Chapitre 104 / Face au réel

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— Grand-mère Kang ? s'esclaffa Darius en se retournant effaré.

— Elle-même, jeune idiot ! Me faire faire ce long voyage à mon âge ! Tu devrais avoir honte ! dit Iseul en attrapant le bras de Darius afin de l'éloigner de l'entrée où il se trouvait.

Elle souhaitait, évidemment, éviter que Deimos ne les remarque. Jung avait été très clair : le travail réalisé par Darius ne pouvait que leur être bénéfique tant que son grand-père ne décelait rien de sa discrète filature.

— Comment es-tu arrivée ici ? demanda Darius en se laissant entraîner vers la sortie.

— D'après toi ? À dos de chameau ?

— Jung est ici ?

— Bien sûr qu'il est ici ! Il pense à tort que je pourrais être la voix de la raison, cet imbécile !

— Ce que tu n'es pas ?

— Bien sûr que non ! Nous savons tous les deux que pour se débarrasser du problème Yannopoulos, il n'y a qu'un moyen de procéder : disparition totale et définitive. J'entends bien la nécessité de l'écraser comme un vulgaire moucheron avant. Il l'a mérité. Mais ça n'empêche pas de voir plus loin.

Darius était bouche bée. Iseul était la première personne de la famille qui ne tentait pas de le dissuader d'aller au bout de sa vengeance. Elle venait de lui assurer à mot couvert qu'il avait raison de vouloir tuer Deimos. Et cette affirmation le rendit bizarrement mal à l'aise. Comme si lui-même avait eu du mal à accepter l'inéluctable conclusion de sa démarche. Comme si, face à son propre projet, il se rendait compte de son énormité et des conséquences qu'il engendrerait. Comme si sentir un soutien à cette folie décrédibilisait l'ensemble de manière irrévocable.

Pourtant, lors de son départ de New-York, il se sentait prêt. Il n'avait pas eu peur lorsqu'il avait envisagé tous les détails de son plan de vengeance. Il n'avait pas appréhendé la suite.

— Ça fait bizarre, hein ?!

Darius reporta son attention sur Iseul qui le fixait de ses yeux en amande éclatant de ruse. Elle s'était arrêtée sur le parvis devant l'opéra. L'espace était quasiment vide. Le public avait rejoint la salle pour la suite du spectacle.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il avec froideur.

— Ça fait bizarre de se sentir soutenu quand on veut devenir un meurtrier. Le meurtre est un acte solitaire. Un acte de pure folie, même quand il est prémédité. Il ne se partage pas vraiment.

— Tu oublies un peu vite les couples de meurtriers célèbres.

— L'un fomente. L'autre suit. La passion et la folie sont souvent un liant puissant. Le meurtre est acte solitaire. Je maintiens.

— Je vois que tu y as réfléchi. Pourquoi es-tu là, en réalité ? Pour me dissuader ? En faisant de la psychologie inversée... ça ne va pas fonctionner, Iseul, dit Darius avec une certaine dureté.

C'était la première fois que Darius l'appelait par son prénom. Dans la bouche des enfants Ryker, Iseul avait toujours été grand-mère Kang. Elle se redressa un peu, consciente que le combat ne faisait que commencer. Évidemment, une telle tête de mule ne pouvait pas abandonner ses projets aussi facilement. Même si ceux-ci finissaient par réduire sa vie à néant.

— Allez viens. Tu en as assez fait pour ce soir.

— Non. Je dois savoir où il finit sa soirée. Si ce Murena est important, je...

— Ça suffit, Darius Ryker ! Si tu me fatigues, je rentre dans cet opéra et je vais directement dire à ce traître de Deimos ce que tu comptes faire !

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