Chapitre 3/ Le loup et la terreur

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Créée en 1938, à la veille d'une seconde guerre mondiale, par Lycus (Loup)Yannopoulos, un grec expatrié aux U.S.A., Anthéa Inc. (du nom de l'épouse de Lycus) avait servi des intérêts politiques divers, et avait trempé dans des affaires parfois douteuses. L'époque était plus permissive, et les moyens de contrôle, inexistants. Lycus voulait mettre sa famille à l'abri, et pour cela il avait su profiter des chaos de son époque. À sa décharge, il n'avait pas été le seul à procéder de la sorte.

Deimos (Terreur), son premier fils, né pendant la guerre, avait toujours baigné dans la culture du secret. Il était marqué dans ses gènes par les pratiques de son père, et ne voyait pas pourquoi il aurait dû mêler la morale à sa politique d'entreprise. Il avait donc accepté tous les contrats possibles, sans jamais se poser la moindre question sur la justesse des ses pratiques, monnayant la moindre information au plus offrant.

Anthéa avait donc été une entreprise privée de renseignements et de conseils, dont les principes moraux s'accommodaient d'à peu près tous les paradoxes compatibles avec de larges bénéfices financiers.

Et ce jusqu'à l'apparition d'Alexander Ryker au bras de la fille aînée de Deimos Yannopoulos : Althéa.

Deimos avait toujours su qu'un jour ou l'autre, la société des Yannopoulos changerait de main, puisqu'il n'avait eu que des filles; que son frère, Atropos (Inflexible), était mort sans héritier en Grèce, sous la dictature des colonels; et que ses deux beaux-frères, époux de ses deux sœurs cadettes, Chara et Chryseis, étaient des incapables patentés (selon lui). Toutefois, il avait espéré que la société de son père reste dans la communauté grecque qu'il fréquentait. Il avait déjà repéré un ou deux jeunes hommes qui lui auraient convenu pour épouser ses filles.

Althéa l'avait pris de court en lui imposant Alexander Ryker. Le jeune homme avait bien une mère dont les origines grecques ne pouvaient être niées, puisqu'elle s'appelait Ligea Petrakos, mais lui-même n'avait jamais baigné dans la culture de ses ancêtres.

Contrairement aux Yannopoulos, les Petrakos avaient œuvré pour effacer leurs racines en mélangeant leur sang à celui d'autres expatriés. Ainsi, la première sœur de Ligea, Callisto, avait épousé un Schalbert, et la seconde, Cora, un Everdeen. Certains vivaient dans le souvenir du passé. D'autres préféraient l'oublier. Les Yannopoulos appartenaient à la première catégorie. Les Petrakos, à la seconde. Deux visions du monde et de l'avenir.

C'était ce qui avait séduit Althéa. Elle avait rencontré Alexander à la bibliothèque dans une section qu'il n'aurait sans doute jamais visitée s'il n'avait été attiré par cette magnifique jeune femme à la blondeur indéniable et aux yeux noirs si captivant. Alexander ne cachait pas son amour pour elle. Il était expansif et incroyablement tendre avec Althéa. Il était différent de tous les hommes qu'elle côtoyait ordinairement. Avec lui, elle se sentait libre de parler, de penser, de vivre. Elle n'aurait renoncé à cet amour pour rien au monde.

Pourtant, malgré son physique de colosse brun, Alexander n'était pas un vrai grec aux yeux de Deimos Yannopoulos. Ce dernier ne s'était donc pas rendu sans se battre. Il avait tenté d'éloigner le jeune homme d'Althéa en forçant le destin. Et cette contrariété du destin portait le nom de Park Eun-Yeong.

Eun-Yeong était une jeune femme pragmatique. Elle étudiait le droit assidûment et connaissait bien les difficultés qu'une femme (aux origines étrangères de surcroît) pouvait rencontrer pour atteindre ses objectifs dans la vie.

Contre une somme d'argent plus que raisonnable, elle avait accepté de séduire Ryker pour une nuit. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était se montrer familière avec lui pendant qu'un détective prendrait des photos. Elle avait été plus loin, parce que Ryker lui avait plu, et parce que, s'il ne plaisait pas à ce père d'origine grecque, elle, elle saurait le faire accepter à son père d'origine coréenne. Elle avait vu, dans cette situation, une opportunité à saisir.

Ryker, jeune, naïf, et surtout très soul, s'était laissé emporter. Il avait passé une nuit avec elle, mais n'en gardait que très peu de souvenirs. Quoi qu'il en soit, les photos étaient arrivées jusqu'à Althéa. Et n'avaient pas du tout eu l'effet escompté par Deimos.

En réalité, la jeune femme savait déjà tout. Alexander ne lui avait rien caché. Le jeune homme aurait accepté d'être rejeté, mais n'aurait pas supporté de mentir à celle qu'il aimait et qu'il courtisait. Il lui avait donc avoué sa stupidité au risque de la perdre. elle avait été en colère comme seule les grecques peuvent l'être, mais pas forcément contre lui.

Dès qu'elle avait reçu les photos envoyées anonymement, Althéa, qui était loin d'être naïve et sotte, s'était immédiatement douté que son père était derrière cette « erreur de parcours ». Elle l'avait confronté. Il avait avoué. Althéa avait gagné. Ryker l'avait épousé peu de temps après.

Toute cette histoire était intéressante, car elle révélait ce que Deimos était prêt à faire pour arriver à ses fins. Alexander avait appris sa leçon et s'était, désormais, méfié de son beau-père sans jamais faillir.

À ce moment-là, il pensait s'éloigner de la famille Yannopoulos après son mariage, en accédant à son premier poste, car quand il avait rencontré Althéa, Alexander n'avait d'autre ambition que de devenir juge. Il avait cette passion du droit qui lui venait de son père, lui-même avocat, puis procureur, durant de nombreuses années. La société des Yannopoulos ne revêtait pas le moindre intérêt à ses yeux.

Malheureusement, le destin avait ouvert une autre voie sans qu'il ne puisse rien y faire. Olympia et Atalanta, les sœurs d'Althéa, jumelles et contrariantes, avaient choisi de jeunes grecs pour époux, mais aucun des deux n'avait la fibre entrepreneuriale. Le premier, Linus, s'était engagé dans l'armée, comme son père avant lui. Le second, Myles, était violoniste dans un orchestre.

Deimos avait dû faire un choix pour garantir la pérennité de l'entreprise familiale. Quand bien même ce choix lui déplaisait fortement.

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