Chapitre 43 / Règlement de compte à OK Coral

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Bien sûr, Darius toqua de nouveau. Il insista un moment, mais, assise dans sa mini cuisine, elle tint bon en dégustant ses beignets de crevettes qu'elle partagea avec Pop-corn qui devait patienter pour pouvoir sortir. Puis quand l'assiette fut vide, elle attrapa son sac, sa veste et ses clés, avant de prendre la laisse du chien, qui se mit à sauter partout de joie. Cet animal aurait redonné le sourire au pire trou-du-cul de la terre. Lupita souriait donc en sortant de chez elle. Cependant, le sourire fut bref, puisqu'elle se trouva nez-à-nez avec Ryker qui patientait assis sur les marches.

— Je me disais que vous sortiriez bien à un moment donné. Au moins pou rle chien, dit-il pour se justifier.

Lupita ne lui répondit rien. Elle passa devant lui comme une reine, et descendit les marches en tirant un brin sur la laisse, pour empêcher Pop-corn de pactiser avec l'ennemi. Ryker se mit à la suivre.

« Grand bien lui fasse, si ça lui faisait plaisir », pensa-t-elle, mais elle ne comptait pas lui décocher un mot.

— Je vois, commença-t-il. Je comprends.

« Qu'est-ce qu'il pouvait bien voir et comprendre, cet abruti ! »pensa aussitôt Lupita qui gardait lèvres closes, malgré la démangeaison de plus en plus forte de hurler contre son patron. Ex-patron, pardon !

— Je voulais m'excuser pour hier, mais j'étais forcé de dire ce que j'ai dit. Je voulais voir avec vous comment vous dédommager, envisager un autre emploi, et caler la suite de notre mascarade.

Lupita et Pop-corn étaient arrivés au square. La jeune femme marqua un temps d'arrêt alors que le chien aurait voulu poursuivre. Cependant l'animal comprit que quelque chose d'autre que sa promenade dominicale était en cours, et que ce quelque chose avait de l'importance pour sa maîtresse. L'intelligence des chiens...

— La suite ? explosa la jeune femme qui n'en pouvait plus de se taire. La suite !? Mais il n'y aura pas de suite, M. Ryker ! Je suis peut-être jeune, stupide, et d'origine indéterminée, mais j'ai bien compris une chose : il n'y aura pas de suite. Vous avez vous-même brisé le contrat qui nous liait. Alors je pense que vous pouvez aller voir ailleurs si j'y suis, je ne vous en tiendrai pas rigueur, croyez-moi !

— Mlle Jones, soyez raisonnable...

Y a-t-il quelque chose de pire que de s'entendre dire ce genre de chose quand tout votre être exsude la colère envers votre interlocuteur ? C'est l'équivalent de « calme-toi » quand on se sent calme, mais que l'on en a suffisamment sur la patate pour exploser la tête de celui qui ne vous prend pas au sérieux ; ou « arrête d'en faire tout un plat » quand justement, l'affaire nécessiterait une conférence internationale !

— Raisonnable ! Je vais vous... commença Lupita en s'approchant dangereusement de son patron, le poing serré.

Puis, elle prit conscience qu'elle était dans la rue, qu'il faisait bien deux têtes de plus qu'elle, et que ça n'était ni le lieu, ni le moment de régler ses comptes avec Darius Ryker. Elle fit volte-face et reprit sa marche d'un pas énergique que Pop-corn apprécia aussitôt. Ryker lui emboîta le pas sans difficulté. Vu la taille de ses jambes, il n'avait même pas besoin de forcer.

— Vous êtes pénible ! Pourquoi ne pas vouloir discuter de tout ceci tranquillement ! Il n'y a pas eu mort d'homme ! Et je vous ai défendu contre les reproches de mon grand-père !

— Vous voulez parler de ces critères d'exigence auxquels je semble correspondre ! Merci ! Ça c'était de la défense hyper constructive !

— Je vous signale que vous n'êtes pas vraiment ma petite amie ! Alors inutile d'en faire un plat !

Il l'avait dit ! Il l'avait dit ! Elle allait l'exploser ce schmock ! Pop-corn accéléra à ce moment-là, coupant court aux envies de meurtre de la jeune femme en la faisant presque courir. Le chien avait vu le quai. Elle parvint à l'arrêter néanmoins, et se tourna vers Darius, avec un air buté. Et, un doigt accusateur appuyé sur sa poitrine, elle lança :

— Vous avez dit que vous alliez me virer, alors que vous aviez promis le contraire !

Face à face, Darius et Lupita s'affrontèrent du regard un bref instant. Il abdiqua avant elle en fourrageant dans ses cheveux comme un ado prit en flag de connerie.

— Je n'ai rien trouvé d'autre à dire pour contrer ses arguments. C'est bon ! Je vais arranger ça !

— C'est bon ? Vous allez arranger ça comment ? En me faisant embaucher quelque part, je suppose ? Je ne serai plus seulement la« salope » qui a couché avec le patron d'Anthéa pour le pognon, je serai aussi celle qu'on place à sa guise, et dont on doutera toujours des compétences ! La pistonnée ! Bravo ! Encore mieux ! Vous savez quoi ! Je préfère me débrouiller toute seule ! Vous pouvez dégager ! Je viendrai prendre mes affaires tôt demain matin.

Darius était contrarié. Cette fille était impossible, avec ses principes et son caractère ! Il avait merdé, ok ! Mais il était venu s'excuser et il trouverait une solution !

— Vous ne pouvez pas partir comme ça. Nous avons un contrat ! s'exclama-t-il en la rejoignant en quelques pas.

Ils arrivaient sur les quais où un grand nombre de parisiens se promenaient. Lupita bifurqua pour s'engager vers une partie moins peuplée. Elle voulait éviter que son chien se fasse piétiner par mégarde ou simplement rouler dessus par une trottinette inconsciente ou des rollers en liberté surveillée.

— Il n'y a plus de contrat, M. Ryker.

— Bien sûr que si, Mlle Jones. Et vous l'avez signé en toute connaissance de cause.

— Vous l'avez annulé en me virant.

— D'abord, je ne vous ai pas encore viré. Ensuite, ce cas ne figure pas dans le contrat. Pas de cette manière, en tout cas. Il est juste stipulé que la découverte du subterfuge n'entraînera pas de licenciement. Or, le « subterfuge » n'a pas été découvert. Et c'est justement pour qu'il ne le soit pas que j'ai eu besoin de dire que je vous virais.

Lupita s'était arrêté brusquement, créant une onde dans la foule de marcheurs autour d'elle. Ryker la fixait s'attendant au pire. Il aurait vraiment préféré être ailleurs pour discuter de tout ça. Il avait vu que Jung les avait suivi avec la voiture. Il devait maintenant se tenir au-dessus d'eux, sur le boulevard. Si seulement, Darius pouvait arriver à convaincre la jeune femme de monter dans sa fichue bagnole... ils seraient moins exposés.

— Vous êtes sérieusement en train de me dire que je vais devoir continuer à jouer votre petite-amie ?

— Oui.

— Pas question, lâcha-t-elle en reprenant sa marche.

Puisqu'elle ne voulait rien entendre, ni même discuter, Darius se vit contraint d'utiliser les grands moyens. Il savait qu'il avait l'argument imparable pour la faire abdiquer. La méthode n'était ni loyale, ni élégante, mais la jeune femme ne lui laissait pas le choix.

— Si vous rompez le contrat, il faudra m'indemniser.

Comme il s'y attendait Lupita s'arrêta net et se retourna vers lui, avant de le rejoindre en quelques pas.

— Vous n'allez pas faire ça.

— Bien sûr que si. Vous ne me laissez pas le choix.

— Vous avez vous même bafoué plusieurs clauses du contrat.

— Il faudra le prouver. Vous avez un bon avocat, j'espère ?

Il savait qu'elle n'aurait pas les moyens financiers de se payer un avocat, même le plus minable d'entre eux. Lupita était sur le point de hurler. Il le vit à son visage qui manifestait tous les signes de la colère indomptable imminente. Il connaissait bien et il comprenait. Elle s'était fait insulter et maintenant, il était injuste envers elle. Pourtant, comprendre ne voulait pas dire autoriser. Il ne pouvait pas la laisser se déchaîner ici. Trop de monde. Trop de témoins. Il attrapa alors sa taille et sa nuque de ses larges mains, et dans un geste sûr, il colla ses lèvres aux siennes dans une tentative de baiser passionné.

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