Chapitre 50 / Les chasseurs

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— Je crois que j'ai quelque chose, dit Lupita en atteignant le bureau de Klaus après avoir lu les dossiers qui avaient retenu son attention.

— Moi aussi. Mais vas-y. Toi d'abord.

— Ce type a été recruté il y a deux ans à la compta, dit alors Lupita en déposant un document devant Klaus. Rien d'anormal. Diplôme correct, mais expérience intéressante. Regarde pour qui il a bossé en free-lance à ses débuts.

— RedLightEyes.

— Et ça n'est pas tout. C'est tordu, tu vas voir. Ce type a été recommandé par Marc Rochemer. J'avais déjà entendu son nom ici. Il est parti du pole informatique avant que j'arrive. C'est Steve qui m'en a parlé.

— Ouais. On n'a pas compris pourquoi il se barrait, d'ailleurs.

— Alors je me suis posée la question de pourquoi un mec qui bosse au pôle informatique irait recommander un mec à la compta. Un mec d'une boite concurrente, en plus.

— Un pote à lui ?

— Je suis allée voir le dossier de Marc. Recruté il y a dix ans sur recommandation de... la maison mère à New-York où il avait fait un stage avec M. Schuman... l'assistant de M. Yannopoulos lui-même, quand il n'était pas à la retraite.

— Putain, t'es pire qu'un berger allemand renifleur de drogues toi... y'a rien qui t'échappe...

— Mlle Mercier m'a beaucoup aidé. Tu aurais trouvé la même chose si tu t'étais adressé à elle directement.

— Hum. Bon, bref. Ce que t'as trouvé confirme ce que j'ai trouvé moi. Regarde ces images. Maintenant que j'ai un visage, c'est plus facile à comprendre.

— C'est quoi ? Une visite guidée des locaux ?

— Nan ! Une fin de réunion à l'étage de la direction vendredi soir. Je pensais demander à Park qui il avait à cette réunion, mais plus besoin, maintenant. Vu ce que tu as trouvé, ce devait être une réunion finance. Regarde, presque tout le monde va vers les ascenseurs, sauf Park et Ryker qui vont droit vers les escaliers, et ces deux types, qui eux, attendent un peu avec le reste du groupe avant de s'en détacher, comme s'ils avaient l'intention de prendre les escaliers finalement. Sauf que si on passe à cette caméra.

— Ils dépassent les escaliers. Ils vont aux toilettes ?

— L'un des deux seulement. L'autre prend son téléphone juste avant d'entrer et reste dans le couloir. Et...

— Dès que son pote est dans les toilettes, il s'en va.

— Et comme par hasard, la caméra du couloir qui donne sur les bureaux de la direction à blinké juste avant la fin de la réunion. Les gars de la sécu ont attendu le lundi pour aller y jeter un œil.

— On a notre taupe... murmura Lupita.

— Pas encore. Il faut maintenant prouver que c'est ce type. Tu remarqueras qu'à aucun moment, on ne capte son visage en entier.

— Il sait où sont les caméras. Mais bon, il bosse ici, avec d'autres personnes. Ce sera facile de le confondre, non ?

— Pour le moment on ne peut prouver qu'une chose : il était près du bureau du directeur vendredi soir. Pour le reste... finit Klaus en s'adossant plus généreusement à son dossier de fauteuil, bras croisés sur la poitrine.

— Qu'est-ce qu'il te faut ?

— Son nom et son poste.

Lupita sourit en échangeant un regard avec Klaus, avant qu'il ne se penche sur le document qu'elle avait ramené des RH. Il avait là tout ce dont il avait besoin.

Avant la fin de l'après-midi, les deux informaticiens s'étaient introduits dans la bécane du suspect et avaient extirpé ce dont ils avaient besoin. le type n'avait pas été très prudents. enfin, pas assez pour eux. Il s'agissait maintenant de trouver un moyen d'éliminer la menace en toute discrétion. Mais cette décision ne leur appartenait pas.

— C'est toi qui y vas, dit Klaus.

— Pourquoi ?

— Parce qu'il ne m'écoute pas.

— Je dirais que c'est toi qui t'exprimes mal... comme un vieil ours mal léché. Mais chaque ours à son pot de miel, n'est-ce pas ? dit Lupita malicieusement.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, gamine, ronchonna Klaus en tendant à Lupita la clé USB sur laquelle, il avait mis toutes les recherches et toutes les preuves.

Lupita lui lança un sourire avant de quitter le plateau. Il avait raison. Elle n'avait pas à s'en mêler, ni même à commenter sa relation. Elle aurait été la première à râler si quelqu'un s'était immiscé dans la sienne, si elle en avait eu une. Ce qui était très loin d'être le cas.

Lupita trouva Park et Ryker dans le bureau de ce dernier. Il semblait travailler sur un dossier quand elle entra après y avoir été invitée. Ils n'avaient pas bonne mine ni l'un, ni l'autre. Park avait le teint crayeux, et Ryker se tenait la tête comme s'il tentait de contenir ce qui cherchait à s'en échapper. Sa lucidité, peut-être ?

À dessein, Lupita les salua avec un « bonjour » énergique qui les fit grimacer tous les deux. Il n'y avait pas de petites vengeances.

— Mlle Jones, est-il nécessaire que vous soyez aussi enthousiaste en toute occasion ? murmura Jung en soupirant.

Lupita aurait pu répondre sur le même ton pour s'amuser encore, mais elle était là pour travailler. Et puis, chaque vengeance a son revers. Il fallait se méfier de ces deux-là. Ils étaient capables de lui imposer encore une virée shopping ou pire un week-end détente au milieu de nulle part, sans connexion d'aucune sorte. Elle se contenta donc de griffonner sur un papier avant de le leur tendre. « Avez-vous la certitude que votre bureau n'est pas surveillé autrement que par l'intermédiaire de votre PC ? » était écris en capitales. Les deux hommes échangèrent un regard avant de se lever dans un bel ensemble.

— Merci pour le rapport, dit Darius en entrainant la jeune femme vers la porte. Je vais y jeter un œil. Pour le moment, nous avons une réunion. Park ? Nous y allons ?

Jung attrapa sa tablette et le deck de Ryker, avant de les suivre dans le couloir.

— Nous sortons ? demanda Darius à voix basse à Lupita.

— Je ne sais pas s'il y a raison de s'inquiéter. Mais vu ce que nous avons trouvé...

— Allons dans la salle de réunion des RH. Elle n'est jamais utilisée. Peu probable que quelqu'un ait pensé à y placer un micro, non ? dit Jung sur le même ton.

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