Jo

.LXV. ITW

Si le calme précède la tempête, il la suit aussi. Je ne sais pas si l'euphorie est passée, ou si je me suis habitué à tout ça, mais j'ai l'impression que tout est comme avant. Enfin, presque tout.

Sur mes réseaux sociaux, mes demandes d'ajout et mes abonnements explosent, je reçois des tonnes de commentaires sur mes photos Instagram, tous débordant d'amour. J'ai dû m'habituer à être mentionné trente fois par jour sur Twitter, par des américains, des français ou même des japonais. Dans certains pays, l'émission ne fonctionne que depuis la parution de la nouvelle et depuis, elle a même été commandée dans d'autres. Mon coeur s'est rempli de bonheur lorsque j'ai vu pour la première fois un « compte fan » Instagram créé rien que pour Aiden et moi, avec des photos de nous - prises de mes comptes personnels - des dessins, des phrases d'encouragements... Ça réchauffe le coeur, vraiment.

A côté de ça, Aiden se sent responsable d'avoir fait de moi un personnage public, au même titre que lui. Des gens nous arrêtent parfois dans la rue pour prendre des photos avec nous deux. La sécurité de l'immeuble dans lequel nous vivons a dû être renforcée, car les fans hystériques d'Aiden semblent s'être reproduit entre eux et certains, ou devrais-je dire certaines, passent leur journée devant la porte d'entrée dans l'espoir qu'il sorte.

Au final, il reste la star d'un show qui devient petit à petit presque planétaire. Les audiences gonflent, ainsi que sa popularité, et c'est surtout lui que les gens adulent. Avec Jake, ce sont les deux grands favoris du public, et Frank, le producteur de l'émission, compte bien en profiter pour continuer d'exporter l'émission, ou d'en vendre un concept qui lui appartient.

C'est pour ça qu'aujourd'hui, des journalistes vont venir nous rendre visite pour donner une interview à Aiden. Il n'en n'a pas réellement envie, mais depuis le lancement de l'émission il y a déjà pratiquement trois mois, il n'en n'a pratiquement pas fait. La diffusion états-unienne touchant à sa fin, il faut maintenant donner aux téléspectateurs d'outre-mer l'envie de regarder Worldwide Tattoo. C'est pour le moment à la presse Suisse que nous ouvrons nos portes.

- Je n'ai pas l'impression que tu réalises bien ce qu'il est en train de se passer, là, dit Frank devant la mine désespérée d'Aiden à l'idée de faire cette interview. Il s'agit de l'émission de tatouage la plus regardée de tous les temps, d'une des émissions les plus regardées aux USA le samedi soir, et elle rentre dans le TOP 10 des programmes les plus rentables de 2016 ! On bat les records ! Et tu en fais partie, tu fais partie de ce programme, tu comptes plus de cinq millions d'abonnés sur Twitter, et ça, en moins de trois mois ! Aiden arrête de faire la gueule et compte les milliers de dollars que tu viens de te faire, ça te redonnera le sourire.

- Tu sais quoi ? répond-il. Jo a acquis cent mille abonnés sur ces réseaux sociaux au cours de ces dernières semaines, et pourtant il n'est pas dans quelque programme de télévision qu'il soit. Alors le succès de ton émission, on le doit à quoi ? À nos talents en tant que tatoueurs ou à ma relation avec Jo ? Ces journalistes ne vont parler que de ça.

- Aiden, arrête, je tente le calmer. Détends-toi, ça va se passer très vite. Et si l'une de leurs questions ne te convient pas, tu ne réponds pas, c'est tout.

C'est ce qu'il fait. Il ne me répond pas et s'assoit sur le canapé, agitant sa jambe frénétiquement sous l'impatience.

Il ne faut attendre que quelques minutes de plus avant que le téléphone portable de Frank sonne et qu'une équipe de télévision entière débarque chez nous. Il y a deux journalistes, un homme et une femme, deux caméras, des écrans et des micros manipulés par les cinq ou six techniciens qui accompagnent les interviewers. Tout le monde s'installe, Aiden se place dans sa petite chaise, sous les lumières, et le silence s'installe.