.LXVIII. Icônes

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— Mais est-ce que tu réalises vraiment que ton petit copain est une vedette ? me demande Bonnie en reposant son thé glacé sur la table.

Après les cours, elle m'avait proposé qu'on aille boire un verre tous les deux, histoire de décompresser un peu. J'avais évidemment accepté. Il faisait bon dehors, il y avait un joli soleil, alors on s'est installés en terrasse. Elle s'est moqué de moi lorsque j'ai demandé un monaco alors qu'il était 16 h 00, au final elle me demande toutes les trois minutes si elle peut prendre une petite gorgée de mon verre.

— Oui et non. 'Fin, tout a été progressif, mais hyper rapide en même temps. Parfois, je me dis « putain, le visage de mon petit copain est sur de grandes affiches placardées dans plusieurs villes du monde », et ça me fait un peu tourner la tête. Quand j'étais petit, je regardais les stars et je les admirais pour le fait qu'elles faisaient partie d'un tout petit pourcentage de la population. Connus, beaux, adulés, riches... et en même temps je me disais que j'avais énormément de chance de ne pas faire partie de ce minuscule pourcentage.

— Moi, ce qui me choque, répond-elle, c'est que quand tu étais petit tu réfléchissais déjà en pourcentage.

J'éclate de rire, et elle aussi, de sa propre blague. Plusieurs personnes se retournent vers nous, et les gens à qui je croise le regard me sourient, ce qui m'enlève aussitôt le mien.

— Tu ne t'habitueras jamais à tout ça, Jo, reprend Bonnie. Tu ne supportes pas que les gens te regardent, tu ne comprends pas que les gens puissent t'aimer alors qu'ils connaissent si peu de toi. Mais tu es le petit copain d'Aiden Harris, tu seras médiatisé tant qu'il le sera.

— Des gens nous suivent dans la rue, Bonnie. Parfois, ils passent la journée dans notre dos sans jamais demander un autographe ou une photo !

— Oh calme-toi, je suis sûr que tu as déjà été une groupie, toi aussi.

Je la regarde un instant, essayant de me souvenir de la dernière fois où j'ai été fan de quelqu'un. Il y a énormément d'artistes que j'apprécie, des musiciens que j'écoute chaque jour et des acteurs avec qui je fantasme une nuit torride — chut, 'faut pas l'dire. Mais je n'ai jamais été une groupie.

— Non, je réponds après un temps de latence. (Bonnie ouvre ses grands yeux et ricane.) Je te le jure, jamais, j'insiste.

— Bon. Moi, oui.

— De qui ?

Elle baisse les yeux vers ses mains et se pince les lèvres. Elle esquisse un petit sourire et je suis presque sûr qu'elle se met à rougir.

— T'as honte c'est ça ? je la taquine. Ça va, presque tout le monde a kiffé Justin Bieber à un moment ou à un autre.

— C'était pas lui. (Je l'interroge du regard.) Zac Efron, lâche-t-elle tout doucement.

— Oh ! je m'exclame. Mais pourquoi cet acharnement sur lui ? Il n'est même pas beau !

— Il est magnifique ! rétorque-t-elle avec un sourire en coin. Il est drôle, gentil, intelligent, il chante bien, danse bien... Oh, Zac !

— T'es toujours une groupie à ce que je vois.

— Non. Mais à l'époque je collectionnais les photos que je prenais avec lui. De près ou de loin. Avec son consentement ou non. J'en ai cent vingt-deux.

— Hein ?! Mais t'es complètement ravagée ! Imagines si Aiden tombe sur des fans comme toi !

— Bah, je suis sûre qu'il en a des comme ça. Peut-être même que toi aussi.

— Arrêtes.

Il commence se faire tard, le ciel se pare de pâles teintes oranges, et je décide alors de rentrer. Je réaliser alors que c'est le bon moment de déserter les lieux lorsque j'aperçois à cent mètres trois hommes munis de grosses caméras, tous en train de m'épier « discrètement ». Ils semblent être tout juste arrivés. Je commande un Uber, car je n'ai pas le courage de traverser ces longues rues que je traverse pourtant tous les jours, à pied et seul. J'ai envie de me mettre dans un petit trou dont personne ne connaitrait l'existence, et y rester, peut-être pour toujours.

JoWhere stories live. Discover now