Chapitre 24 / Dans la gueule du loup

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Lupita quitta l'ascenseur l'esprit en ébullition. Klaus n'allait pas venir. Elle allait devoir gérer un problème d'intrusion seule, et ça la contrariait au plus haut point. La jeune femme était consciencieuse et méthodique dans son travail. Elle était aussi parfaitement consciente que si cette histoire merdait, ça lui retomberait dessus.

— Vous avez l'air mécontente ! Vous n'appréciez pas venir travailler le week-end, c'est ça ! laissa tomber Darius d'un ton suffisant en ouvrant la porte de son bureau, comme s'il s'était attendu à une telle manifestation de la part d'une employée

— Absolument pas ! C'est plutôt que je suis inquiète. Vous auriez dû nous parler des intrusions dès qu'elles ont eu lieu. Ce délai pourrait avoir de graves conséquences ! Il pourrait y avoir un virus qui travaille en sous-marin depuis la première intrusion, et donc une fuite importante de données. Klaus va en faire une jaunisse. Vous auriez dû l'appeler, répliqua Lupita en dépassant Darius sans autre forme de procès.

Si les intrusions dataient de plusieurs jours, elle n'avait pas de temps à perdre en blabla. Dès qu'elle aperçut le deck posé sur le bord du bureau, elle s'en empara et commença ses vérifications, afin d'en extirper les informations nécessaires.

— Klaus ne m'a pas paru si utile, dit alors Darius en se plaçant derrière elle.

Elle ne releva pas, mais dans sa tête un voyant s'alluma aussitôt. « Dis plutôt que tu as préféré te retrouver seul avec une nana pas trop moche, plutôt qu'avec un grand barbu ! » pensa-t-elle. Lupita se décala immédiatement vers le PC pour garder un œil sur son patron. Pas question de se laisser surprendre, si jamais il tentait quoique ce soit. Il était peu probable que cela arriva, mais on ne savait jamais. Il valait mieux rester sur ses gardes.

Toutefois, le travail l'emporta bientôt sur la prudence. Complètement absorbée, Lupita ne remarqua pas que Ryker s'était remis tranquillement derrière elle.

***

Darius tenait à voir ce que faisait Lupita Jones. Toutefois, si son intention première avait été de mettre la jeune informaticienne en porte-à-faux, il avait bien du mal à se concentrer suffisamment pour mettre son plan à exécution. Le message qu'il avait reçu dans l'ascenseur lui revenait sans cesse à l'esprit.

Ce dernier n'était pas long, mais suffisamment évocateur pour l'énerver au plus haut point. Deimos Yannopoulos, fidèle à sa légende d'opiniâtreté, lui avait envoyé plusieurs dates de rendez-vous, accolées à des prénoms de jeunes femmes aussi fleuris qu'Églantine ou Marguerite. Mais où allait-il les chercher ? Et comment faisait-il pour en trouver autant en si peu de temps ? Existait-il un marché de la cuisse ferme et du sourire ultrabrite ? Une sorte de liste remise à jour quotidiennement, des célibataires fortunées, avec caractéristiques et pedigrees ?

Il était furieux que le vieil homme ne veuille pas comprendre qu'il ne plierait pas à ses exigences matrimoniales. Il était aussi furieux de ne pas parvenir à passer outre. Pourquoi cette lubie de son grand-père le mettait-elle tellement hors de lui ? Peut-être parce qu'à 28 ans, il sentait bien qu'il y avait du vrai dans ce qu'énonçaient les anciens au sujet de la solitude. Mais il n'était pas prêt. Il ne céderait pas. Pas de cette manière en tout cas !

Il lui fallait un plan B, rapidement... Il pourrait peut-être faire comme Jung. Ce dernier lui avait avoué son stratagème un peu foireux de fausse petite amie. Bon, il faudrait être plus performant. Lui, ne pouvait pas se permettre de demander à n'importe qui. Il fallait que la jeune femme soit sûre, convienne à des critères stricts qui la feraient coller aux exigences de la famille, et surtout ait un métier factice qui la ferait beaucoup voyager. Beaucoup, beaucoup...

Une actrice pourrait faire l'affaire, peut-être. Jung l'avait mis en garde, cependant, car il existait un danger non négligeable à moyen ou long terme : que la fausse fiancée ait des exigences un peu trop élevées, voire qu'elle s'éprenne de son client. Il fallait donc que la jeune femme soit aussi à sa merci pour une raison ou une autre. Il lui fallait une femme qui obéirait par intérêt et se tairait par crainte.

Il en était là de sa réflexion quand l'informaticienne qu'il voulait surveiller et piéger, se mit à parler. Il n'avait rien retenu de ce qu'elle avait fait ! C'était malin ! Bon, il ne s'amuserait pas à la faire tourner en bourrique ou à la mettre mal à l'aise ! Il allait expédier son cas vite-fait ! Parce que maintenant, il avait autre chose à faire. Quelque chose qu'il lui paraissait essentiel de régler au plus vite.

***

— C'est étrange. Je vois bien plusieurs intrusions depuis votre bureau en dehors de vos codes d'identification, mais rien n'a été ouvert ou téléchargé, dit-elle au bout d'un moment en relevant la tête, remarquant enfin l'absence de son interlocuteur à sa place initiale.

— Ah ?! Déposé peut-être ? suggéra Darius d'une voix à la limite du désintérêt en se penchant sur le PC.

— Non. Rien, répondit Lupita, soudain suspicieuse, car elle se rendait compte qu'il était très près d'elle. Beaucoup trop près, en réalité.

— Hum. C'est étrange en effet. Peut-être que l'intrus a été dérangé ?

— Les trois fois ! Ce serait vraiment pas de chance pour lui. En plus, la caméra ne donne rien non plus. Est-ce que je vérifie le système de sécurité du bâtiment ? demanda-t-elle en tentant de se décaler sur le côté, comme si elle avait voulu lui laisser une place près d'elle.

— Inutile. Tant que rien n'a été consulté, volé, détruit ou corrompu, ça ne sert à rien. Je ne veux pas alerter les espions.

— « Les »espions ? Parce qu'il y en a plus d'un ? s'exclama Lupita.

— Oui, en effet, répliqua Darius en la fixant droit dans les yeux avec un air qui disait clairement : « je t'ai à l'œil, gamine ! ».

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