.XXVI. Tapis

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Mai 2016, Vendredi

Cher Jo,

j'ai bien reçu ta lettre. Et je voulais que tu saches que je ne t'en veux pas, ta réaction était absolument normale. Je la comprends. Je comprendrais aussi que tu ne veuilles pas de moi dans ta vie, mais sache que je t'accueillerai toujours les bras ouverts. Tu connais mon adresse, maintenant.

À bientôt, je l'espère.

Caroline, ta mère qui t'aime.

Ces quelques lignes sont la réponse que ma mère m'a donné après la lettre que je lui ai envoyé où je m'excusais d'avoir agi comme je l'ai fait au Starbucks. Je pensais que ça me soulagerait de faire ça, mais en lisant ces lignes remplies de paix et d'amour, ma culpabilité semble renaître de ses cendres.

—Jo, t'as pris mes clopes ? m'assène Sandy en pénétrant dans ma chambre.

Elle se fige en voyant mon sol, mon bureau et mon lit jonchés de photocopies de cours.

—C'est quoi, ça ? s'enquit-elle.

—C'est rien. Et j'ai pas pris tes cigarettes, non.

—Ne me dis pas que c'est rien, Jo, y'en a plein ta chambre !

Elle se baisse et ramasse au hasard une feuille :

—Des cours ?

Elle me lance un regard interloqué. Et à ce moment-là, je me dis que je suis profondément foutu. Je ne veux pas lui dire, je ne peux pas. Tout ça me met dans l'embarras.

—Ben oui, tu sais, je travaille, moi aussi, je réponds.

Elle lit vaguement la feuille qu'elle tient, se rendant compte de la supercherie.

—Tu te fous de ma gueule, ou quoi ? Je connais pas cette leçon, et le programme est pratiquement fini ! L'effet Doppler, lit-elle. C'est quoi cette merde ?

Je ne peux pas tenir plus longtemps, je dois lui dire la vérité.

Ou au moins la moitié.

—C'est, euh... c'est du programme de terminale, avoué-je. De l'année prochaine. J'ai tout pré-imprimé pour être un peu en avance, tu vois.

La guêpe n'est pas folle. Ses yeux m'explorent comme un radar, à la recherche du moindre signe qui pourrait me trahir.

—Jo, tu me caches des choses, lâche-t-elle enfin. Ne me caches pas de choses.

—Je ne te cache rien ! je me défends.

—Ouais, ouais, et mon cul c'est quoi ? De la brioche ? Du caviar ?

Je peux entendre une étincelle d'aigreur dans sa voix, qui me déroute légèrement au vue de la situation bénigne.

—Mais pourquoi tu réagis comme ça, Sandy ? Ce sont des feuilles. Des feuilles !

—Non, ce sont des feuilles de cours ! (Elle soupire vivement, exaspérée.) Jo, c'est des cours de terminale, tu n'as pas besoin de prendre d'avance ! C'est à cause de ces conneries que tes résultats sont en baisse ? Parce que si tu voulais être en avance, c'est un peu foiré, mon vieux !

—Mais non je voulais juste...

—Tu sais, m'interrompt Sandy, ce n'est pas parce que Aiden est ton nouveau confident que tu dois me mettre de côté. Tu peux toujours me dire les choses.

—Quoi ? Qu'est-ce qu'Aiden vient faire là-dedans ?

—Je comprends que tu sois amoureux, tout ça, c'est normal et je suis tellement, mais tellement contente pour toi. Mais depuis qu'il est entré dans ta vie, tu me laisses de côté, Jo.

JoDonde viven las historias. Descúbrelo ahora