Chapitre 53 / Hors cadre

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Darius et Jung patientaient depuis dix bonnes minutes à l'arrière de la voiture, garée le long du trottoir. Ils virent Lupita sortirent de son immeuble, un grand sourire aux lèvres.

— Pfffiuuuu, siffla discrètement Jung. Qui aurait cru que notre petite informaticienne-caissière-geek pourrait être aussi spectaculaire ?! De jolie, elle devient particulièrement... intéressante.

— Je te signale que tu parles de MA fiancée.

— Sous contrat ! Et je te signale qu'elle a failli être la mienne... Si j'avais su, j'aurais bataillé un peu plus... J'ai une idée ! Et si on la laissait choisir son cavalier ? s'amusa Jung en ouvrant la portière.

— Entre nous, aucune chance qu'elle te choisisse.

— Permets-moi d'en douter. S'il n'y avait pas ce contrat entre vous, je pense, qu'au contraire, j'aurais toutes mes chances. Je suis beaucoup plus souriant et aimable que toi ! Et puis, j'ai une classe naturelle dont tu n'atteindras jamais le niveau.

— C'est ça, oui. En attendant, essaye un peu de t'approcher d'elle et je t'atomise, dit Darius d'un ton sérieux en sortant pour accueillir sa cavalière d'un soir.

Jung n'ajouta rien. Il se contenta de sourire en s'asseyant face à la banquette où allait s'installer le faux couple. La situation était sérieuse, mais aussi très amusante pour lui. Il sentait que son demi-frère n'était pas à l'aise dans cette situation qu'il avait pourtant lui-même créée. Sa « bonne » idée ne lui paraissait peut-être plus aussi bonne ? Mais comme il était sérieux et de parole, il s'astreignait à jouer son rôle.

Darius ne put que constater la disparition du beau sourire de Lupita quand elle aperçut la voiture dans laquelle elle allait devoir monter. Le véhicule n'appartenait pas personnellement à Darius. Il était, en réalité, loué à l'année par Anthéa Inc., pour être utilisé pour des trajets divers.

Le chauffeur, M.Duchamps n'était sollicité qu'en de très rares occasions, comme ce soir-là, où il arborait une casquette et un uniforme impeccable. S'il n'était pas sorti pour ouvrir la portière à la nouvelle passagère, c'est que le patron lui avait dit qu'il le ferait. Il était donc resté au volant, isolé de l'arrière par une vitre.

Inconsciente de la convoitise qu'elle suscitait et totalement indifférente aux regards posés sur elle, Lupita attaqua direct.

— C'est quoi ce char d'assaut ? Vous n'avez rien trouvé de moins discret ? s'exclama-t-elle en dédaignant la main tendue pour l'aider à monter.

Debout près de la portière, Darius observa mieux la voiture. Jusqu'à présent, il s'était laissé transporté sans jamais faire attention au modèle. C'était un Range Rover luxueux et rutilant de propreté. Une grosse voiture effectivement. À côté, les véhicules de taille raisonnable paraissaient petits. Cependant, il était sûr d'une chose. Ce soir, sa voiture serait sans doute la moins impressionnante sur le parking.

— Bonsoir également, Mlle Jones. Je suis enchanté d'aller à ce vernissage en votre« aimable » compagnie. Sans parler de votre robe qui vous sied à merveille, se contenta de dire Darius en la suivant dans l'habitacle.

En entendant la tirade de son demi-frère, Jung eut un petit gloussement discret, tandis que Lupita rougissait d'avoir été si rude sans même saluer personne. Elle devait entrer dans son rôle et se montrer plus aimable. La voiture ne serait sans doute pas la dernière chose qui la rendrait colère ce soir. Il fallait qu'elle parvienne à faire abstraction de tout cette cacophonie en elle, dont elle n'avait pas l'habitude.

— Je m'excuse pour la voiture, dit-elle en soupirant. Vous êtes tous les deux très élégants, finit-elle en s'asseyant

— Vous aussi, Mlle Jones. C'est fou ce qu'un simple vêtement peut arriver à faire... commença Jung toujours souriant.

— On ne va pas s'étendre là-dessus. Nous sommes tous prêts pour jouer notre rôle dans la comédie à venir, dit simplement Lupita en fixant avec intensité ses genoux que l'étoffe de sa jupe ne recouvrait pas.

— Hum. Oui, en effet. Mais pour que tout soit parfaitement crédible, je vous ai amené ceci, dit alors Darius en sortant l'écrin de la bague qu'elle lui avait rendu. Et je pense que vu votre tenue, il serait approprié d'ajouter ceci, finit-il en posant un écrin plus grand sur ses genoux.

Lupita ouvrit le tout et resta un instant sans voix. Elle avait sous les yeux une très belle pièce de joaillerie.

— Dites-moi que ce ne sont pas de vraies pierres précieuses...

— Je pourrais le dire, mais ce serait un mensonge, répondit simplement Darius d'un air détaché, alors qu'en lui une petite voix jubilait que la jeune femme soit enfin émerveillée par ce qu'il avait choisi.

Lupita passa d'abord un doigt sur les minuscules feuilles de diamant qui composaient les bras du collier, jusqu'au pendentif central en forme de fine fleur. Juste en dessous, une paire de boucles d'oreille aussi délicates que le collier, attendait sagement d'être portée.

— Ça va pas faire un peu too much ? Parce que je suis censée n'être que votre petite-amie, pas votre fiancée avec tout le tralala que cela implique...

— Vous serez sans doute la moins pourvue de toute la soirée. Et c'est l'absence de bijou qui pourrait paraître suspecte, ajouta Darius qui ne voyait pas où était le problème.

Toutes les femmes de son entourage portaient ce genre de chose quand elles sortaient. Sans compter que ça n'est pas lui qui avait choisi la chose en question. Il tourna son regard vers Jung qui lui jeta un regard innocent.

— Je vais vous aider à attacher le collier, proposa-t-il finalement en prenant l'écrin.

Lupita se tourna légèrement pour lui présenter sa nuque, que Darius trouva particulièrement agréable à regarder. Pensée parasite qu'il chassa aussitôt. Il devait rester concentré. Ce soir, il ne pouvait pas se permettre de faux pas.

— Lumineux, se contenta de dire Jung quand le collier fut en place.

— Les boucles maintenant, commença Darius, prêt à aider Lupita à les mettre.

Sauf que la jeune femme se déroba aussitôt, laissant son patron les bras en suspens, l'air dépité.

— Écoutez, je ne suis pas le genre de fille à rêver en secret de porter des tenues de princesse pour me promener au pays des Bisounours et des licornes arc-en-ciel. Je peux gérer le collier et la bague. Mais les boucles, je suis bien capable d'en perdre une sans m'en rendre compte ! Alors, on va s'arrêter là.

— Les bijoux sont assurés, se contenta de dire Darius en rangeant l'écrin avec les boucles d'oreille solitaires dans un petit compartiment près de Jung.

— Je n'en doute pas, mais je pense que le collier et la bague suffiront. On ne va pas non plus au bal de la reine.

— Ça risque de paraître bizarre, dit Darius déçu de ne pas avoir l'assentiment de la jeune femme.

— Écoutez, je dois gérer la robe, la coiffure, le maquillage, les talons, et maintenant, ces bijoux. Il ne faut pas pousser. Je suis déjà ultra loin de ma zone de confort, si vous voyez ce que je veux dire. Alors un peu de pitié.

Darius haussa les épaules en se concentrant sur les rues de la ville qui défilaient à l'extérieur du véhicule. Il avait choisi Lupita pour tout un tas de raisons, mais n'avait pas prévu qu'elle ne réponde pas à l'image des femmes qu'il avait l'habitude de côtoyer. Même aux Fidji, il n'avait eu à ses côtés que des femmes très à cheval sur leur apparence avec des cœurs de midinettes. Lupita ne faisait définitivement pas partie de cette catégorie. Elle, elle préférait démonter des têtes sur Streetfighter.

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