Jo

.XL. Skype bis

27 aout 2016

    ―Tes parents appellent à quelle heure ? me demande Aiden pendant que je manque de m'ébouillanter en plongeant les frites dans la friteuse.

    Aujourd'hui, mes parents sont censés nous appeler sur Skype. Ce sera la première fois depuis que nous avons quitté la France Aiden et moi, et ma mère paraît tout excitée, d'après les messages qu'elle m'envoie.

    ―Maman m'a dit vers 20 h 00.

    Je regarde l'heure sur le four de la cuisine : 20 h 03. « Tiens, ça m'étonne qu'elle ait du retard », pensé-je à moi-même.

    Aiden, boiteux, pose l'ordinateur sur la table :

    ―Peut-être qu'ils dorment encore, suggère-t-il.

    ―T'es un fou, mes parents ne dorment pas jusqu'à 11 h 00 !

    Au même moment où je ponctue ma phrase par une pointe de sel sur mes jolies frites très peu grasses dont je suis si fier, la douce sonnerie bulleuse de skype surgit des hauts-parleurs de l'ordinateur – et aussi de mon téléphone, et de celui d'Aiden, et de ma tablette ; merci la synchronisation !

    Lorsqu'Aiden décroche, j'entends les exclamations de mes parents, et j'accoure alors vers l'écran essuyant mes mains d'une serviette en papier.

    ―Jo, mon bébé ! crie ma mère. T'es toujours aussi beau, toi aussi !

    ―C'est toi la plus belle. Et toi, papa, ça va ?

    ―Super mon fils, c'est à vous deux qu'il faut poser la question ! Comment va ton nez ? Et tes côtes, Aiden ?

    Quand j'avais, par WhatsApp, raconter à mes parents l'incident qu'il nous était arrivé à Aiden et moi – l'agression –, Adèle a insisté pour prendre un billet d'avion et nous rejoindre, ce qui était bien sûr insensé. On a pu compter sur mon père pour lui rendre la raison.

    ―On s'en remet doucement, dit Aiden.

    Alors que ma mère se plaint que son fils habite désormais trop loin pourqu'elle puisse venir le coucouner quand il ne va pas bien, la seule chose que je remarque maintenant c'est que Sandy n'est pas ici, avec nous. Évidemment, au fond, ça ne m'étonne pas, mais ça me blesse énormément. Cela va faire plus d'un mois que nous ne nous sommes pas adressés la parole. J'ai le sentiment que ça prend des proportions énormes.

    ―C'est vrai quoi, ils ne pouvaient pas la tourner en France, cette émission ? insiste ma mère.

    ―Mais tu arrête un peu ! réagit Damien. Ne vois-tu pas comment ton fils est heureux ?

    ―Oh oui, très heureux, surtout avec un espèce de navet à la placedu nez !

    ―Maman, je vais bien ! assuré-je en éclatant de rire. Et puis comme ça, vous pourrez passer de bonnes vacances, on vous invitera.

    ―Je sens que je vais bientôt être en vacances alors !

    Malgré l'absence de Sandy, ça me fait énormément de bien de les voir et de leur parler. Les chamailleries de mes parents me manquent, ainsi que leurs blagues nulles de quarantenaires.

    On reste bien deux heures ainsi scotchés à l'écran, à rire et partager. Lorsque nous raccrochons, mon ventre émet un bruit de mécontentement.

    ―Oh non mes frites ! je me plains. Elle vont être toutes froides ! Elles avaient l'air super bonnes en plus, j'suis deg.

    ―Tu n'as qu'à les passer aux micro-ondes, propose Aiden.