.VII. My name is NO

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-C'est chelou quand même. T'es sûr qu'il est pas gay ?

Je n'ai pas attendu bien longtemps pour faire mon petit debriefing à Sandy. On est tous les deux affalés sur mon lit, elle sur son portable, et moi, la tête enfouie dans mon coussin.

-En tout cas, je réponds, je pense pas. 'Fin je préfère me dire qu'il ne l'est pas, et ne pas me bercer d'illusions, quoi. J'aurais tendance à dire que moi aussi je trouve ça un peu bizarre, mais je me fais peut-être des idées.

-Je croyais que vous les homos vous aviez un « gaydar », me dit-elle en plaisantant.

Je glousse.

-Comme je te dis, j'ai peur de me faire des idées. (Un blanc s'installe. Après quelques secondes, je reprends.) Putain, j'te jure, il est tellement beau, c'est abusé ! Genre symétrique, et tout...

-Mais oui il est beau, et toi aussi, ça ferait un couple parfait !

-Ta gueule.

-Non mais sérieux, ça te coûte quoi de lui poser clairement la question ?

-Ma fierté, bordel ! Tu t'imagine : « Eh salut, moi c'est Jo, je voulais savoir si t'aimais les mecs ? ».

-Putain que t'es con, ma parole. Tu vas le voir, tu lui demandes si il voudrait bien prendre un verre avec toi, ou si il a quelqu'un dans sa vie, j'en sais rien moi ! Les trucs normaux que font les gens normaux quand ils s'intéressent à quelqu'un de normal !

-Et si il me dit non pour le verre ?

Elle soupire.

-Ça sera extrêmement difficile, mais avec un bon traitement tu survivras.

Je la frappe avec un coussin. Elle n'a pas tort, mais je crois que je me fais beaucoup de films, et que c'est ça le problème.



-Maman, l'art, c'est vraiment quelque chose que j'ai envie de faire, je suis sûr que tu peux le comprendre.

Ma mère et moi sommes assis dans le canapé du salon, devant la télévision, éteinte, encadrée par deux grandes baies vitrées. À coté de nous, la cheminée pendante est allumée. Dans le creux de ses mains, ma mère tient une tasse de thé fumant, qui, additionnée à son pull en tricot bordeaux à col roulé, définit bien une personne qui a froid.

-Oh, chéri, bien sûr que je peux le comprendre. Mes parents voulaient que je reprennent l'épicerie familiale, et regarde où j'en suis. Je connais pas trop les écoles d'art, mais choisis-en une de bien et réputée. Tu as un super dossier, ils vont forcément te prendre.

-Mais ils s'en foutent des dossiers, surtout d'un dossier scientifique. Ils recrutent par dessin.

-Oui je me doute, mais bon.

-Pourquoi je suis allé en S, hein ?

-Mais parce que tu es stupide, mon fis.

Je ris.

-Bon, sinon, quand est-ce que tu nous ramènes un garçon à la maison, mon fils ? me demande impunément Adèle.

-Oh maman, arrête !

-Mais c'est vrai ! continue-t-elle avec un sourire en coin. Ni toi ni Sandy ne nous avez présenté un joli petit gars. Je commence à me dire que je ne serais jamais grand-mère.

-Tais-toi. Le jour où j'ai un copain je le mets dans un coffre pour être sûr que tu ne te doutes de rien, plaisanté-je.

-Pourquoi, tu as peur que je te le pique ? ironise-t-elle.

JoWhere stories live. Discover now