Chapitre 21 / L'espoir fait vivre, dit-on

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Lupita n'avait jamais couru aussi vite de sa vie. Elle s'engouffra dans la bouche de métro comme si elle avait eu tous les chiens des enfers aux trousses, et passa sa carte de transport avec l'impatience de celle qui sait que le destin est contre elle. Lorsqu'elle arriva sur le quai, en sueur et essoufflée, elle retira sa capuche de hoodie et se mit à fixer avec appréhension les escaliers par lesquels elle était arrivée, en priant pour l'arrivée rapide du métro.

Lorsqu'elle entendit le bruit caractéristique de la rame qui s'approchait, elle se tourna vers le bord du quai. « Peut-être que finalement, le destin n'avait rien contre elle » pensa-t-elle brièvement en montant dans la rame... Jusqu'à ce qu'elle aperçoive Darius Ryker sur le quai opposé. Il venait d'arriver. Il fixait droit devant lui sans rien dire. Il fixait le métro.

Devant les autres passagers étonnés, Lupita s'accroupit précipitamment, jusqu'à ce que la rame reparte. L'avait-il vue ? Reconnue ? Peu probable. Même sans sa capuche, elle était loin et parmi d'autres personnes. Elle jeta un œil autour d'elle : trois clampins et deux touristes. Merde ! Il avait très bien pu la reconnaître !

Assise par-terre, dos à la porte, Lupita se prit la tête entre les mains. Elle devait réfléchir, et là, elle n'y arrivait pas. Elle se mit à respirer profondément et retrouva son calme. Elle se redressa juste avant la station suivante et s'assit sur un strapontin près des portes. Bon. Elle devait cesser de se tracasser.

D'abord, parce que même si son patron l'avait reconnue, ça n'avait aucune importance tant qu'il ne faisait pas le lien entre la danseuse de flashmob et l'informaticienne d'Anthéa Inc.

Ensuite, parce qu'elle allait brûler ce hoodie ! Quant bien même, il lui avait été offert par son père. Bleu électrique avec un logo blanc et jaune sur le devant, il ne passait jamais inaperçu, parce qu'elle savait qu'il n'était pas vendu en France. Et elle voulait se prémunir d'une étourderie de sa part. Genre : et si je mettais mon hoodie bleu ce matin, pour aller bosser ? C'était bien son style ! Elle soupira en regrettant déjà de ne plus pouvoir le mettre.

Enfin, elle ne mettrait plus jamais les pieds chez Emmanuelle, à moins qu'elle ne change d'appart ! Peu importait qui habitait sous celui de son amie, elle ne pouvait pas prendre le risque de tomber de nouveau sur Ryker.

Elle descendit à la deuxième station. Il fallait qu'elle fasse demi-tour maintenant. Elle n'habitait qu'à une rue de chez son amie Emmanuelle !

***

— C'était la fille.

—J'ai bien vu que notre voleur d'ascenseur était une fille ! lâcha Jung en montant dans la rame qui venait d'arriver juste après le départ de celle du quai opposé.

— Non. Ce que je veux dire, c'est que ça n'était pas n'importe quelle fille. C'était la cheerleader.

— C'est une plaisanterie ?!

— Je suis à peu près sûr de moi.

— Qu'est-ce qu'elle ficherait dans l'immeuble d'Iseul ?

— Tu l'as dit toi-même, le voleur d'ascenseur ne pouvait venir que du dessus. Elle est la voisine de grand-mère Kang.

— Tu parles d'une coïncidence !

— À moins que ça n'en soit pas une.

— Qu'est-ce que tu dis ?!

— Je ne sais pas. Je trouve assez étrange que cette fille croise mon chemin autant de fois en si peu de temps. En plus, elle possédait une carte pro pour pénétrer dans Anthéa. Et si elle m'espionnait pour le compte de Deimos ?

— Alors, elle n'est vraiment pas douée. Et à moins que ton grand-père n'ait changé ses méthodes de recrutement en abaissant ses exigences, je pense que c'est un peu tiré par les cheveux.

— Tu expliques toutes ces coïncidences comment, alors ?

— Bah ! Ce sont justement des coïncidences ! À moins que l'on ne parle de destin.

— De destin ! C'est ça, oui ! N'importe quoi, Jung ! Tu regardes trop de drama !

— Possible, mais en attendant, je n'ai pas de meilleure explication.

— Demain, tu me trouves un accès aux dossiers du personnel.

— Tu penses vraiment qu'elle bosse pour nous ?

— Je l'ai vue entrer dans l'immeuble de l'entreprise. Et ne me parle pas de livreuse. Elle avait une carte d'accès... Tu as réussi à récupérer les vidéos du flashmob ?

— Il n'y en avait qu'une où l'on voyait ta chute. Et encore, pas de manière vraiment détaillée.

— Tu l'as gardée ?

— Oui.

— Montre la moi !

— Mais... pourquoi ? Tu ne te souviens plus de la tête qu'elle avait ?

— Vaguement. Je veux être sûr de...

— ...ne pas être obsédé par cette jolie fille ? Parce que tu la vois partout...finit Jung en tendant son téléphone à Darius, en souriant.

Sans commentaire, Darius se mit à visionner la vidéo.

— Tu as été un exemple de calme et de contrôle, sourit Jung en se moquant un peu, car on voyait parfaitement la colère du nouveau dirigeant de la filiale française d'Anthéa Inc..

— C'est bon, Jung. Je venais de parcourir une partie du globe en avion. J'ai des circonstances atténuantes.

— N'empêche, dans d'autres circonstances, cette fille t'aurait plu.... En fait, à bien y regarder, son visage me dit quelque chose.

— Tu as dû la croiser au boulot.

— Peut-être... mais c'est bizarre, je ne la recadre pas.

— En même temps, tu es le pire physionomiste de cette planète.

— J'ai d'autres qualités : être un assistant hors pair, un cuisinier convenable, un amant...

— C'est bon. Je vais me passer de la totalité de la liste.

— Tu as peur de la comparaison.

Darius jeta un œil à son demi-frère qui affichait une visage hilare, avant d'éclater de rire en lançant un « Ouais, c'est ça ! ».

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