dois ? demandé-je alors que j'avais la réponse sous mes yeux.

- Cinquante-trois dollars, répond-il. Mais je te le fais moitié prix si tu me laisses t'inviter prendre un verre.

Je ne sais pas vraiment pour quoi, mais je sursaute lorsque j'entends ça. Je regarde ébahi son reflet dans le rétroviseur : il me montre son plus beau sourire et me lance un clin d'oeil bien lourd.

- Oh, c'est gentil mais... je... je n'ai pas soif !

Je m'empresse de sortir du véhicule, et je sens mes joues chauffer. Il s'apprête à sortir pour m'aider à sortir du bagage, mais je lui crie comme s'il était à vingt mètres de moi que je peux le faire tout seul. Et je me réfugie dans le hall de mon immeuble. J'ai l'impression d'avoir échappé à un terroriste.

Pourquoi est-ce que je ne peux pas réagir normalement quand on me drague ouvertement ? Si ça se trouve il ne me draguait même pas...

Je le regarde partir, caché derrière mes valises, attendant qu'il soit assez loin pour oser reprendre ma respiration.

- Bonjour Monsieur Coleman, cela fait plaisir de nous revoir parmi nous !

C'est le réceptionniste, qui se charge déjà de prendre mes bagages.

- Bonjour, Klaus. Ravi de vous revoir aussi. Vous avez passé de bonnes fêtes ?

- Parfaites et vous ? Où voulez-vous que je pose vos bagages, Monsieur Coleman ?

- Je peux le faire moi-même, Klaus, vous savez.

Ça me met mal à l'aise, le fait d'avoir quelqu'un qui s'occupe de mes affaires comme si j'étais trop important pour le faire moi-même.

- Allons, monsieur, je suis là pour ça !

- Merci Klaus. Vous pouvez les mettre devant la porte de l'appartement, mais ne réveillez pas Aiden.

Alors qu'il s'en va avec mes bagages, je décide d'aller chercher quelque chose à déjeuner pour Aiden.

À mesure que j'avance dans la rue, je ne peux m'empêcher de sourire. Je suis réellement heureux de retrouver ces rues immenses, ce soleil caractéristique, et ces grands immeubles qui semblent ne jamais ce finir me redonnent la joie de vivre.

J'aperçois encore parfois des affiches de l'émission d'Aiden avec sa tête, ou encore la bande annonce qui est diffusée sur certains écrans, qu'ils soit géants ou placés derrière une vitrine. Cela fait maintenant plusieurs semaines qu'elle est diffusée, et l'émission fait beaucoup parler d'elle. Je le perçois sur les réseaux sociaux, où Aiden poste pas mal de photos - et même des photos dans lesquelles j'apparais - et atteignent en seulement quelques secondes les milliers de « J'aime ». Ça fait vraiment bizarre. Mais j'ai le sentiment que le succès de Worldwide Tattoo s'est intensifié depuis mon départ.

Je m'arrête finalement devant une boutique qui vend des pâtisseries américaines, « façon grand-mère ». Ça sent la pâte chaude et la tarte tatin. Rien que l'odeur me fait saliver. Je nous achète alors deux muffins, plutôt gros. Le mien est à la pomme-cannelle, et le sien est à la vanille, au coeur fondant au caramel. Je compte bien y gouter, de toute façon je sais qu'il goutera aussi le mien.

Tout content de mon achat, je sors avec mon futur petit déjeuner dans un sac en papier qui pend à ma main. Mais avant de reprendre mon chemin dans le sens inverse pour retourner chez moi, quelque chose attire mon attention.

Dans la rue d'en face, de grosses affiches sont placardés sur les murs du marchand de journaux. Il s'agit de la couverture du tout nouveau numéro d'un des magazines people les plus connus aux États-Unis. Dans un cadre rose flashy, la photo apparait. C'est une photographie paparazzée d'Aiden et moi, sur la plage. Dessus, le titre accrocheur est écrit en grosses lettres jaunes : « Aiden Harris est-il gay ? »

JoWhere stories live. Discover now