Chapitre 7 : Stay

828 75 60
                                    


Un silence pesant régnait dans la cuisine de la famille Joly, alors que les trois femmes décortiquaient des arrêtes du poisson dans leur assiette. Cécile de ses ongles parfaitement manucurés, Anna avec dégout car elle haïssait se dire qu'elle mangeait des êtres vivants et Ophélie avec l'indifférence naturelle d'une personne se nourrissant d'un poisson. Comme à leur habitude, depuis le départ de Marc, le repas était silencieux, presque pesant.

— Vous faites quoi le week-end prochain ? Les interrogea Cécile pour lancer un sujet de conversation.

— Je vais le passer chez Eva, répondit Ophélie, Il y a une soirée au Palace. Je serais plus proche du centre comme ça.

L'évocation de l'hôtel particulier de Noah réveilla sa grande sœur de ses pensées et Anna répéta, surprise :

— Le Palace ? Tu es invitée ?

— Ouais, marmonna vaguement Ophélie, ce qui laissait clairement suggérer une réponse négative.

— Tu ne connais même pas le fils du propriétaire, ajouta Anna, Comment tu pourrais être invitée ?

— J'ai déjà été invitée là-bas pour le Nouvel An, je te signale, la nargua sa petite-sœur, Ce qui n'était pas ton cas, il me semble.

— C'est faux, j'étais aussi invitée. J'ai juste décidé de ne pas y aller.

— Bien sûr ! Pouffa Ophélie en levant les yeux au ciel, Je suis persuadée que personne dans ton lycée ne connait ton existence.

— Les filles... Marmonna Cécile, excédée que chacune de leur conversation ne tourne au règlement de compte.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, cracha Anna en ignorant sa mère.

Au fond, la jeune fille se fichait de ce que pensait sa sœur ou non. Elle n'avait pas besoin de se justifier auprès de cette gamine insolente et prétentieuse. Même si Anna aurait adoré lui clouer le bec en lui racontant que son « chéri » de Noah Khan était déjà venu chez eux pour partager une pizza avec elle, Anna réussit à se retenir. Elle ignorait ce que trafiquait Noah et elle ne voulait pas donner à sa petite-sœur une autre raison de se foutre d'elle. Moins Ophélie en saurait sur sa relation avec Noah, moins elle aurait l'occasion de remuer le couteau dans la plaie quand la véritable personnalité du garçon referait surface.

— Plus que tu ne le crois, ajouta Ophélie bien que, clairement, elle ne savait pas de quoi elle parlait.

Cécile leva les yeux au ciel, exaspérée, et entendit la sonnette de la porte d''entrée retenir. « Sauver par le gong », elle ne pouvait pas rêver mieux.

— J'y vais ! Se précipita-t-elle en sortant de table, profitant de ce court instant pour souffler un peu de cet interminable repas.

Elle quitta la cuisine alors qu'elle entendait déjà Anna insulter sa sœur et poussa un soupir d'exaspération. Ses deux filles ne s'étaient jamais vraiment entendues, mais le départ de leur père n'avait fait que réanimer leurs différences. Elles étaient tout bonnement insupportables et Cécile ne savait plus quoi faire pour les raisonner.

Arrivée devant la porte, la sonnerie retentit à nouveau et elle sursauta, avant de grommeler :

— Oui, c'est bon, j'arrive !

Cécile ouvrit la porte en grand et s'arrêta, hébétée, devant un garçon qui semblait avoir la vingtaine. Il était grand, brun, la peau basanée et clairement pas désagréable à regarder. Spécialement pour Cécile qui n'avait jamais vraiment caché sa préférence pour les jeunots. Cependant, ses yeux sombres et cernés laissaient apparaître des pupilles dilatées et des paupières gonflées, comme s'il avait pleuré toutes les larmes de son corps. Le jeune homme lui disait vaguement quelque chose, mais Cécile n'arrivait pas à se remémorer où elle l'avait vu.

NantisWhere stories live. Discover now