Chapitre 52 / Cendrillon au bal

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Lupita se regarda dans le miroir en pied posé contre le mur de la chambre. Ses cheveux, pour une fois, n'avaient pas décidé de vivre une vie indépendante de la sienne et se maintenaient en un chignon flou qui avait de l'allure. L'application d'un maquillage discret était réussie, malgré l'absence de ses amies pour l'aider. La robe n'était pas moche. Elle lui allait même bien avec sa coupe asymétrique et son drapé sur l'épaule droite et sur la hanche gauche. Et chose rare, elle se sentait bien dedans. Rien à voir avec la jupe de l'autre fois.

La soie sauvage gris clair parsemée de minuscules broderies aux teintes orangées, lui donnait l'air d'être enveloppée d'un luxe discret, mais lui paraissait tout de même très habillé pour elle, « mais pas trop pour un vernissage », pensa-t-elle spontanément.

Que racontait-elle ?! Qu'est-ce qu'elle en savait ! Un« vernissage » ! Elle n'avait jamais mis les pieds dans ce genre de soirée ! Elle vérifia que son téléphone avait la batterie chargée à bloc. Au moins pourrait-elle envoyer discrètement des messages à ses amies quand elle se sentirait totalement hors contexte.

Elle attrapa la pochette dans les tons gris que lui avait prêté Aïko. Mais oui ! Parfaitement ! Aïko, et pas Emmanuelle ! Aïko qui ne portait que du noir ou du gris très très foncé, possédait une pochette gris clair constellée de brillant. Tout le mystère résidait dans la provenance de ce trésor unique, et de savoir en quelle occasion Aïko avait bien pu l'utiliser. Si elle l'avait bien utilisée, parce que la pochette paraissait sortie tout droit de son emballage d'origine. Au regard que lui avait lancé son amie quand elle lui avait prêté l'objet du délit, Lupita avait compris qu'il était préférable de ne rien demander. Il est des mystères qu'il vaut mieux ne pas chercher à élucider.

Lupita ouvrit la pochette et soupira. Qu'allait-elle bien pouvoir transporter dans cet espace ridiculement petit ? Son téléphone prenait déjà presque toute la place. Impossible de mettre son porte-feuille. Trop volumineux et pas du tout raccord avec le reste. La jeune femme dut se résoudre à extraire de l'objet en cuir multicolore et passablement défraîchi, ses papiers d'identité et sa carte bleue. Un minimum. Elle put ajouter un mouchoir en papier - on ne sait jamais – et son brillant à lèvres. Elle avait dans l'idée que ce dernier pourrait lui servir quand ce fichu rouge-à-lèvres se ferait la malle à force d'être mordillé.

Couché sur le canapé, Pop-corn, l'œil humide et la queue battant joyeusement, observait les préparatifs de sa maîtresse avec le fervent espoir que ce soit pour aller faire une petite balade avec lui.

— Je ne vais pas sortir avec toi, boulette ! Ce soir, tu ne seras pas mon roi.

Pop-corn émit un petit jappement amical qui était autant une autorisation qu'un regret.

— Je sais. Mais Aïko a promis de venir te promener... avec un peu de chance, elle t'emmènera avec elle faire des photos ! Tu la protégeras contre tous les dangers de cette affreuse ville ! Tu seras son héros ! dit alors Lupita en grattant son chien derrière les oreilles et sur le ventre, mais en prenant soin tout de même, de ne pas s'asseoir sur le canapé près de lui. Pas question de ruiner sa tenue avant de partir.

Au moment de descendre, la jeune femme prit un petit paquet enveloppé de jolies couleurs chatoyantes. Lupita voulait remercier Santina Mendès pour tout ce qu'elle faisait pour elle. Elle voulait lui montrer que même si elle la voyait moins souvent qu'avant, elle ne l'oubliait pas. Pas plus qu'elle n'oubliait les enfants à qui elle avait promis de venir les garder très bientôt, quitte à payer une soirée à l'extérieur à leur parent.

Elle ferma soigneusement sa porte – et eut un mal de chien à faire rentrer son porte-clé dans son sac de fourmi. Qui avait inventé ces choses inutiles et désespérantes ! Sa besace lui manquait déjà !- et descendit toquer à la porte de ses voisins avec moult précautions, car les talons qu'elle portait, – pourtant pas si hauts, selon Emmanuelle qui l'avait aidée à les choisir - avaient, eux-aussi, été inventés par un tortionnaire, c'était sûr.

À sa grande surprise, ce ne fut pas Santina, mais M. Mendès qui vint ouvrir. Quand il la vit, apprêtée ainsi, il sourit comme un père fier de sa fille devenue une belle jeune femme, et cela fit chaud au cœur de Lupita sans qu'elle ne sache trop pourquoi. Elle connaissait peu M.Mendès. Il était rarement là. Toujours à travailler pour faire vivre sa famille. La jeune femme ne s'attarda pas sur cet élan du cœur inattendu.

Entendant les jumeaux babiller depuis leur bain, Lupita remit son paquet pour Santina à son époux et commença à descendre les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée. Mais à peine avait-elle atteint le troisième étage qu'elle s'entendit appeler dans la cage d'escalier. Santina arrivait suivit de Jasmina et Estrella.

— Pequeña ! Tu n'allais pas partir sans que je te vois quand même ! dit Mme Mendès affectueusement en tenant Lupita à bout de bras en souriant.

— Vous étiez occupée...

— Bah ! Javier n'a pas vu ses fils éveillés depuis plusieurs jours, il doit en profiter un peu ! Que tu es belle, Lupe ! Tes cheveux ont deviné qu'ils devaient bien se tenir ! Et ton maquillage est si discret... c'est parfait !

— C'est vrai, et ta robe, elle est trop magique ! dit Jasmina en caressant le bord de la jupe fourreau, dont trois plis en biais partaient de la taille pour se perdre dans une fente latérale discrète.

— C'est trop beau, ces petites broderies, dit Estrella qui commençait à bien se débrouiller en travaux d'aiguilles en tout genre. Et tes chaussures ! J'adore trop !

— Calma pequeñas ! N'imaginez même pas porter ce genre de choses avant d'avoir un cavalier digne de ce nom ! lança Santina en roulant des yeux vers ses filles.

— Mais rien ne vous empêchera de vous déguiser avec dans mon appart de bonne fée ! ajouta Lupita en souriant malicieusement aux deux gamines.

— Filez rejoindre vos frères maintenant, continua Santina. J'ai des choses à dire à Lupita que vos oreilles n'ont pas besoin d'entendre.

Les deux sœurs ne se firent pas prier et disparurent bien vite.

— Lupe, tu vas faire sensation ce soir, dit alors la mère de famille en souriant.

— Ça n'est pas le but, regretta Lupita en regardant la robe.

— Qu'elle est le but, alors ?

— Ça, c'est une excellente question, soupira la jeune femme.

— Quoi qu'il en soit. Si jamais tu as le moindre problème, tu nous appelles. Nous viendrons te chercher où que tu sois. D'accord ?

— Merci, « maman » !

— Tu es ma fille de cœur, Lupita Jones, et je ne me pardonnerais pas s'il t'arrivait quelque chose.

Il n'en fallut pas plus pour que la jeune femme serre dans ses bras une Mme Mendès aux yeux humides et inquiets.

— Allez vas, maintenant ! Ou tu vas être en retard ! Remarque, jolie comme tu es, tu as le droit de te faire désirer !

Lupita sourit et recommença à descendre, mais elle s'arrêta au bout de quelques marches.

— Santina ?! J'ai laissé un paquet pour vous !

— Je sais. Je me le garde pour le dessert, sourit-elle avant de regagner rapidement son appartement.

Julio et Pablo venaient d'apparaître entièrement nues sur le seuil, et dégoulinant d'eau ! Ils avaient le sourire triomphant et interpellèrent Lupita en riant, tandis que Roméo, juste derrière eux, la fixait avec les yeux éblouis. La jeune femme qui les voyait du coin de l'œil, leur envoya des baisers en riant à son tour.

— Ne ris pas, Lupe ! Madre de Dio ! Javier ! Où est la serviette ? se mit à crier Santina aussitôt, faisant profiter tout l'immeuble de la joyeuse folie qui tournoyait dans cet appartement.

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