Chapitre 99 / Le cœur brisé et l'âme en miettes

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Lupita ouvrit les yeux sur un ciel blanc cassé. Elle ressentit immédiatement l'atroce sensation du manque d'air. Elle aurait pu croire qu'elle se noyait encore, si elle n'avait eu la certitude qu'elle n'était plus dans l'eau. Quand bien même la réincarnation aurait existé, ce qu'elle ne croyait pas, il était peu probable que l'agencement cosmique suprême se soit amusé à la ramener à la vie dans la peau d'un poisson qu'un sadique aurait abandonné à l'air libre... Quelque chose d'autre la contraignait.

Malgré la douleur qui semblait s'être emparée de tout son corps, elle leva la main vers sa tête pour ôter ce qui l'empêchait de respirer correctement, pleinement. L'élastique maintenait fermement un masque sur son visage. Elle avait beau savoir qu'il était probablement là pour l'aider, elle ne pouvait supporter sa présence. Elle voulait se libérer de ses entraves. Elle voulait se lever, ouvrir une fenêtre et respirer. Respirer encore. Respirer sans fin.

***

La première chose que Darius vit en entrant dans la chambre avec son café, ce fut le lit vide, avec la perfusion abandonnée sur les draps froissés, et le masque pendouillant vers le sol, au bout de son tube. Puis, il la vit, elle. Debout près de l'entrebâillement de la fenêtre, elle s'agrippait à la poignée avec toute la force qu'elle pouvait déployer à ce moment-là, mais son corps entier tremblait.

Il lâcha son café et se précipita vers elle.

***

Lupita sentit l'étreinte, non comme un soutien, mais comme une entrave de plus. Elle ne voulait pas de ces bras. Juste respirer. Encore. Et puis, ses jambes la trahirent. Alors les bras se firent réconfort. Elle s'y agrippa, et entendit enfin ce que celui qui la tenait si fort lui murmurait. Elle sombra de nouveau sur ces paroles qu'elle n'avait pas attendues, qu'elle n'avait même pas eu le temps d'espérer.

***

Darius laissa les médecins et infirmières sortir de la chambre avant de se rapprocher de nouveau du lit où Lupita semblait dormir paisiblement. On lui avait ôté le masque. Sa peau d'ordinaire mordorée arborait une pâleur maladive. Il s'allongea près d'elle sans la serrer cependant, et commença à lui caresser le visage en lui murmurant ce qu'il avait sur le cœur.

Il l'aimait, oui. Son cœur ne supporterait pas de la perdre. C'était une évidence qu'il ne pouvait plus ignorer. Lorsqu'il l'avait vue inerte sur ce quai de l'East River, la douleur avait été bien plus intense que celle qu'il avait éprouvée à la mort de son père. Il avait cru être englouti par l'obscurité, aspirer par le vide qu'elle laissait en lui. Il ne supporterait pas de la perdre. Pas maintenant. Pas comme ça. Il s'en voulait, car c'était sa famille qui la mettait en danger. S'ils ne s'étaient pas rencontrés sur le parvis de la gare Montparnasse, probable qu'elle serait en train de rire avec ses amies.

Pour le moment, il était trop épuisé pour envisager autre chose que rester près de celle qu'il aimait. La vengeance qu'elle appelait, viendrait bien assez tôt. La vengeance et ce qu'elle engendrerait fatalement, car elle ne serait pas mesurée. Darius Ryker haïssait son grand-père au point qu'il se sentait capable du pire pour lui faire payer ce qu'il avait organisé pour l'abattre. Il lui ferait payer, mais pas maintenant. Et sur cette pensée, il finit par s'endormir collé à celle qu'il aimait plus que tout, pour laquelle il ferait tout. Même le pire.

***

— Darius, le rapatriement n'est pas encore envisageable. Laisse-là encore quelques jours ici. Nous veillerons sur elle.

Magnus tentait de retenir son frère qui préparait un sac de voyage dans la chambre d'ami de son appartement.

— Elle a besoin des siens pour se rétablir.

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