Nantis

Chapitre 2 : Pursuit of Happiness

                Ruben pénétra dans l'immense pièce remplie de miroir et se sentit légèrement oppressé. On était samedi matin et les rayons du soleil qui reflétaient sur les grandes vitres rendaient la pièce si lumineuse qu'on en avait presque mal aux yeux. Le garçon chercha du regard Belen et tomba sur la jeune fille qui était en train de faire ses étirements dans un coin plus reculé de la salle. Il voulut la rejoindre, mais la voix autoritaire de la professeure de danse se fit entendre d'un seul coup et il fit marche arrière instinctivement, se reposant contre le mur sur lequel il avait été auparavant adossé.

— Allez les filles, on refait la chorégraphie une dernière fois et après, promis, je vous libère.

Un soupir s'échappa des lèvres des jeunes filles, mais elles s'installèrent dans la salle sans d'autres commentaires. Ruben observa plus attentivement Belen. La belle brune avait les joues rouges et semblait totalement épuisée. C'était pour dire que le cours du samedi matin était réservé aux élèves les plus talentueuses, celles qui souhaitaient généralement intégrer le conservatoire ou tous autres types d'écoles de danse sélective. Belen était ravie, bien sûr, d'assister à ces cours, mais elle était plutôt jeune pour ce genre d'horaires intensifs. Cela faisait déjà deux heures qu'elle dansait et la fatigue commençait réellement à se faire sentir, son souffle étant de plus en plus saccadé et ses muscles la tirant douloureusement à chaque mouvement.

D'un regard en coin, Belen aperçut Ruben et lui lança un franc sourire. Elle n'en revenait toujours pas que le garçon continue de lui donner des cours particuliers, malgré la relation tendue qu'il entretenait avec son grand-frère.

— J'ai bientôt fini, lui murmura-t-elle du bout des lèvres.

— Ne t'inquiète pas, crut-elle comprendre sur les siennes.

La musique résonna dans la pièce et Belen se replaça aussitôt. Elle savait que si elle loupait un seul mouvement de la chorégraphie, elle et les autres filles n'auraient plus qu'à la refaire une énième fois, jusqu'à ce que tout soit parfait. Ruben reconnu dès les premières notes la chanson « Papaoutai » du chanteur belge Stromae. A l'unisson, la quinzaine de jeunes filles effectua le même mouvement et la danse se lança si rapidement que le garçon eut du mal à tout suivre. Chaque pas, chaque signe de tête, tout était calculé à la seconde près. Le corps des filles se mouvaient comme s'il n'était qu'un seul. Des mouvements saccadés, presque robotiques, qui s'harmonisaient parfaitement à la musique pop.

Le regard de Ruben s'arrêta sur Belen et sa respiration se stoppa quasi naturellement, tant il avait l'impression que son simple souffle viendrait déranger la beauté de ses pas. Belen était extrêmement douée car, bien qu'elle soit la plus jeune de toutes les danseuses, elle imposait une telle prestance qu'on aurait pu croire qu'elle était le centre de cette chorégraphie. C'était d'ailleurs probablement le cas, songea Ruben, vu qu'elle était placée en plein milieu des autres filles.

Les pas de danse continuèrent, se suivirent, avec rapidité et fluidité. Aucun faux pas ne vint déranger l'harmonie de ces corps en mouvement. Le spectacle était fabuleux et lorsque les dernières notes se firent entendre, Ruben frappa dans ses mains avec énergie tandis que les danseuses s'écroulèrent sur le sol, complètement vidées.

— C'est super les filles, enchaina la professeure en éteignant la chaine Hifi, Il faudrait encore travailler l'enchainement des mouvements sur le deuxième couplet, mais c'était bien pour aujourd'hui. Allez-vous reposer, vous l'avez mérité.

Ruben avait du mal à voir ce que cette femme voulait encore leur faire travailler, mais il approuva d'un signe de la tête lorsqu'elle se retourna vers lui. D'un pas lent et gracieux, la femme d'une trentaine d'années s'approcha de lui et elle ajouta dans sa direction tandis que la salle commençait à se vider.