.XXIII. De longs mois s'annoncent

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Dimanche, 13h02

Aujourd'hui je rentre à la maison, après cette semaine idyllique passée chez Aiden. Je fais mon sac, sous son regard blasé dans mon dos.

—T'es sûr que tu peux pas rester ? demande-t-il.

—Oui, je suis sûr. J'ai dit à mes parents « une semaine ». Et puis de toute façon, il faut que je rentre pour bosser, j'ai des examens à la rentrée. (Je ferme la fermeture éclaire de mon sac dans un soupire, et me retrouve face à lui, mon nez frottant le sien.) Mais on se reverra, la semaine prochaine tu viens manger à la maison, rappelle-toi.

—J'ai hâte, murmure-t-il en m'embrassant. Je te raccompagne ?

—Tu sais que j'aime être avec toi, mais là j'ai besoin de me retrouver un peu seul. Pour penser à tout ça, tranquillement. Quand je rentrerai toute à l'heure mes parents vont m'assaillir de questions, j'ai besoin de souffler un peu avant.

—Bien sûr, c'est normal je comprends.

Je traverse le petit appartement d'Aiden pour arriver à l'entrée, ma main fermement tenu par lui-même, ne souhaitant vraiment pas mon départ.

—T'en vas pas, Jo.

Je ris devant la moue qu'il m'offre.

—C'est pas un adieu. On va se revoir ! Dès demain, et on se téléphonera, et on va faire plein de Skype ! Tout plein de Skype !

À défaut de faire des bébés...

Il me prend dans ses bras, faussement effondré émotionnellement.

—Oui, mais c'est bien mieux quand tu es tout le temps à porté demain. Ou de bras. J'aimais te savoir ici. Avoir tes pulls dans mon placard, tes chaussettes au pied de mon lit, ta bouteille de parfum sur l'étagère de ma salle de bain. Et tes petites fesses dans mon lit. J'aimais tout ça. (Un silence réconfortant s'installe pendant qu'il renifle mes cheveux.) Jo, je veux vraiment que tu viennes avec moi en Amérique. Ça serait comme ça tous les jours, on aurait une vie de rêve !

—Je ferai tout pour venir, Aiden, promis.

—Dès demain, j'appelle Monique de l'administration du lycée pour t'inscrire en candidat libre. C'est pas bien, mais profitons de nos avantages !

Je fais un effort surhumain pour m'extirper de son étreinte et j'ouvre la porte, prêt à partir.

—Appelle-moi ce soir, p'tite mouche, me dit-il.

—Je t'appellerai, p'tite merde, je réponds.

Une fois dehors, le froid me pique le nez, mais je trouve cela extrêmement agréable. Je pousse une grande expiration, et une épaisse buée sort de ma bouche. Je marche juste quelques mètres, histoire de m'éloigner de chez Aiden, et puis je m'assieds sur un petit potelet dans une rue calme en m'allumant une cigarette. Le froid ne me dérange pas, au contraire, il me fait le plus grand bien. Il me rappelle que je suis vivant, que j'ai des émotions, et j'arrive enfin à me concentrer sur ce qui se passe dans ma vie. Je viens de rencontrer ma mère biologique après onze ans. Elle m'a eu quand elle avait seize ans. Puis m'a abandonné parce qu'elle n'avait pas d'argent. Mon père est devenu trafiquant de drogue pour pallier à ça, et cela l'a mit en prison. Ma mère, pour me recontacter, a envoyé des lettres à ma famille en faisant croire que mon père participait à la rédaction de celles-ci, alors qu'il était coincé entre quatre murs. Bien évidemment, comme si cela ne suffisait pas, des parents ne peuvent retrouver leur fils mis à l'abandon avant ses dix-huit ans. Quelqu'un a donc vendu la mèche à ma mère, ce qui aurait pu être un gros problème. Tout ça, je l'apprends en quelques heures à peine, de quoi faire disjoncter. Je peine à tout réaliser.

JoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant