.LXIX. Photographies

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Je me réveille contre Aiden. Une de mes jambes passe par dessus les siennes, je l'enlace de mes bras alors que ma tête est reposée sur son torse. J'écoute les lents battements de son coeur et sa douce respiration pendant un moment. Il est minuit passé, les lumières de la ville éclairent notre chambre comme s'il s'agissait d'une lumière d'ambiance, tamisée. Tout doucement pour ne pas le réveiller, je m'extirpe hors du lit et enfile seulement un large pull qui trainait là, parce que sans la chaleur d'Aiden, j'ai froid. Je prends mon téléphone et effleure les fissures de son écran avec mon pouce. Je n'ai reçu aucun message, aucun appel. En revanche, les pastilles rouges m'annonçant les notifications de mes réseaux sociaux sont prêtes à exploser.

Je trouve ça étrange que personne de ma famille ne m'ait appelé. Je suis même un peu vexé. Je décide d'appeler Adèle, c'est le matin à Toulouse. Elle ne met pas longtemps à décrocher.

— Jo, mon chéri, j'attendais ton appel avec impatience ! Comment tu vas ?

— Ça va. Pourquoi tu ne m'as pas appelé, si tu attendais de m'avoir au téléphone ?

J'entends un brisement de voix à l'autre bout du fil, comme si elle avait simplement renoncer à répondre. Je comprends alors qu'elle ne sait pas quoi dire, surement parce qu'elle aimerait savoir dans quel état je suis d'abord.

— Je suis au courant, dis-je. Ça n'a pas mit longtemps à traverser l'Atlantique, tu sais. Je ne sais pas si c'est pareil en France, mais ici on ne parle que de moi. Et de toi aussi d'ailleurs, tu commences à devenir aussi populaire qu'Aiden, maman.

— Oh, Jo. Je suis désolée. Je n'aurais pas dû faire cette vidéo, mais en lisant l'article j'ai eu tellement envie d'étrangler cette putain de Caroline !

— Non, maman, tu as bien fait. Enfin je veux dire, c'est pas grave.

— On ne t'as pas appelé parce qu'on ne savait pas si tu étais au courant de tout ça, réplique Adèle pour changer de sujet. Alors, si on te disait « Alors, Jo, comment tu vis toute cette merde ? » tandis que tu étais paisiblement dans l'ignorance, ça aurait été con, plaisante-elle.

— Oui, je comprends.

Je ne dis rien de plus, car il n'y a rien de plus à dire. Je m'attends à ce qu'elle surenchérisse directement, mais non. Un petit blanc s'installe, puisqu'elle semble avoir la même attente que moi.

— Alors, Jo, finit-elle par dire, comment tu vis toute cette merde ?

— Oh tu sais, c'est la routine, je réponds avec une pointe amer d'ironie. Les gens qui me regardent, qui me demandent une photo, ou ceux qui s'accaparent Aiden alors que l'on est tous les deux parce qu'ils pensent qu'ils peuvent le faire, je m'y suis habitué. Je suis un peu moins habitué aux insultes, aux manifestations et aux voitures cramées, mais ça va le faire.

— Oh mon coeur, répond Adèle, j'ai su ce qui s'est passé devant chez toi. Je n'ai pas compris cependant, pourquoi il y avait tous ces gens ?

— Moi non plus je n'ai pas compris, maman. Je dois te laisser, il est tard ici et je ne veux pas réveiller Aiden. Fais un bisou à papa et Sandy. Vous me manquez. Bisous.

Lorsque je décolle le téléphone de mon oreille pour appuyer sur le bouton rouge, celui-ci disparait avant même que je n'ai le temps d'étirer mon pouce vers lui ; Adèle a raccroché la première.

J'ai une petite pensée pour ma famille qui est en France, qui se demande pourquoi leur fils se retrouve dans les médias, qui se demande si je le vis bien, et surtout comment je vais. Je sais qu'ils s'inquiètent, je l'ai entendu dans la voix de ma mère. Elle ne comprend pas ce qui se passe. Pas plus que moi. C'est vrai, pourquoi tous ces gens étaient là ? Pourquoi voulaient-ils me supporter ? Je sais qu'une partie était certainement là pour Aiden, mais visiblement pour moi aussi. Mon nom était écrit sur des banderoles, des gens m'appelaient. Qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça ?

JoOnde histórias criam vida. Descubra agora