.XXXVII. Parce qu'on est gays

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21 Août 2016, 19h20


—Tu veux qu'on sorte un peu ce soir ? propose Aiden. Histoire que tu profites un peu du temps libre qu'il te reste.

—Je vais être en école d'art, je réponds, j'aurais quand même pas mal de temps libre. Je plains Sandy qui prévoit d'aller en médecine.

La pensée de ma sœur qui reste sans donner de nouvelles me donne un goût amer dans la bouche.

—Tu as raison, je reprends, c'est une bonne idée. Sortons.

À cette heure-ci – comme à toute heure d'ailleurs – la ville est belle. Le ciel est légèrement doré par le soleil qui se couche, l'atmosphère se rafraîchit ce qui le rend plus respirable. Les gens sortent ; les terrasses des restaurants se remplissent tranquillement, les voitures se font assez nombreuses sur les routes, mais la circulation est tranquille puisque l'on est dimanche. Dès demain, la périphérie sera embouteillée à souhait.

—T'as envie de manger quoi ? demande Aiden.

—Je sais pas. Je suis impressionné par le nombre de fast-foods qu'il y a ici, sérieusement. Je veux dire, en France, on a Mcdo et Quick quoi, point barre et c'est très bien comme ça ! Ici, il y a autant de fast-foods que d'habitants ! Comment t'as pu faire pour garder de tels abdos ?

—Eh bien je te rappelle que j'ai vécu en France pendant plus de dix ans. Et plus sérieusement, ce n'est pas parce qu'il y a des fast-foods que tu dois forcément y manger.

Finalement, on s'installe tous les deux dans un de ces restaurants branché de « hipsters » et de gens tatoués. Là-bas, c'est une véritable communauté, et dans un tel lieu, ma peau vierge et moi, on se sent extrêmement mal à l'aise.

—Tu me tatoueras, bébé ? demandé-je bêtement à Aiden.

—Tu veux que je te fasse quoi ?

—J'ai toujours rêvé d'avoir une bite sur le front.

—T'as déjà la mienne dans ta bouche tous les soirs, ça te suffit pas ?

Abasourdi, partagé entre l'outrance et le rire, je le frappe avec ma serviette en tissus. Il éclate de rire en me tirant la langue comme un gamin.

—Je t'aime bébé, me dit-il.

—Tu devrais surveiller ton langage. Parce que sinon tu vas devoir te serrer la ceinture.

—Tu tiendrais moins que moi, me nargue-t-il.

—Ne me tente pas, tu serais surpris.

—Je ne remettrais jamais en doute tes talents, Jo. Maintenant ferme-là et choisis ton menu. Obéis.

—Va te faire foutre.

C'est beau, l'amour vache.

Après le repas, on décide d'aller faire un tour en centre ville, et on s'arrête devant un cinéma. Sans plus réfléchir, on y entre et achète deux places pour le film Suicide Squad. Oui, ce n'est pas très original, mais bon, tout le monde en parle.

Pendant toute la durée du film, j'ai la tête ailleurs. Je repense à tout ça. Je ne sais pas à quoi m'attendre demain pour ma rentrée. Ni comment cela va se passer. Aiden m'a expliqué des milliers de fois le système américain pour me rassurer, mais autant pisser dans un violon. Je suis impossible à rassurer, même avec la meilleure des volontés.

Je pense aussi à ce que peuvent bien faire mes parents. Il doit être aux alentours de 07 h 00 en France, et puisqu'ils sont en congé, ils doivent encore dormir. Tout comme Sandy. Ces derniers jours, je ne fais que penser à elle. J'ai mes parents tous les jours au téléphone, et jamais elle n'est là, jamais Adèle ou Damien ne me parlent d'elle. Elle ne demande pas de mes nouvelles, je ne fais que ça. Je lui en veux, je ne la comprends pas, mais ça me démonte.

JoWhere stories live. Discover now