.LIII. Noué

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Au moment où je sens ses lèvres pincer les miennes, des frissons m'envahissent le corps. Des frissons... de dégout.

Le baiser ne dure même pas deux secondes, je la repousse, sans doute un peu trop violemment, puisqu'elle doit se rattraper sur le bar derrière elle. Je me touche les lèvres, comme si quelque chose avait pu s'y déposer ; la honte.

― Désolé, je... tenté-je de dire à une Stefania confuse.

Des gens autour de nous nous regardent, le malaise est palpable.

― Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez toi, Coleman ?

Alors celle-là, c'est la meilleure !

― Pardon ? fais-je. Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Tu m'as embrassé ! Tout en sachant que je suis gay, que j'ai un copain et que tu as une copine, et tu me demandes ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

Sans plus attendre, de peur qu'un scandale éclate ainsi qu'un quiproquo, je préfère m'éclipser et sors de la terrasse pour me rendre dans les toilettes de l'étage d'en dessous, histoire de ne croiser personne. À ce moment, je ne pense qu'à une chose : Aiden.

Alors que ma main effleure la poignée de la porte qui mène au petit coin, quelqu'un m'appelle :

― Jo ! Tu ne peux pas me faire croire que tu n'en n'avais pas envie, j'ai vu la façon dont tu me regardais, dit Stefania. Je sais ce que ça fait d'être charmé par quelqu'un... tu m'as charmé aussi.

― La façon dont je te regardais ? Tu veux dire, avec mes yeux ? Stefania, tu ne m'as pas charmé. Je suis gay.

―Lesbienne, gay, hétéro... ça veut dire quoi tout ça ? Ce ne sont que des étiquettes, rétorque-t-elle.

― Des étiquettes ? Peut-être pour toi. Mais personnellement, je me considère parfaitement comme homosexuel et rien d'autre. Les pectoraux m'aguichent, les seins me font loucher. Les pénis me font baver, les vagins me dégoutent. Et ton baiser aussi, me dégoute. Alors appelle-ça comme tu veux, mais moi, je ne fais pas partie de ce mouvement « je suis ni bi, ni gay, ni hétéro, j'aime les gens et les âmes et les pandas bleus qui chient des baies de gojis », non, je suis gay !

― Oh... waouh, Jo, relax, non ?

― Relax ? Mais tu t'entends parler, Stefania ? Tu veux que je me relax ? Tu as vu ce que tu viens juste de faire ? Tu as manqué de respect à quatre personnes en même temps ! Moi, Aiden, ta meuf London et toi même ! Tu sais que j'aime les garçons, que je suis en couple et tu as très bien senti que j'étais réticent à notre corps à corps, et tu M'AS EMBRASSÉ ! Je n'ai aucune idée d'où est Aiden, où même les autres, et peut-être qu'il m'a vu, où qu'un de ses amis m'a vu et peut-être que tu viens juste de bousiller notre relation ! Alors non, je ne me relaxe pas, parce qu'Aiden est l'homme de ma vie, je ne serais rien sans lui  !

Mon hurlement résonne dans le couloir. Je sens mon cœur tambouriner dans mes oreilles, et ses pulsations à travers toutes mes veines. Mes joues sont chaudes. Elle brulent. Stefania est plantée devant moi, la bouche ouverte, la mine décontenancée. Un long silence s'installe pendant que ma pression redescend. Stefania finit par rompre le blanc  :

― Aiden... est ton copain  ?

Là, je sens mon estomac tomber dans mes chaussettes, et mon coeur remonter dans ma gorge.

Putain de...

― MERDE  ! hurlé-je en entrant dans les toilettes.

J'ai fait une bourde. J'ai fait une putain de bourde. Je ne vais pas pouvoir réparer ça. Je viens de vexer Stefania, elle sait désormais que ma relation avec Aiden est secrète, elle va forcément divulguer l'info. Pour de l'argent. Pour le buzz. Ce n'est qu'une question de temps. Tout le monde saura qu'Aiden est gay. Tout le monde va nuire sa vie privée, voudra savoir qui est l'heureux élu. Il ne pourra pas me protéger, et il ne le supportera pas. Il se fiche que les gens sachent qu'il aime un autre garçon ou une fille, mais il ne veut pas que cela m'implique.

JoWhere stories live. Discover now