.XX. Faking it

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Lundi


Devant le lycée, je dois m'efforcer de simplement parler avec Aiden, sans rien laisser paraître. Sinon, évidemment, il serait viré. J'ai tenu de longues semaines à le regarder parler sans lui sauter aux lèvres, mais je dois avouer que maintenant que je connais leur goût, c'est très dur de résister à la tentation.

—Tu as envoyé la lettre ? me demande-t-il

—Oui, je l'ai fait toute à l'heure. J'ai aussi parlé de ma décision avec mon père et Sandy, et ils me soutiennent.

—Tant mieux. Comment tu le vis, toi ?

—Je ne sais pas trop, soupiré-je. Tout ça me paraît très...lunaire. J'arrive pas trop à me rendre compte. C'est très bizarre.

—Ça va les suceurs ? aboie Sandy en nous rejoignant

—Sandy, putain tu peux pas fermer ta gueule ? (Je fais en sorte de ne pas crier, mais mon ton imite très bien le hurlement et la réprimande.) 'Faut pas que les gens sachent pour Aiden et moi ça pourrait lui nuire !

Sandy éclate de rire comme une abruti sous ecstasy. Évidemment, en la voyant ainsi, je suis obligé de refréner un sourire.

—Je suis sérieux, Sandy, insisté-je.

—Ça va, tempère Aiden. Elle a juste dit ça comme ça, c'est plutôt ta réaction qui risque de nous trahir.

—Toi tu la boucles, personne ne t'as sonné, sifflé-je en plaisantant.

—P'tit merdeux, va, réplique-t-il en se mordant la lèvre inférieure. Tu ferais mieux d'aller en cours, ça t'empêcherait de dire des conneries.

Comme je ne peux l'embrasser ici, je lui adresse mon plus beau sourire, accompagné de mon magnifique majeur.

—Je peux te dire un truc ? me demande Sandy lorsque l'on est dans les couloirs.

—Bah, oui, dis-je.

—Aiden. Je vais me le faire. Il est vraiment beau.

—Rêve, ma petite !

Sandy éclate de rire et m'embrasse sur la joue.

—Tu l'aimes toujours bien ? Ou un peu plus maintenant ? s'intéresse-t-elle.

—Oh, tu sais, ça fait très longtemps que j'ai craqué pour lui. Même quand on était seulement « amis » je rêvais secrètement de plus, alors... Je crois que j'ai des sentiments pour lui, j'ai pas peur de le dire. On passait des heures ensemble ces derniers temps. Et depuis que tout ça s'est passé, j'ai l'impression que tout s'est décuplé.

—Je suis contente pour toi, Jo. Je te vois heureux, ça me rend heureuse. Même avec cette histoire de lettre, tu gardes un sourire sincère. Tu ne te démontes pas.

—J'avoue que j'ai un peu la tête dans les nuages, depuis que je suis avec Aiden. Je ne pense qu'à ça. Et puis, même si au fond, avoir reçu cette lettre, – et savoir qu'il y en a eu d'autres – ça me touche forcément, je ne reste pas insensible. Ça fait remonter tout pleins de trucs à la surface. Mais ça fait aussi remonter le fait que vous êtes ma seule et vraie famille. C'est vous que j'aime, et c'est avec vous que je resterai.

Sandy me sourit et me prend la main tandis que l'on entre dans la salle.

Le cours entre par une oreille et ressors par l'autre. En fait, non, il n'y rentre même pas. Je regarde par la fenêtre, à rêvasser comme à mon habitude. Quand je ne dessine pas, c'est ce que je fais. Dehors, il n'y a pas grand monde, au vue de la température très basse de la journée. Je vois de temps en temps certains personnels entrer et sortir du lycée, recouverts d'une couche impénétrable de vêtements, et de la vapeur qui s'échappe de leur bouche. Et puis j'aperçois Mélanie, la pionne détestée, sortir de l'enceinte du lycée, et parler à quelqu'un. Ce quelqu'un la suit jusqu'au premier banc disponible. C'est Aiden. Ils parlent tous les deux, et rien que de le voir, un sourire inepte se pose sur mes lèvres. Évidemment, lui ne me voit pas. J'aime regarder toutes ses mimiques quand il parle, cette façon qu'il a de mettre sa tête en arrière quand il rit, et la manière qu'il a d'écouter les autres parler. Je tente de me rappeler de la sensation et du goût de ses lèvres sur les miennes. Je donnerais tout pour être à nouveau avec lui à cet instant. Je voudrais me blottir dans ses bras pendant qu'il me caresserait les cheveux.

JoWhere stories live. Discover now