Jo

.XIV. Rub-a-Dub

Février 2016

    Deux semaines se sont écoulées. Très rapidement. Deux semaines dans le froid, la fatigue et la pluie. Deux semaines sans événements particuliers ou insolites. Deux semaines où je me suis vu tirer un trait sur Aiden. On parlait de plus en plus souvent. Aux intercours, de vive voix, ou à distance, par SMS. J'allais chez lui pratiquement tous les soirs après les cours, pendant une heure ou deux. Et on faisait la même chose : on parlait. Quelquefois on jouait, ou on regardait la télévision, vite fait. On s'est découvert quelques points communs : il a le même style de dessin que moi, à quelques détails près. Il a les mêmes goûts musicaux que moi : Avenged Sevenfold, Sum 41, Fauve, Asaf Avidan, Flume, Fakear... en revanche, il n'est pas aussi fan que moi de Lana Del Rey. Personne n'est parfait. Aussi, il aime les mêmes films que moi, à compter Interstellar, Fight Club, Le Seigneur des Anneaux, La French, si je ne dois citer que ceux-ci. Sa série favorite est American Horror Story, comme moi. Tous ces points communs nous ont beaucoup rapprochés, et Aiden est devenu... un pote.

    Mais le cœur ne se contrôle pas. J'ai beau savoir qu'il n'y aura rien d'autre, mes sentiments s'emballent. Désormais, mon attirance pour Aiden n'est plus seulement physique. Il est drôle, doux, délicat, gentil, intelligent... rien qui ne pourrait me déplaire. Et puis ces derniers jours, j'ai agit de manière égoïste. Pour ne pas me faire souffrir, j'ai voulu prendre un tout petit peu de distance.

Premier vendredi du mois

    Ce matin, Aiden ne vient pas me voir. Comme la veille. Je reste avec mes amis, et lui, il reste avec ses collègues, ce qui n'est clairement pas dans ses habitudes - ni des miennes, d'ailleurs. Il se contente de me saluer de loin, laissant de côté son sourire qu'il n'oubliait jamais d'arborer. Peut-être s'est-il rendu compte de quelque chose. Peut-être qu'il a remarqué que j'ai essayé de m'éloigner un peu. Et s'il savait la raison, ça serait encore pire.

    -Pourquoi il vient pas, il a peur que je le bouffe ? me demande Sandy à voix basse.

    Sandy et Aiden avaient déjà parlé entre eux quelques fois, surtout quand je le rejoignais, et vice versa.

    -Je le trouve un peu distant, depuis le début de la semaine, réponds-je.

    -Tu le trouves distant ? Mec, c'est toi qui a voulu t'éloigner.

    -Mais juste un peu ! Je voulais pas couper les ponts ! Mais, c'est vrai qu'on parlait vraiment tout le temps, tu vois. J'ai pas envie de... tu sais.

    -Hum.

    -Bon, fais-je, je vais le voir.

    En me dirigeant vers lui, je me dis que je fais peut-être une bêtise. Mais il me regarde à présent, je ne peux pas faire demi-tour.

    -Hey, dis-je en arrivant. Ça va ? Bientôt le week-end.

    -Ouais.

    Son sourire n'est que de façade, je peux voir qu'il se force.

    -Tu as prévu quelque chose ? je surenchéris.

    -Non, pas vraiment. Et toi ?

    -Non plus, pas encore.

    Cette conversation est vide, et elle n'a aucun sens. Elle me met mal à l'aise. Sans trop tarder, je me sauve. Je voyais très bien que je le dérangeais.

    Comme à ses habitudes, Madame Bois déblatère son cours de merde sur le théâtre du XVIIème siècle. Je n'ai vraiment aucune envie d'écouter quoique ce soit qui soit du cours, et j'ai encore moins envie d'entendre parler de théâtre. C'est dans mes habitudes que je continue d'alimenter mon carnet à dessin pendant qu'elle parle, seule, puisque personne ne l'écoute.