Jo

.XXX. Renaissance

Mardi 5 Juillet 2016

Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Tout ce que j'avais en tête, c'était le compte à rebours bruyant qui m'indiquait combien de temps il me restait encore avant que les résultats du bac soient affichés. Je pensais jusque là que la semaine d'épreuve était pour moi le moment ou j'ai ressentis le plus de stresse. Et bien je me suis trompé, c'est maintenant que je suis nerveux comme jamais.

Après m'être tourné, retourné, reretourné et rereretourné dans mon lit des centaines de fois, je décide de me lever. Il est à peine 08 h00, mes parents sont partis travailler, et Sandy dort toujours. Il me reste encore deux heures à patienter. Aujourd'hui, Aiden est au lycée, dans mon lycée, pour gérer l'administration et donner leur sésame à ceux qui l'ont obtenu. Je vais donc devoir me rendre seul, en bus, jusqu'au lycée dans lequel j'ai passé mon examen, c'est à dire, celui où Aiden n'est pas.

Je n'ai pas trop envie de manger, mais sans savoir pourquoi, je me fais tout de même griller deux tranches de pain de mie. Une fois qu'elles jaillissent du grille-pain, je les récupère en me brûlant les doigts. Le beurre font à peine après que j'ai tout bien étalé. Et je commence à croquer dans l'une, avec mon téléphone dans la main. Cela doit probablement faire cent fois que j'actualise la page du site Publinet espérant que l'heure d'affiche des résultats soit miraculeusement avancée. Je sais très bien que je ne pourrais pas attendre plus longtemps, alors j'engloutis mes tartines et mon verre de jus d'orange, et monte me préparer. Il faut que je me rende dans mon centre d'examen.

Dans le bus, Amber Run parvient un peu à calmer mon angoisse. Il n'y a pas grand monde, je suis affalé sur mon siège inconfortable et douloureux pour mon coccyx, les pieds sur le siège avant qui me fait face. Ma tête est posée contre la vitre, ce que je regrette quand le bus fait des mouvements trop brusques et que je me cogne à celle-ci. Mais comme si j'étais maso, je la remets contre tout juste après.

Un groupe de trois ados rentrent dans le bus. Deux jeune filles, et un grand garçon qui, de par sa taille imposante, donne l'impression que ses deux acolytes sont minuscules. L'une d'elles est blonde, et ses cheveux sont attachés en queue de cheval, cependant beaucoup de mèches s'en échappent. Elle est toute maigrichonne, et ses pommettes sont très marquées. Son sourire est franchement laid. Son amie en revanche à un certain charme latino. Ses cheveux bruns sont lâchés en vagues sur ses épaules, légèrement humides, comme si elle avait pris une douche quelques minutes avant. C'est peut-être parce qu'elle est mignonne qu'elle me paraît hautaine. En fait, je les ai déjà vu, ces trois là. Ils passaient le bac en même temps que moi. Le garçon, a une musculature discrète mais très présente. Il a laissé ses joues recouvertes d'une barbe noire assez fournie, et ses yeux et ses cheveux sont de la même couleur. Il n'arrête pas de me lancer de petits regards en coin, et les détourne quand je plante mes yeux dans les siens. Je suis sûrement la seule personne à le savoir dans ce bus, mais ce jeune homme est gay. Comme un phoque. Un gay ne peut pas se cacher d'un autre gay. Aussi viril qu'il soit.

Ah oui, c'est vrai, il y a des exceptions. Je ne savais pas qu'Aiden l'était avant qu'il m'embrasse, et je n'aurais pu m'en douter.

Ses regards insistants m'arrachent un sourire, je ne vais pas le nier. Il ne sait pas à quel point il ne m'intéresse pas, le pauvre. Certes, il est très beau, mais mon cœur est déjà pris, et ça, pour l'éternité.

Je trouve le trajet incroyablement long. Malgré la saison, le ciel est tristement gris, et quelques rares gouttes de pluies s'étalent sur les vitres du bus. La musique dans mes oreilles me floutent les conversations des gens qui ont, petit à petit, rempli le bus, ne me rendant qu'un léger bourdonnement. Et puis enfin, je reconnais la route. Mon ventre se tortille lorsque je vois l'enceinte du lycée. Non loin de celui-ci, le bus s'arrête, et je descends, suivi par les deux filles et le jeune garçon qui en profite d'être derrière moi pour regarder entièrement ma personne sans que je ne m'en aperçoive. Bien sûr, je m'en suis aperçu, on remercie les reflets !